SAMEDI 5 Février 2005, de 10h à 18h Animation : Régis MOULU. Auteure invitée : Claudine VUILLERMET. Thème : Où sommes-nous ? ... lorsqu'on est à l'intérieur de l'échope FOrmes et OmbRes. Au 48 Avenue Emile Zola (à Saint-Maur des Fossés), cette boutique vous absorbera. Si, si ! … Vous serez alors littéralement happé de votre trottoir et émettrez l’envie de dénicher quantité d’objets qui grossiront sous les commentaires de Jean Foor, son heureux propriétaire. Cet artisan hors du commun (cf son portrait), ce passionné éclairé, a en le même lieu son atelier de création et de moulage d’art médiéval, celtique, fantastique. |
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- "Où serais-je" de Béatrice ARNAUD-GORECKI - "En d'autres lieux" d'Angeline LAUNAY - "Où sommes-nous ?" de Claudine VUILLERMET - "Les tentations du rien" de Régis MOULU - "Présent... passé" de Janine NOWAK - "Atelier Formes et Ombres du 5 février 2005, Jean Foor" de Françoise MORILLON
"Où serais-je" de Béatrice ARNAUD-GORECKI Si j'étais dans ton arbalète, je serais sa flèche au point mort, scotchée à l'inoffensif adhésif Si j'étais dans ton bougeoir aux abcès rouges, je serais la cire qui va couler de tout son sang à l'allumage de la mèche d'une douleur Si j'étais dans ton lustre-aux-feuilles, je serais sa boucle pour bruire et frissonner du cycle de la vie Si j'étais dans ton poisson, je serais dans sa nageoire aux quatre pétales pour en faire un trèfle Si j'étais dans ton cœur de bois, je serais sa sève pour remonter ou redescendre le temps. Ce serait selon… Si j'étais dans ta corne qui n'est pas d'abondance, je serais le vide engouffré Si j'étais dans ta chouette, je serais ses lunettes pour arrondir les angles du monde afin que les yeux du cœur ne s'y blessent pas Si j'étais dans ta hache, je serais ses pointes rentrées Si j'étais dans ton canon, je serais son boulet lancé droit dans la mémoire ennemie Si j'étais dans ton écrin en carré d'énigme, je serais son objet dérobé Si j'étais dans ton porte-encens, je serais la poussière prisonnière de ses effluves consumés Si j'étais dans La Mort-au-miroir, je serais la femme-serpent qui retient son venin dans son dos de mensonge Si j'étais dans ton étalage de minéraux, je serais un porte-santé à la clé d'un amalgame Si j'étais dans tes flacons de parfums, je serais l'Orient qui s'y modèle en gammes d'ivresses Si j'étais dans l'un de tes écus qui n'est pas d'Aix, je serais ses quatre calissons Si j'étais dans ton paillasson, je serais la terre sèche échouée au terme du chemin du va-nu-cœur Si j'étais dans ton Hypocras, je serais son mystère de cannelle et de gingembre aux papilles des vertus Si j'étais dans ton araignée au plafond d'un samedi, je serais son ombre de plâtre piégée dans la toile de ses maljours
"En d'autres lieux" d'Angeline LAUNAY Forme - Nous sommes ici, nous les formes. Et vous, les ombres, où êtes-vous ? Y a-t-il une une ombre ici ? Ombre - Oui, me voilà parmi vous. Forme - Oh ! Je suis si émue… Me connaissez-vous ? Ombre - Je ne crois pas. Forme - Je vous connais ? Ombre - Vous ne me connaissez pas. Forme - M'en direz-vous davantage sur vous ? Ombre - Je suis ici par hasard. Cet endroit est pour moi un lieu de passage car je hante d'autres lieux. Forme - Me direz-vous qui vous êtes… Ombre - Je me demande moi-même qui vous êtes. Forme - Je suis un ange tombé ici-bas. Ombre - Apprendrai-je votre nom ? Forme - On m'appelle " Ange ". Puis-je savoir le vôtre ? Ombre - Je suis Girflet, d'une autre époque. Forme - … Le Moyen Age, sans doute. Ombre - Avant, mais mon histoire s'est écrite au Moyen Age. Forme - Je suis émue. Ombre - Vous l'avez déjà dit. Forme - J'ai l'impression de vous connaître. Ombre - Ce n'est qu'une impression, en effet. Me voilà votre obligé. Forme - Etes-vous un Seigneur ? Ombre - Je fus écuyer au royaume des Deux Bretagnes. (Un silence) Vous ne dites plus rien. Forme - J'aimerais que vous me parliez de vous. Ombre - Dans cette échoppe, les objets m'ont paru familiers et je me suis attardé un moment, lorsque vous avez invoqué les ombres. Forme - Venez-vous de loin ? Ombre - D'assez loin. Trois lieux m'habitent, de même que je les habite. On dit que les disparus reviennent dans la maison qui les a vus vivre mais ce choix ne m'a pas été laissé. La plupart du temps, j'erre sur le champ de bataille de Salisbury où j'ai vu périr tous les barons de notre Seigneurie… presque tous car peu survécurent à la fin des " Temps glorieux. " Les écus crevés, les lances éclatées, les hauberts démaillés, les heaumes fendus, les têtes tranchées, les corps démembrés, les plaies telles des fleurs ouvertes sur un cœur transpercé, les râles inaudibles avant le dernier sursaut, la force terrassée, le courage sacrifié, tout espoir à jamais anéanti… Lorsque je m'éloigne de cette terre de désolation, c'est pour rejoindre mon souverain tombé en combat singulier, blessé à mort par la main de son propre fils à qui il porta malgré lui un coup fatal… le père, contraint d'affronter la chair de sa chair, ce fils, accusé à juste titre de trahison, ce félon, précipité dans la double mort qu'il donna et reçut en retour. M'advint un cruel dilemme : garder ou me séparer de l'épée de mon Roi ! Couché dans l'herbe mêlée de boue, à l'agonie, sachant son armée défaite, il me pria d'aller jeter son épée dans le lac. Parvenu aux rives feuillues, je ne pus m'y résoudre et la cachai dans les ajoncs. De retour auprès de mon Seigneur qui ne respirait plus qu'à grand peine, je lui mentis en lui disant que l'épée se trouvait au fond du lac. Il me demanda quel prodige s'était produit… Comme je ne savais que répondre, il me renvoya vers le lac. Cette fois, je n'eus le cœur que de jeter le fourreau. Mais le roi m'interrogea à nouveau. Voyant que ses forces l'abandonnaient, je me résolus à accomplir ce geste de désespoir : faire disparaître à jamais l'arme vénérée dont l'acier s'était forgé à la gloire de tout un peuple ! Je la lançai de toutes mes forces, le plus loin que je pus. C'est alors qu'une main sortit des eaux, s'empara de l'épée et la leva trois fois au-dessus de la surface argentée avant de s'enfoncer lentement. A la montée de la sève, les rives du lac verdoient ; elles s'embrument au déclin de la chaude saison et blanchissent durant les rudes hivers. J'y trouve une sorte de paix pour mon âme attristée. Ne suis-je pas le seul à savoir, qu'au fond de ces eaux calmes, gît l'épée de la renommée… Elle brilla d'un dernier éclat avant que son sort ne fût scellé par la main qui la jeta et celle qui s'en empara. Apaisé par le récit du prodige, le Souverain des Deux Bretagnes expira. Me revint la terrible mission d'en informer la reine infortunée, réfugiée en un couvent de nonnes. Elle cherchait à rejoindre le château de l'époux qu'elle ne revit jamais. Sa route s'était arrêtée là. Et moi, Girflet, qui aurait donné ma vie pour mes souverains, j'avais assisté aux derniers instants de mon Roi, et voilà qu'il me fallait maintenant voir ma Reine se pâmer à l'annonce de la funeste nouvelle. Innocente des crimes dont elle avait été accusée, elle avait injustement supporté les tourments occasionnés par le doute, l'absence et la félonie. Sans regret, elle franchit la porte de la Peur pour aborder au royaume de la Vie sans fin. Entre les murs clos de ce lieu dédié à la méditation, je retrouve quelque apaisement. Je pense à la Dame de beauté, à sa douceur, à la droiture de son âme. Quel que soit le temps et quelle que soit la lumière, je me ressource à mon passé dans le jardin du cloître où je vis se ternir son regard d'une bonté ineffable. Combien de fois ai-je traversé les murs de la chapelle pour m'enivrer des chants qui s'élevaient dans la tranquillité d'une journée nouvelle... Du jardin du cloître, poussé par le vent, il m'arrive de me laisser emporter vers des lieux inconnus. Les étendards ont arrêté ma course et je suis entré ici où j'ai pu vous parler parce que vous avez exprimé le vœu de m'écouter, chère Ange. Permettez que je vous appelle ainsi. Forme - Appelez-moi comme bon vous semble. Comme vous, je ne faisais que passer. Je me demande… Me serait-il possible de vous rejoindre sur les rives du lac ou le couvent des nonnes ? Comment le pourrais-je ? Comment abolir le temps ? Ombre - Rencontre étonnante d'une forme et d'une ombre ! Si vous le désirez, je puis abolir le temps et nous pourrions échanger d'autres paroles. Mais vous ne pouvez aller là où je vais. Moi seul peux venir vers vous. Si vous m'en priez, je n'hésiterai pas à faire le voyage. Forme - Je vous en prie.
"Où sommes-nous ?" de Claudine VUILLERMET, auteure invitée Où sommes-nous ? Où sommes-nous ? En quel
lieu ?
"Les tentations du rien" de Régis MOULU, auteur animateur BLANC. - Où sommes-nous, j'ai ? ROUGE. - Ailleurs, ailleurs, Blanc ! BLANC. - Où sommes-nous une fois que l'on est entré dans les formes et dans les ombres, j'ai, ne sais plus, je ? ROUGE. - On entre et on n'est rien, la foire aux concepts, ce lieu est impossible, rien n'y est précis, tout y est posé, formé, sculpté et/ou peint : l'hypnose y fait son cinéma et c'est toi qui tourne la manivelle, Blanc ! BLANC. - Moi, aucun intérêt pour le décoratif, j'ai, l'impression d'avoir été dépecé, j'ai… ROUGE. - Tu mélanges vraiment les mots, Rouge, bric-à-brac improbable jusque dans le dedans de ta bouche, fourbis de dents démoulées juchées d'un casque brillant comme s'il nous était offert de ne plus rien voir ou de voir seulement tout ce qui existe à portée de bras, les tiens, épée à deux mains avec une garde en ailes de dragon, je te prie de me croire, à côté d'un gantelet dont chaque doigt est découpé comme des écailles charnues de saumon, si tu te souviens bien, non loin d'une porte solitaire qui, avec son mur de vide, donne sur le néant de façon oblique… En face, les chevaliers de la table qui tourne au 220 ne t'en diront rien, exprès, sois-en sûr, préférant faire présentoir commun avec des sorcières aux traits beaucoup trop feutrés pour pouvoir s'attaquer ne serait-ce qu'à un jambon de paille en gelée, tout hypocras dehors ! BLANC. - Arrête-toi, Rouge, arrête-toi et calme-moi par ton silence, n'en rajoute pas, je t'en prie, on risque de ne pas voir arriver la nuit, des inquiétudes, j'ai, des inquiétudes fondées et immatérielles, ce sont les pires si crois mes doigts, j'en ! Mais, Rouge, dis-moi, où atterrirons-nous si, de notre tête, on ôtait tous ces objets qui, en définitive, n'ont existé que par nos yeux émerveillés ? Le sentiment d'être petit et amovible, j'ai. ROUGE. - A ce stade, et avec ce genre de questions, t'es foutu, Blanc, car il faut bien avouer qu'il ne nous sera désormais plus possible de décoller de la rue Emile Balzac. Note que l'homme au teint de plâtre était plain-cadre. Le lierre en plastique véritable conduisit ton regard, je le sais, vers des rongeuses de cuillères en bois d'olivier qui étaient encore toute frustrées d'avoir été condamnées au porte-clef. Vivras-tu peut-être la même peine ? D'ailleurs qui sait ce que sont devenus tous les visiteurs qui nous ont, malheureusement pour eux, précédé ? Aussi impassibles que figés, des champignons t'ont fait croire qu'ils jouaient clandestinement du violon sous leur chapeau tout fait de placo. Un tronc d'arbre anthropomorphisé avait cinq bras sous les applaudissements de tes paupières, t'étais cuit ! Car tu aurais pu au moins te dire que des anges qui ne percent pas un plafond ont tout d'une pierre reconstituée ! Il ne faut jamais s'accrocher aux monstres, Blanc, sinon leur musique ne te lâchera pas. Arbalète, 83 € : il y a des anachronismes qui auraient dû normalement t'effleurer les hémisphères ! Le crâne, dit "crâne de femme" était décervelé : tu n'as eu guère plus de réaction, comme si les objets laissaient sur toi la plus nocive de leurs empreintes ! Te voir dans un heaume format friteuse, il n'en fallut pas tant pour te confire ! Pas plus dégrossi qu'un pasté de poulet à l'hysope tu étais, Blanc ! Loups sages, loups sages, pour qui est à la recherche de féerie, le programme indique "disparition", voilà que tu t'y allongeas déjà, Blanc, alors que la nuit n'était pas encore sortie de la bouche du soleil, loups sages, loups sages, ne t'installe jamais dans le brûle encens sarcophage, c'est une chauve-souris qui fait la pierre tombale ! Tes pensées s'étaient bel et bien obscurcies au milieu des pieds des lampes en serres d'oiseaux, loups sages, loups sages, une meute à vrai dire, arrêtée vive si tu avais mieux exercé ton imagination… BLANC. - Imagination ou pas, Rouge, n'aurais jamais dû y aller avec toi, je, tes souvenirs ne m'en feront jamais partir… L'idée d'avoir des amis devrait se réfléchir. A présent, aimerais vider mes yeux de tout ce qu'ils ont bu, je, en prenant soin d'étrier simultanément toutes les circonvolutions de mon pauvre cerveau, reposé le gobelet vide, j'ai. ROUGE. - Oui tu as ! Et toi maintenant de désapprendre les objets, d'ignorer leur passage, de ne plus croire qu'un œuf blanc craque sous la naissance de deux dragons siamois, tu es fou, de penser que les casques ne seront plus jamais ornés de deux cornes à boire, tu me déçois, ou plus naïvement que les drakkars ne font plus office de corbeille à pain, bref, Blanc, tout oublier, tout rejeter et aussi et surtout se mettre en grève de la faim pour que ta bouche serve enfin à ranger six dessous de verre couleur cendre, le lot 12 €, avoir la vigilance d'effacer tout ce que je dis alors que je l'ai à peine perlé ; aller enfin jusqu'à nier que les lutins ont un carnet de route aux éditions de la Tempête, et que les anges gardiens se portent cette année en pendentifs ! Regarde-toi, Blanc, tu es dans un état proche de ton résultat, photographie d'objet, le dernier miroir que tu aies vu n'indiquait-il pas qu'à mal réfléchir, les serpents du temps pourraient bien te décharner jusqu'à l'os, aussi fessu que tu sois ?! BLANC. - Galerie de verre dans bouteille pas mieux ! Embarqué dedans, j'ai, sombré depuis longtemps, j'eus. J'eus. ROUGE. - Oui tu eus, au gré du gouvernail de tes passions, comme éblouis par un ciel de fioles forgées ! Fin.
"Présent... passé" de Janine NOWAK Quelle secousse ! Que m'est-il arrivé ? Où suis-je ? J'ai
le vertige. Je vais fermer les yeux et attendre un instant. Je n'ai
pourtant pas le souvenir d'avoir abusé de la boisson, pour une fois
; quoique… avec moi, on ne sait jamais ! Six personnages s'avancent, vêtus de tuniques, de bas
de chausse et de poulaines. L'un d'eux prend la parole. C'est un grand
bel homme, à la fière barbiche.
"Atelier Formes et Ombres du 5 février 2005, Jean Foor" de Françoise MORILLON Où suis-je ? qu'est-ce ce bric-à-brac ? Pendant des années, je suis passée à l'entrecroisement de ces rues sans m'y arrêter : " Les Fleurs Bleues, Jolie Petite Maison de Retraite, et en face " Formes et Ombres, on pourrait dire une sorte de Maison de Retraite Moyenâgeuse. Les Fleurs Bleues ont été pour moi pendant quelques années le lieu où je rendais visite à ma mère qui y fut pensionnaire : je la revoie dans sa petite chambre située dans la partie à colombages, elle m'attendait tous les après-midi ; je passais de longs moments plein de tendresse et de complicité auprès d'elle jusqu'à sa disparition. Et puis aujourd'hui je me retrouve face à cette Maison dans ce lieu insolite nommé " Formes et Ombres ". Le Moyen-Âge, période lointaine pour moi ; rentrons et découvrons donc cet endroit. Intéressant les soldats qui jetaient de l'huile bouillante du haut des tours sur les méchants qui attaquaient le château du Grand Seigneur. L'armée des ombres ? mais non rien à voir, atmosphère un peu sombre. Le beau Chevalier qui essayait de faire les yeux doux à la fille du Seigneur qui se mouraient d'amour pour lui enfermée dans la tour filant la laine : " Belle Madame yeux beaux mourir d'amour me font , mourir me font vos beaux yeux, Belle Madame ". Tu n'aurais pas cru, petite Mère, si je t'avais dit qu'en face de ta chambre t'attendais un homme en armure, ton Seigneur, sans doute, mon Père, ton bon Chevalier que tu as tant aimé ! Ce matin, tu vois, je m'y suis arrêtée, j'ai beau m'étonner, m'amuser devant ces objets pour le moins hétéroclites et je pense très fort à toi : aurais-tu traversé la rue pour te retrouver en Dame à bonnet pointu attendu le beau Chevalier ton escarcelle à la taille de ton vertugadin ? Et aussi il t'aurait bien plus ce lieu où l'on vous offre des boissons hypocratiques, carthaginoises , et puis aussi où l'on découvre les "crozets", sortes de petits carrés au sarrasin, ces confitures moyenâgeuses de vin ou de vinaigre. Puis nous découvrons ces mille sorcières rabougries, et les marmousets ah oui ! à propos, marmousets vous êtes si superbes, d'où sortez-vous pour être aussi beau, que soutenez-vous, c'est lourd mais malgré tout vous semblez heureux. Cette caverne d'Ali Baba moyenâgeuse m'étonna et me laissa bien perplexe en ce samedi matin. |
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Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet ! |