Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment
(dans l'ordre):
- "Prélude" de Karine LEROY
-"Continuité d'une histoire" de Janine
NOWAK
- "Très joyeux règlements de comptes
- Monologue intérieur jubilatoire" de Bénédicte
MOLLIER
- "Aux Champs Elysées, ti la la la la..."
d'ARGOPHILHEIN
- "Tout ça pour dire qu'elle a la gousse
douce" de Régis MOULU
"Prélude"
de Karine LEROY,
conteuse invitée
Le printemps était de retour. Le bal des mouches reprenait son rythme
silencieux dans ma chambre avec vue sur jardin.
Moi : Aaaah ! écouter le chant des oiseaux, regarder le
ciel à plat sur mon matelas… Aujourd'hui, je me fous de tout, de mes
jambes pas épilées, de mon célibat devenu monastique, de la fuite d'eau
dans ma cuisine, … Mais le douce quiétude printanière n'a pas duré longtemps…
Elle : Tu fais chier Emmanuel, va te faire voir, tu me
fais trop de mal ! Les voisins d'à côté étaient dans leur jardin, l'orage
aussi.
Lui : Mais arrête ! T'es devenu complètement hystérique
! Est-ce que je m'énerve moi !
Clang ! La voisine est partie…
Lui : Ouais ! C'est ça ! Et ne reviens surtout pas !
Bravement, le voisin s'est installé sur son transat
et a ouvert son journal d'un coup sec. Il s'est mis à battre du pied
mécaniquement, comme la queue d'un chien qui attend le retour de son
maître…
Le ciel, lui, était toujours aussi calme et bleu intense. J'ai repris
le cours de ma rêverie…
Tout à coup, une sorte de gémissement ! comme un animal malade ! Ca
venait du premier ! La voisine du dessous vivait pourtant seule ! Ca
continuait et ça montait comme un déchirement !
C'était la voisine, elle pleurait ! Elle avait dû encore se faire plaquer
!
Moi : (toujours à plat sur mon matelas) Mais c'est
pas vrai ! Qu'est-ce qu'ils ont tous aujourd'hui !
C'est alors que j'ai entendu ce flash d'infos, dépité
le voisin d'à côté avait finalement allumé sa radio :
" Une terrible épidémie de chagrin d'amour semble s'étendre dans la
région. Des victimes ont été recensées en Seine et Marne et deux cas
viennent d'être déclarés dans le Val de Marne. On attend les analyses
des neuropsychiatres et des affectophysiologues pour confirmer s'il
s'agit de banales peines de cœur ou de véritables chagrins d'amour.
Toutefois le Ministère de la Santé recommande de rester chez soi et
d'éviter toutes rencontres. "
La voisine sanglotait à s'en déchirer le cœur…
Moi : Oh la la la !!!
Vite j'ai refermé la fenêtre et pour plus de précaution,
je me suis enroulée dans ma couette. J'avais beau me dire que pour les
chagrins d'amour, j'étais plutôt vaccinée, voire même immunisée…On ne
savait jamais…
Mais les longs sanglots monotones de la voisine traversaient le plancher
et à force, ça m'a donné le mal de mer… J'avais l'impression de tanguer
avec le matelas, Impossible de me lever !
Moi : Mon dieu ! Pitié ! Je ne vais quand même pas finir
fossilisée sur mon futon Ikéa comme une idiote !
Une houle maritime envahissait ma chambre, l'eau coulait
toujours dans ma cuisine, et pour me retenir de gerber je continuai
de rester aussi immobile qu'une coquille Saint-Jacques…
Plic,Plac,Ploc Plic,Plac,Ploc Plic, Plac,ploc plic plac ploc plic, plac,
ploc plic plac ploc plic plac ploc plic plac ploc plic plac ploc plic
plac ploc plic plac ploc.
Je ne sais pas ce qui s'est passé mais des larmes de tortue ont coulé
sur mes joues, j'ai arrêté de tanguer. Je me suis à mise à pleurer pour
de bon, comme un saule dans la rivière, comme la Vierge Marie au pied
de la Croix…
Quand le soir est venu, j'avais dû verser assez de larmes, je me suis
sentie toute légère ! Je suis sortie de ma couette, j'ai rouvert ma
fenêtre. On était samedi soir ! J'ai sorti ma robe léopard à rayures
bleues et je suis allée au " bal des spaghettis " !
La suite, vous la connaissez, après tout, les chagrins d'amour, j'étais
plutôt immunisée !
"Continuité
d'une histoire" de Janine NOWAK
Le petit Pierre est sagement assis sur le trottoir. Une
plume vient nonchalamment se poser sur son genou. Instinctivement, Pierre
lève le nez et reste bouche bée, saisi de surprise en voyant une myriade
de plumes, d'une blancheur immaculée, s'échapper de la fenêtre du pavillon
voisin de la boulangerie où sa Maman vient d'entrer.
C'est divin ce duvet en liberté qui voltige, flotte doucement dans le
vide, plane et se balance gracieusement. On croirait assister à une
envolée de séraphins, à une valse d'angelots.
Pierre, émerveillé, se met à sautiller au milieu de ce nuage. Il applaudit,
heureux, virevoltant de plus belle.
Soudain, Maman lui prend la main et l'entraîne. Pourquoi semble-t-elle
fâchée ? Il n'a rien fait de mal … Et c'est si joli ce ballet emplumé
!
Mais, Maman, après un regard furieux vers la fenêtre du pavillon, l'entraîne
inexorablement. Pierre suit, d'abord mécontent, puis vite consolé, se
souvenant que Maman lui a promis de passer chez Monsieur Martin, le
quincailler, pour lui offrir une nouvelle petite voiture.
Pierre est né avec un handicap : il est sourd, mal entendant comme on
dit pudiquement de nos jours. Lui n'a vu que la danse des anges. Mais
ce que sa mère a entendu, n'avait rien à voir avec une musique aux accents
célestes : une violente scène de ménage avait éclaté une fois de plus
chez Germaine et Albert. D'habitude, on n'entend que des cris. A présent,
ils en arrivent aux mains, si elle en croit cette bataille de polochons
crevés. Et quel langage de charretiers ! Parfois, elle en arrive à envier
son fils qui échappe ainsi à certaines vilenies du monde.
Les propos de ces deux grossiers personnages étaient, aujourd'hui, de
tout premier choix :
- Germaine : ordure !
- Albert : saleté !
- Germaine : crevure !
- Albert : mocheté !
- Germaine : pourriture !
- Albert : gros paquet !
- Germaine : enflure !
- Albert : cochonceté !
Ouf ! Terminé ! L'angle de la rue l'empêche de profiter davantage des
insanités que ces deux gorets se jettent à la tête.
Ainsi donc, elle n'entendit pas non plus le cri inhumain qui fit suite
à cette série d'insultes.
*** 16 ans plus tard . . . ***
- Germaine : qui est là ?
- Albert : ben … c'est moi !
- Germaine : qui cela " moi ! " ?
- Albert : qui veux-tu que ce soit ? Tu ne reconnais pas ma voix ? C'est
moi : Albert !
- Germaine : Albert ! Si je m'attendais …
- Albert : effectivement, rien ne pressait ; mais un jour ou l'autre,
n'est-ce pas …
- Germaine : et cela fait … ?
- Albert : 16 ans.
- Germaine : 16 ans déjà ! On perd vite la notion du temps, ici.
- Albert : je peux te demander comment tu vas ?
- Germaine : comment je vais ? Comment je vais t'intéresse ? Assassin
! Tu as brisé mon existence en me poussant dans l'escalier. Voila 16
ans que je me dessèche dans ce trou et tu oses me demander comment je
vais ? Tu veux savoir, vraiment ? Bien, je vais te répondre : depuis
tout ce temps, je me suis appliquée à entretenir la haine que j'avais
vis-à-vis de toi. Et c'est animée par ce sentiment de vengeance, que
je suis restée en vie.
- Albert : en vie ? Comment peux-tu proférer des énormités pareilles,
pauvre folle !
- Germaine : ah, je te retrouve bien. Toujours l'insulte à la bouche.
J'espère que tu as fait de la prison, au moins ?
- Albert : pas du tout. La police a admis la thèse de l'accident. Tu
as fait une chute malencontreuse, voilà tout.
- Germaine : tu as toujours eu une veine de cocu … ce que tu n'as jamais
été, en plus ; car j'étais fidèle, moi ! Et tu ne sembles même pas étreint
par le remord.
- Albert : que nenni ! Je viens de passer les 16 années les plus délicieuses
de ma vie.
- Germaine : mais comment as-tu pu en arriver là, au crime ?
- Albert : j'étais las de toutes nos querelles intestines, de tous nos
affrontements, de nos turbulences conjugales, de ces houles de violence.
- Germaine : as-tu un instant songé au terrible vide affectif qui
me rongeait ? Je me sentais seule au monde, trahie, humiliée, désaxée.
- Albert : tu as toujours été une éternelle râleuse. Notre vie commune
était une véritable mascarade.
- Germaine : il existait un tel décalage entre mes aspirations et la
triste réalité.
- Albert : il fallait te secouer au lieu de remâcher ton existence soit
dis en ratée.
- Germaine : j'ai été déçue dans mes attentes. Avec toi, j'ai immédiatement
plongé dans un quotidien misérabiliste, à des années lumière de mes
espérances ; j'ai sombré dans un ennui implacable, dans le marasme.
- Albert : dans le marasme ? permets-moi d'en douter… Tu n'étais pas
aussi dépressive que tu le prétends. Ton principal ressort, la colère,
était intact. Quant à ton agressivité !
- Germaine : il fallait bien que je réagisse. De plus, j'ai dû supporter
les regards méprisants et ironiques des gens du quartier, les commentaires
et les remarques insidieuses des voisines, après nos incessantes et
bruyantes engueulades.
- Albert : question insultes, tu étais à la hauteur.
- Germaine : à qui la faute ? Qui m'a initiée, donné l'exemple ?
- Albert : bon ; puisque c'est jour de grand déballage, sache que j'en
ai autant à ton service, ma Chère ! Que m'as-tu apporté ? Tu n'étais
qu'une godiche, une commère, une faiseuse de potins, un être fruste
à la méchanceté pathologique.
- Germaine : et toi avec ton humour caustique, tu en rajoutais, cultivant
le cynisme, les sarcasmes, entretenant une atmosphère fétide, et… ainsi
donc… mes bleus à l'âme.
- Albert : tu n'étais pas en reste avec tes rouspétances et ta vacherie
à l'affut.
- Germaine : ma vacherie à l'affut ! Mais toi, tu avais la perfidie
en bandoulière !
- Albert : à ton contact, j'avais prématurément vieilli ; j'étais comme
un astre éteint.
- Germaine : allez, vas-y, vas-y, soulage toi. Verser son fiel est libérateur,
n'est-ce pas ? Et autant me mettre tous les torts sur le dos. Car toi,
tu as toujours été irréprochable, bien entendu …
- Albert : oh, à part quelques broutilles, tu n'as jamais eu grand-chose
à redire.
- Germaine : quelques broutilles !!! Combien de fois t'ai-je surpris
en flagrant délit de mensonge ? Et même pire : souvent, avec une joie
d'ogre, tu me faisais intentionnellement l'aveu de tes turpitudes pour
jouir de ma désespérance.
- Albert : admets que tu aimais ça, être à la fois victime et complice.
- Germaine : vaut mieux entendre ça que d'être sourde ! Ce que tu dis
est sordide. Tu aimais jouer avec moi à la guerre des nerfs. Tu étais
un tyran-domestique. J'étais ton souffre-douleur et très vite je n'ai
plus ressenti pour toi que de la répulsion.
- Albert : à ce point ?
- Germaine : oui… Viscéralement.
- Albert : ah ? J'ai sous-estimé la vérité. Et devant l'ampleur du désastre,
tu n'as jamais éprouvé l'envie de me quitter ?
- Germaine : pour quoi faire ? Pour aller où ? J'étais sans travail
(bien que m'échinant 15 heures par jour dans notre exploitation), sans
argent, à ta merci, comme la plupart des femmes réduites à cette sorte
d'esclavage. Et puis …
- Albert : et puis …
- Germaine : et puis … non … rien.
- Albert : si, dis-moi.
- Germaine : et puis … je crois bien que malgré tout … aussi bizarre
que cela puisse paraître … hé bien … oui, j'avais cette faiblesse …
je n'ai jamais cessé de t'aimer !
- Albert : si je m'attendais … Mais tu viens de me dire que tu ne ressentais
plus pour moi que de la répulsion !
- Germaine : je sais bien, c'est paradoxal ; mais tu as pourtant été,
et ainsi jusqu'au bout, le grand amour de ma vie.
- Albert : que nous est-il arrivé ? Nous avions pourtant fait un mariage
d'amour …
- Germaine : je crois que tout a basculé le jour où le verdict est tombé.
- Albert : tu veux dire, le jour où j'ai découvert que c'était moi qui
étais stérile ?
- Germaine : oui, c'est bien à ce fait que je pensais. Tu étais quelqu'un
de fier. Et tu n'as pas supporté cet échec. Il fallait que tu passes
ta hargne sur quelqu'un, que tu te venges, en quelque sorte. Ta frustration
de ne pas avoir d'enfant a été ravageuse.
- Albert : tu dis vrai. Aujourd'hui, je réalise que je me suis comporté
comme un véritable monstre. Et malgré tout, tu as continué à m'aimer
?
- Germaine : oui, malgré tout ; tu étais si malheureux.
- Albert : nous avons bien fait de parler. Je viens de subir comme un
électrochoc. Je te demande pardon du fond du cœur. J'ai gâché ta vie.
Notre existence a été un lamentable échec. Veux-tu que nous réussissions
notre mort ?
- Germaine : avec joie !
*** Le 1er Novembre de la même année ***
Pierre et sa Maman se rendent sur la tombe de Mémé Jeanne
qui les a quittés deux ans plus tôt. Ils cheminent sur le petit sentier
pierreux. Soudain, Maman marque une pause devant le tombeau de Germaine
et d'Albert. Elle sourit en pensant qu'ils sont à présent réunis, dans
leur ultime lieu de repos, et cela pour l'éternité. S'il y a quelque
chose au-delà de la mort, comment vivent-ils ces instants ? Elle serait
curieuse de savoir … Elle remarque un pigeon, posé sur la pierre tombale.
Un deuxième pigeon, en voletant lourdement, vient rejoindre son congénère.
Ils se regardent, de profil, semblant heureux de s'être retrouvés.
Maman reprend sa route, récitant dans sa tête, le début de la fable
de La Fontaine : " Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre … ".
"Très
joyeux règlements de comptes - Monologue intérieur jubilatoire"
de Bénédicte MOLLIER
3 mois, 3 jours, 3 heures … que ce manant a suivi
cette pouffe décortexée et qu'il a claqué la porte à notre si bel amour
et à tous mes espoirs.
3 mois, 3 jours, 3 heures … que j'ai raccroché ce foutu
téléphone de merde ou ce noble courageux me balançait en pleine gueule
son skud : " Ciao Bella " !
Envolé du nid duveteux, l'homme que je pensais avec un
grand H et qui finalement n'est qu'une carpette décérébrée ! l'Australopithèque
soit disant humaniste qui a suivi sa pulsion plutôt que sa raison. Pauvre
connard pris dans le feu d'un soi disant coup de foudre qui est amour
comme moi, svelte, danseuse platine et callipyge au grand bazar de Tobrouk
!
Evanoui, le futur géniteur quadra de mon ex future nichée
!
Disparu brutalement, ce gros bourrin en trop plein d'hormones
qui, en l'espace d'une rencontre fortuite à la réception d'un bouge
au pays des bœufs, a pris la poudre d'escampette me laissant, moi, pauvre
petite chose fragile sur le carreau.
Toquée, amoureuse grave que j'étais de ce grand échalas
prépubère.
Putain que je l'aimais cette pauvre tache si fragile errant
maintenant dans le néant de mon vide intérieur. Ca oui, mon petit cœur
battait la chamade, pour cette tête de nœud si chérie…
Je l'avais dans la peau, le sang, l'âme et le corps ce
grand escogriffe illettré de l'amour authentique. Que d'instants purs
et intenses vécus, ce grand dadais avait bazardé en 3 minutes, 12 secondes
et 2 centièmes !
N'étions-nous pas heureux dans notre havre de paix, lutinant
au jour le jour au gré de nos envies sensorielles et intellectuelles
? Nos joies et nos fou rires ne nous faisaient ils pas trembler de joie
et d'émotions pétillantes si savoureuses à nos échanges ?
Pourquoi ?
Pourquoi moi ?
Quoipour ?
Qu'est ce qu'elle avait de mieux que "mouée" cette barbie salope en
attente du premier ken venu à voler ?
Je me le demande bien puisqu'il ne m'a rien éructé le
gnome !!! Et d'abord, peut on être plus sublimissiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiime
et intelligente que moi ? (Ego m'entends tu ?) Moi, moi qui lui ait
tant donné et lui, cet affreux poux, qui m'a fait tant de si vilains
bobos purulents à mon cœur si pur et si diaphane….
3 mois, 3 jours, 3 heures … que je ne l'ai plus revu ce
bel hidalgo grisonnant kamikaze de mes rêves les plus fous
3 mois, 3 jours, 3 heures, 3 secondes … que j'ai maintenant
envie de crier à ce dandy sur le retour " MERCI "
3 mois, 3 jours, 3 heures, 4 secondes … que malgré les
morsures insupportables de la souffrance, le miracle eut lieu : " RE-NAISSANCE
" !
"Aux
Champs Elysées, ti la la la la..." d'ARGOPHILHEIN
14 juillet 2006, les rambos et les vamps défilent. Forcé,
y'a plus d'armée, alors on a fait appel aux soldats intérimaires de
la Société Kiloutou, et même les chars et les mirages ne sont plus Dassault.
Par contre, les costumes ont été sérieusement relookés : Jean-Paul Gauthier
fully-fashioned pour les soldats, Chantal Thomas pour les soldates.
Le Président, sexe symbole de la République, sobrement sapé d'un costard
trois pièces bleu de France réhaussé d'une lavallière fleur de lys,
est stratégiquement correct sur le podium réservé à son effet. Les conversations
vont bon train dans la foule, qui n'est plus ce qu'elle était ma brave
dame, et qui jacasse et cancane à qui mieux mieux.
- C'est quoi, ce défilé avorté, ricane une dame joliment
charnue, c'est comme une éjaculation précoce, ça va être fini en moins
de deux.
En cet an 2006, les femmes sont comme J.F. Copé, elles
n'utilisent pas la langue de bois.
- Les bonnes femmes, jamais contentes, rétorque un mâle
outré, va donc chez Speedy.
- C'est quoi c' bordel, soyez polis, c'est la fête de
la liberté, de la délivrance, c'est la France aux Français.
- Et va donc, le Pen-ible, c'est pas un accouchement ni
un enfermement, c'est le 14 juillet, la prise de la Bastille.
- D'accord, mais où en est la république depuis ? C'est
quoi liberté, égalité, fraternité maintenant ?
- C'est être libre d'être chômeur si tu trouves pas de
boulot.
- C'est éprouver une égalité distincte quand t'es homme,
femme, beur ou black. Quand t'es femme, tu pourras travailler plus pour
être moins payée. Quand t'es beur ou black , t'es pas tout à fait de
chez nous, alors faut pas te plaindre, on t'en donne déjà assez. Quand
t'es homme et que tu t'appelles Dupont, t'es vraiment égal à tes potes,
sauf devant le boulot, vu qu'y'en a pas pour tout l'monde. Alors là,
tu deviens égal comme un beur ou un black, c'est-à-dire un peu moins.
Mais tu peux toucher les assedics, pas pour tout le temps, d'accord,
juste le temps que tu sois transféré dans une autre catégorie et que
tu deviennes invisible. T'es pas heureux, Fantomas ? Et puis ensuite,
tu pourras toucher le RMI, tu vois on te laisse pas sans croûter - la
France, solidaire, pense à ton avenir.
- Et la fraternité ?
- C'est quand tu fais un petit métis, alors, nique mon
frère, y'a plus que ça à faire.
- Eh, vous arrêtez les baveux, c'est pas le tribunal ici.
- Vraiment, ce Monsieur a raison, arrêtez ce discours
métaphysique polémique. Nous savons tous que tout est différent dans
le meilleur des mondes possible depuis Leibniz. Il n'en tient qu'à vous
de le rendre harmonieux. Descartes vous l'a expliqué : vous avez votre
libre arbitre.
- C'est ça, ma biche, va donc faire du saxo et expulser
ton air ailleurs.
- Vous ne trouvez pas qu'il fait chaud, reprend la jolie
dame dodue qui avait amorcé le dialogue, on pourrait s'en jeter une
?
- Non mais, elles nous prennent tout, même la sécheresse
du gosier. Sûr que la Royale elle va passer avec toutes ces nénettes
en chaleur, mais nous, les Rambos, on va les faire chanter, pas vrai
les mecs.
"Le Jour du 14 juillet, je reste dans mon lit douillet,
"La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas ..."
"Tout
ça pour dire qu'elle a la gousse douce" de Régis
MOULU, auteur
animateur
Un homme parlant d'une femme :
Bigre, quelle matière cette femme,
j'ai envie d'être son peintre
car elle déborde de mes mains, de mes yeux en lune,
une corbeille de fruits c'est,
avec toutes les couleurs les plus mûres,
jaune banane, vert avocat basané, orange orange, bleu raisin, grenat
prune et bordeaux pêche, le tout dénoyauté, bien sûr, j'en mettrais
ma langue à couper,
déplacer un meuble Henri IV à côté c'est de la gnognotte,
face à elle je me sens mille pattes,
mettez-moi un hygiaphone, je n'en peux plus,
ou bien alors qu'elle tire le rideau de ses cheveux devant son regard
qui fait toc toc dans ma peau, qui me remue et mélange mes os,
j'espère être à jour à la Sécu, les médocs qu'il me faudrait subito
n'ont pas encore été inventés, les chercheurs ne cherchent pas toujours
ce qu'il faut chercher, là ils n'ont rien trouvé je me sens un peu picasso,
tout retourné, mélangé comme une assiette grecque qu'on a jeté sur les
tomettes,
cette femme est un modèle professionnel j'en mettrais mon oreille à
couper, et puis tant pis si Yvan Gog l'a déjà fait,
c'est sûr qu'elle n'est pas comme moi avec sa classe de première de
la classe,
car côté béton, je suis armé, tout fait d'un bloc, j'avance à pas de
pilier,
je suis lourd, je suis mastoc, ça fait schplaf et kroutch ou ploug dés
que je pose une de mes péniches,
c'est comme si j'écrasais un oiseau à chaque fois que je marche,
mais elle, elle est si…
elle est si…
elle est si…
baudruche que les volatiles la prennent pour leur station orbitale,
c'est "la joie des mirettes" qu'ils l'appellent, on fond tous,
et puis elle a tellement de seins aussi qu'on se croirait à Carnac
sauf que ce n'est pas de la pierre,
c'est de la guimauve, du marche-sur-l'eau,
du schlip-schlop premier choix,
ça ne se trouve pas en barquette,
rangez d'ailleurs tout ce qui se vend, ça n'a pas de prix,
je suis là, devant elle, à une distance sexuellement non accessible
et je suis peintre, oui, il faut que je sois peintre, croyez bien que
je suis vraiment un peintre,
pas d'entourloupes, c'est vrai et c'est réglo, il faut me croire,
tout ce que je dis est entièrement grès,
dingue, je la croque, elle s'endort,
je n'ai pas fini de la croquer, elle se réveille, sort de mon crobar
mais est toujours dans ma tête,
ah, ça, je ne l'aurai jamais dans le pinceau, peintre ça s'apprend,
c'est comme pour être docteur
ça ne s'improvise pas, mettre une blouse blanche et le sténodactyloscope
sur un mourant, c'est compliqué tout ça
car cette femme est pour de vrai impossible,
croyez bien que j'ai plus vite fait d'être pilote de course
même si la voiture, c'est pas une Majorette,
ça coûte quand même bonbon et il faut donner le papier d'emballage avec,
et si ça se trouve, peintre c'est encore et surtout un truc d'un tello,
un machin à se monter le cerveau en chignon,
et si c'est un truc d'un tello, moi je dis que c'est trop con,
ce bidule ne sera jamais fait pour moi, moi je suis physique,
je suis plutôt du genre à faire sauter les coutures de mes peaux de
bête,
quand j'enfile mon troupeau de peaux de chats morts que j'ai moi-même
vidés, ça fait souvent crok ou fouiite,
quand on me demande l'heure, je dis "ben, regarde le soleil… tu vas
avoir un flash, ah, ah, ah"
ou quand on me demande "où sont les toilettes", je dis "y'en a pas…
car c'est partout, ah, ah, ah",
alors l'autre jour, un sanglier me lance - je parle sanglier et ils
sont tous mes amis -
"c'est la crise du terrier, il n'y a plus de place pour ranger les
vermisseaux, pour la première fois je ne vais pas pouvoir me retourner,
il faut que je déménage, tu fais quoi au mois d'août, Raoul ? "
- je ne sais pas, ta phrase est trop longue !
Comme quoi, je ne suis pas un tello,
et quelque chose me dit que cette femme ne va pas tarder à le savoir,
elle se doute déjà de quelque chose,
je le vois bien dans ses mains qui bougent à présent
comme si elle tricotait mais sans aiguilles ni tricot,
avant elles étaient fermées comme des têtes d'ail pelures blanches,
c'est qu'elle a la gousse douce cette meuf,
tout en elle est beauté,
à Paris, elle provoquerait des bouchons jusqu'à Montmartre
au premier motobiliste qui la croiserait,
cette niche à homme est une vraie niche à homme,
elle me congestionne,
j'ai l'impression qu'elle m'a mis en fourrière,
ça fait bien une plombe que je la regarde
... et j'ai dix meurtres de retard !