SAMEDI 6 Mai 2006
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
" L'imagination n'est qu'une formalité "

Animation : Régis MOULU.

Auteure invitée :
Karine LEROY, conteuse

Thème :
Se dissoudre
dans l'affectivité


Amour, quand tu ne nous tiens plus, tu nous fais dire de ces choses ! ... Car il suffit ici de s'autoriser à vivre une passion pour ne pas dire une humeur (bonne ou mauvaise). S'extérioriser prévaut sur communiquer, et user dans ce contexte de mots expressifs revient à faire une grimace qui nous échappe !
Port du casque non obligatoire.

Et, pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support parlant de l'expression populaire (onomatopées, argot, savoir être exclusivement concret et immédiat, avoir des "idées basses"... et dans ceci dans le but d'atteindre une certaine poésie) a été distribué, c'est trop chouette, non ?!

 


Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):

- "Prélude" de Karine LEROY

-"Continuité d'une histoire" de Janine NOWAK

- "Très joyeux règlements de comptes - Monologue intérieur jubilatoire" de Bénédicte MOLLIER

- "Aux Champs Elysées, ti la la la la..." d'ARGOPHILHEIN

- "Tout ça pour dire qu'elle a la gousse douce" de Régis MOULU

 

"Prélude" de Karine LEROY, conteuse invitée

Le printemps était de retour. Le bal des mouches reprenait son rythme silencieux dans ma chambre avec vue sur jardin.

Moi : Aaaah ! écouter le chant des oiseaux, regarder le ciel à plat sur mon matelas… Aujourd'hui, je me fous de tout, de mes jambes pas épilées, de mon célibat devenu monastique, de la fuite d'eau dans ma cuisine, … Mais le douce quiétude printanière n'a pas duré longtemps…

Elle : Tu fais chier Emmanuel, va te faire voir, tu me fais trop de mal ! Les voisins d'à côté étaient dans leur jardin, l'orage aussi.

Lui : Mais arrête ! T'es devenu complètement hystérique ! Est-ce que je m'énerve moi !

Clang ! La voisine est partie…

Lui : Ouais ! C'est ça ! Et ne reviens surtout pas !

Bravement, le voisin s'est installé sur son transat et a ouvert son journal d'un coup sec. Il s'est mis à battre du pied mécaniquement, comme la queue d'un chien qui attend le retour de son maître…
Le ciel, lui, était toujours aussi calme et bleu intense. J'ai repris le cours de ma rêverie…
Tout à coup, une sorte de gémissement ! comme un animal malade ! Ca venait du premier ! La voisine du dessous vivait pourtant seule ! Ca continuait et ça montait comme un déchirement !
C'était la voisine, elle pleurait ! Elle avait dû encore se faire plaquer
!

Moi : (toujours à plat sur mon matelas) Mais c'est pas vrai ! Qu'est-ce qu'ils ont tous aujourd'hui !

C'est alors que j'ai entendu ce flash d'infos, dépité le voisin d'à côté avait finalement allumé sa radio :
" Une terrible épidémie de chagrin d'amour semble s'étendre dans la région. Des victimes ont été recensées en Seine et Marne et deux cas viennent d'être déclarés dans le Val de Marne. On attend les analyses des neuropsychiatres et des affectophysiologues pour confirmer s'il s'agit de banales peines de cœur ou de véritables chagrins d'amour. Toutefois le Ministère de la Santé recommande de rester chez soi et d'éviter toutes rencontres. "
La voisine sanglotait à s'en déchirer le cœur…

Moi : Oh la la la !!!

Vite j'ai refermé la fenêtre et pour plus de précaution, je me suis enroulée dans ma couette. J'avais beau me dire que pour les chagrins d'amour, j'étais plutôt vaccinée, voire même immunisée…On ne savait jamais…
Mais les longs sanglots monotones de la voisine traversaient le plancher et à force, ça m'a donné le mal de mer… J'avais l'impression de tanguer avec le matelas, Impossible de me lever !

Moi : Mon dieu ! Pitié ! Je ne vais quand même pas finir fossilisée sur mon futon Ikéa comme une idiote !

Une houle maritime envahissait ma chambre, l'eau coulait toujours dans ma cuisine, et pour me retenir de gerber je continuai de rester aussi immobile qu'une coquille Saint-Jacques…
Plic,Plac,Ploc Plic,Plac,Ploc Plic, Plac,ploc plic plac ploc plic, plac, ploc plic plac ploc plic plac ploc plic plac ploc plic plac ploc plic plac ploc plic plac ploc.
Je ne sais pas ce qui s'est passé mais des larmes de tortue ont coulé sur mes joues, j'ai arrêté de tanguer. Je me suis à mise à pleurer pour de bon, comme un saule dans la rivière, comme la Vierge Marie au pied de la Croix…
Quand le soir est venu, j'avais dû verser assez de larmes, je me suis sentie toute légère ! Je suis sortie de ma couette, j'ai rouvert ma fenêtre. On était samedi soir ! J'ai sorti ma robe léopard à rayures bleues et je suis allée au " bal des spaghettis " !
La suite, vous la connaissez, après tout, les chagrins d'amour, j'étais plutôt immunisée !

 

"Continuité d'une histoire" de Janine NOWAK

Le petit Pierre est sagement assis sur le trottoir. Une plume vient nonchalamment se poser sur son genou. Instinctivement, Pierre lève le nez et reste bouche bée, saisi de surprise en voyant une myriade de plumes, d'une blancheur immaculée, s'échapper de la fenêtre du pavillon voisin de la boulangerie où sa Maman vient d'entrer.
C'est divin ce duvet en liberté qui voltige, flotte doucement dans le vide, plane et se balance gracieusement. On croirait assister à une envolée de séraphins, à une valse d'angelots.
Pierre, émerveillé, se met à sautiller au milieu de ce nuage. Il applaudit, heureux, virevoltant de plus belle.
Soudain, Maman lui prend la main et l'entraîne. Pourquoi semble-t-elle fâchée ? Il n'a rien fait de mal … Et c'est si joli ce ballet emplumé !
Mais, Maman, après un regard furieux vers la fenêtre du pavillon, l'entraîne inexorablement. Pierre suit, d'abord mécontent, puis vite consolé, se souvenant que Maman lui a promis de passer chez Monsieur Martin, le quincailler, pour lui offrir une nouvelle petite voiture.
Pierre est né avec un handicap : il est sourd, mal entendant comme on dit pudiquement de nos jours. Lui n'a vu que la danse des anges. Mais ce que sa mère a entendu, n'avait rien à voir avec une musique aux accents célestes : une violente scène de ménage avait éclaté une fois de plus chez Germaine et Albert. D'habitude, on n'entend que des cris. A présent, ils en arrivent aux mains, si elle en croit cette bataille de polochons crevés. Et quel langage de charretiers ! Parfois, elle en arrive à envier son fils qui échappe ainsi à certaines vilenies du monde.
Les propos de ces deux grossiers personnages étaient, aujourd'hui, de tout premier choix :
- Germaine : ordure !
- Albert : saleté !
- Germaine : crevure !
- Albert : mocheté !
- Germaine : pourriture !
- Albert : gros paquet !
- Germaine : enflure !
- Albert : cochonceté !

Ouf ! Terminé ! L'angle de la rue l'empêche de profiter davantage des insanités que ces deux gorets se jettent à la tête.
Ainsi donc, elle n'entendit pas non plus le cri inhumain qui fit suite à cette série d'insultes.


*** 16 ans plus tard . . . ***

- Germaine : qui est là ?
- Albert : ben … c'est moi !
- Germaine : qui cela " moi ! " ?
- Albert : qui veux-tu que ce soit ? Tu ne reconnais pas ma voix ? C'est moi : Albert !
- Germaine : Albert ! Si je m'attendais …
- Albert : effectivement, rien ne pressait ; mais un jour ou l'autre, n'est-ce pas …
- Germaine : et cela fait … ?
- Albert : 16 ans.
- Germaine : 16 ans déjà ! On perd vite la notion du temps, ici.
- Albert : je peux te demander comment tu vas ?
- Germaine : comment je vais ? Comment je vais t'intéresse ? Assassin ! Tu as brisé mon existence en me poussant dans l'escalier. Voila 16 ans que je me dessèche dans ce trou et tu oses me demander comment je vais ? Tu veux savoir, vraiment ? Bien, je vais te répondre : depuis tout ce temps, je me suis appliquée à entretenir la haine que j'avais vis-à-vis de toi. Et c'est animée par ce sentiment de vengeance, que je suis restée en vie.
- Albert : en vie ? Comment peux-tu proférer des énormités pareilles, pauvre folle !
- Germaine : ah, je te retrouve bien. Toujours l'insulte à la bouche. J'espère que tu as fait de la prison, au moins ?
- Albert : pas du tout. La police a admis la thèse de l'accident. Tu as fait une chute malencontreuse, voilà tout.
- Germaine : tu as toujours eu une veine de cocu … ce que tu n'as jamais été, en plus ; car j'étais fidèle, moi ! Et tu ne sembles même pas étreint par le remord.
- Albert : que nenni ! Je viens de passer les 16 années les plus délicieuses de ma vie.
- Germaine : mais comment as-tu pu en arriver là, au crime ?
- Albert : j'étais las de toutes nos querelles intestines, de tous nos affrontements, de nos turbulences conjugales, de ces houles de violence.

- Germaine : as-tu un instant songé au terrible vide affectif qui me rongeait ? Je me sentais seule au monde, trahie, humiliée, désaxée.
- Albert : tu as toujours été une éternelle râleuse. Notre vie commune était une véritable mascarade.
- Germaine : il existait un tel décalage entre mes aspirations et la triste réalité.
- Albert : il fallait te secouer au lieu de remâcher ton existence soit dis en ratée.
- Germaine : j'ai été déçue dans mes attentes. Avec toi, j'ai immédiatement plongé dans un quotidien misérabiliste, à des années lumière de mes espérances ; j'ai sombré dans un ennui implacable, dans le marasme.
- Albert : dans le marasme ? permets-moi d'en douter… Tu n'étais pas aussi dépressive que tu le prétends. Ton principal ressort, la colère, était intact. Quant à ton agressivité !
- Germaine : il fallait bien que je réagisse. De plus, j'ai dû supporter les regards méprisants et ironiques des gens du quartier, les commentaires et les remarques insidieuses des voisines, après nos incessantes et bruyantes engueulades.
- Albert : question insultes, tu étais à la hauteur.
- Germaine : à qui la faute ? Qui m'a initiée, donné l'exemple ?
- Albert : bon ; puisque c'est jour de grand déballage, sache que j'en ai autant à ton service, ma Chère ! Que m'as-tu apporté ? Tu n'étais qu'une godiche, une commère, une faiseuse de potins, un être fruste à la méchanceté pathologique.
- Germaine : et toi avec ton humour caustique, tu en rajoutais, cultivant le cynisme, les sarcasmes, entretenant une atmosphère fétide, et… ainsi donc… mes bleus à l'âme.
- Albert : tu n'étais pas en reste avec tes rouspétances et ta vacherie à l'affut.
- Germaine : ma vacherie à l'affut ! Mais toi, tu avais la perfidie en bandoulière !
- Albert : à ton contact, j'avais prématurément vieilli ; j'étais comme un astre éteint.
- Germaine : allez, vas-y, vas-y, soulage toi. Verser son fiel est libérateur, n'est-ce pas ? Et autant me mettre tous les torts sur le dos. Car toi, tu as toujours été irréprochable, bien entendu …
- Albert : oh, à part quelques broutilles, tu n'as jamais eu grand-chose à redire.
- Germaine : quelques broutilles !!! Combien de fois t'ai-je surpris en flagrant délit de mensonge ? Et même pire : souvent, avec une joie d'ogre, tu me faisais intentionnellement l'aveu de tes turpitudes pour jouir de ma désespérance.
- Albert : admets que tu aimais ça, être à la fois victime et complice.
- Germaine : vaut mieux entendre ça que d'être sourde ! Ce que tu dis est sordide. Tu aimais jouer avec moi à la guerre des nerfs. Tu étais un tyran-domestique. J'étais ton souffre-douleur et très vite je n'ai plus ressenti pour toi que de la répulsion.
- Albert : à ce point ?
- Germaine : oui… Viscéralement.
- Albert : ah ? J'ai sous-estimé la vérité. Et devant l'ampleur du désastre, tu n'as jamais éprouvé l'envie de me quitter ?
- Germaine : pour quoi faire ? Pour aller où ? J'étais sans travail (bien que m'échinant 15 heures par jour dans notre exploitation), sans argent, à ta merci, comme la plupart des femmes réduites à cette sorte d'esclavage. Et puis …
- Albert : et puis …
- Germaine : et puis … non … rien.
- Albert : si, dis-moi.
- Germaine : et puis … je crois bien que malgré tout … aussi bizarre que cela puisse paraître … hé bien … oui, j'avais cette faiblesse … je n'ai jamais cessé de t'aimer !
- Albert : si je m'attendais … Mais tu viens de me dire que tu ne ressentais plus pour moi que de la répulsion !
- Germaine : je sais bien, c'est paradoxal ; mais tu as pourtant été, et ainsi jusqu'au bout, le grand amour de ma vie.
- Albert : que nous est-il arrivé ? Nous avions pourtant fait un mariage d'amour …
- Germaine : je crois que tout a basculé le jour où le verdict est tombé.
- Albert : tu veux dire, le jour où j'ai découvert que c'était moi qui étais stérile ?
- Germaine : oui, c'est bien à ce fait que je pensais. Tu étais quelqu'un de fier. Et tu n'as pas supporté cet échec. Il fallait que tu passes ta hargne sur quelqu'un, que tu te venges, en quelque sorte. Ta frustration de ne pas avoir d'enfant a été ravageuse.
- Albert : tu dis vrai. Aujourd'hui, je réalise que je me suis comporté comme un véritable monstre. Et malgré tout, tu as continué à m'aimer ?
- Germaine : oui, malgré tout ; tu étais si malheureux.
- Albert : nous avons bien fait de parler. Je viens de subir comme un électrochoc. Je te demande pardon du fond du cœur. J'ai gâché ta vie. Notre existence a été un lamentable échec. Veux-tu que nous réussissions notre mort ?
- Germaine : avec joie !

*** Le 1er Novembre de la même année ***

Pierre et sa Maman se rendent sur la tombe de Mémé Jeanne qui les a quittés deux ans plus tôt. Ils cheminent sur le petit sentier pierreux. Soudain, Maman marque une pause devant le tombeau de Germaine et d'Albert. Elle sourit en pensant qu'ils sont à présent réunis, dans leur ultime lieu de repos, et cela pour l'éternité. S'il y a quelque chose au-delà de la mort, comment vivent-ils ces instants ? Elle serait curieuse de savoir … Elle remarque un pigeon, posé sur la pierre tombale. Un deuxième pigeon, en voletant lourdement, vient rejoindre son congénère. Ils se regardent, de profil, semblant heureux de s'être retrouvés.
Maman reprend sa route, récitant dans sa tête, le début de la fable de La Fontaine : " Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre … ".

 

"Très joyeux règlements de comptes - Monologue intérieur jubilatoire" de Bénédicte MOLLIER

3 mois, 3 jours, 3 heures … que ce manant a suivi cette pouffe décortexée et qu'il a claqué la porte à notre si bel amour et à tous mes espoirs.

3 mois, 3 jours, 3 heures … que j'ai raccroché ce foutu téléphone de merde ou ce noble courageux me balançait en pleine gueule son skud : " Ciao Bella " !

Envolé du nid duveteux, l'homme que je pensais avec un grand H et qui finalement n'est qu'une carpette décérébrée ! l'Australopithèque soit disant humaniste qui a suivi sa pulsion plutôt que sa raison. Pauvre connard pris dans le feu d'un soi disant coup de foudre qui est amour comme moi, svelte, danseuse platine et callipyge au grand bazar de Tobrouk !

Evanoui, le futur géniteur quadra de mon ex future nichée !

Disparu brutalement, ce gros bourrin en trop plein d'hormones qui, en l'espace d'une rencontre fortuite à la réception d'un bouge au pays des bœufs, a pris la poudre d'escampette me laissant, moi, pauvre petite chose fragile sur le carreau.

Toquée, amoureuse grave que j'étais de ce grand échalas prépubère.

Putain que je l'aimais cette pauvre tache si fragile errant maintenant dans le néant de mon vide intérieur. Ca oui, mon petit cœur battait la chamade, pour cette tête de nœud si chérie…

Je l'avais dans la peau, le sang, l'âme et le corps ce grand escogriffe illettré de l'amour authentique. Que d'instants purs et intenses vécus, ce grand dadais avait bazardé en 3 minutes, 12 secondes et 2 centièmes !

N'étions-nous pas heureux dans notre havre de paix, lutinant au jour le jour au gré de nos envies sensorielles et intellectuelles ? Nos joies et nos fou rires ne nous faisaient ils pas trembler de joie et d'émotions pétillantes si savoureuses à nos échanges ?

Pourquoi ?
Pourquoi moi ?
Quoipour ?
Qu'est ce qu'elle avait de mieux que "mouée" cette barbie salope en attente du premier ken venu à voler ?

Je me le demande bien puisqu'il ne m'a rien éructé le gnome !!! Et d'abord, peut on être plus sublimissiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiime et intelligente que moi ? (Ego m'entends tu ?) Moi, moi qui lui ait tant donné et lui, cet affreux poux, qui m'a fait tant de si vilains bobos purulents à mon cœur si pur et si diaphane….

3 mois, 3 jours, 3 heures … que je ne l'ai plus revu ce bel hidalgo grisonnant kamikaze de mes rêves les plus fous

3 mois, 3 jours, 3 heures, 3 secondes … que j'ai maintenant envie de crier à ce dandy sur le retour " MERCI "

3 mois, 3 jours, 3 heures, 4 secondes … que malgré les morsures insupportables de la souffrance, le miracle eut lieu : " RE-NAISSANCE " !

 

"Aux Champs Elysées, ti la la la la..." d'ARGOPHILHEIN

14 juillet 2006, les rambos et les vamps défilent. Forcé, y'a plus d'armée, alors on a fait appel aux soldats intérimaires de la Société Kiloutou, et même les chars et les mirages ne sont plus Dassault. Par contre, les costumes ont été sérieusement relookés : Jean-Paul Gauthier fully-fashioned pour les soldats, Chantal Thomas pour les soldates. Le Président, sexe symbole de la République, sobrement sapé d'un costard trois pièces bleu de France réhaussé d'une lavallière fleur de lys, est stratégiquement correct sur le podium réservé à son effet. Les conversations vont bon train dans la foule, qui n'est plus ce qu'elle était ma brave dame, et qui jacasse et cancane à qui mieux mieux.

- C'est quoi, ce défilé avorté, ricane une dame joliment charnue, c'est comme une éjaculation précoce, ça va être fini en moins de deux.

En cet an 2006, les femmes sont comme J.F. Copé, elles n'utilisent pas la langue de bois.

- Les bonnes femmes, jamais contentes, rétorque un mâle outré, va donc chez Speedy.

- C'est quoi c' bordel, soyez polis, c'est la fête de la liberté, de la délivrance, c'est la France aux Français.

- Et va donc, le Pen-ible, c'est pas un accouchement ni un enfermement, c'est le 14 juillet, la prise de la Bastille.

- D'accord, mais où en est la république depuis ? C'est quoi liberté, égalité, fraternité maintenant ?

- C'est être libre d'être chômeur si tu trouves pas de boulot.

- C'est éprouver une égalité distincte quand t'es homme, femme, beur ou black. Quand t'es femme, tu pourras travailler plus pour être moins payée. Quand t'es beur ou black , t'es pas tout à fait de chez nous, alors faut pas te plaindre, on t'en donne déjà assez. Quand t'es homme et que tu t'appelles Dupont, t'es vraiment égal à tes potes, sauf devant le boulot, vu qu'y'en a pas pour tout l'monde. Alors là, tu deviens égal comme un beur ou un black, c'est-à-dire un peu moins. Mais tu peux toucher les assedics, pas pour tout le temps, d'accord, juste le temps que tu sois transféré dans une autre catégorie et que tu deviennes invisible. T'es pas heureux, Fantomas ? Et puis ensuite, tu pourras toucher le RMI, tu vois on te laisse pas sans croûter - la France, solidaire, pense à ton avenir.

- Et la fraternité ?

- C'est quand tu fais un petit métis, alors, nique mon frère, y'a plus que ça à faire.

- Eh, vous arrêtez les baveux, c'est pas le tribunal ici.

- Vraiment, ce Monsieur a raison, arrêtez ce discours métaphysique polémique. Nous savons tous que tout est différent dans le meilleur des mondes possible depuis Leibniz. Il n'en tient qu'à vous de le rendre harmonieux. Descartes vous l'a expliqué : vous avez votre libre arbitre.

- C'est ça, ma biche, va donc faire du saxo et expulser ton air ailleurs.

- Vous ne trouvez pas qu'il fait chaud, reprend la jolie dame dodue qui avait amorcé le dialogue, on pourrait s'en jeter une ?

- Non mais, elles nous prennent tout, même la sécheresse du gosier. Sûr que la Royale elle va passer avec toutes ces nénettes en chaleur, mais nous, les Rambos, on va les faire chanter, pas vrai les mecs.

"Le Jour du 14 juillet, je reste dans mon lit douillet,
"La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas ..."


"Tout ça pour dire qu'elle a la gousse douce" de Régis MOULU, auteur animateur

Un homme parlant d'une femme :

Bigre, quelle matière cette femme,
j'ai envie d'être son peintre
car elle déborde de mes mains, de mes yeux en lune,
une corbeille de fruits c'est,
avec toutes les couleurs les plus mûres,
jaune banane, vert avocat basané, orange orange, bleu raisin, grenat prune et bordeaux pêche, le tout dénoyauté, bien sûr, j'en mettrais ma langue à couper,
déplacer un meuble Henri IV à côté c'est de la gnognotte,
face à elle je me sens mille pattes,
mettez-moi un hygiaphone, je n'en peux plus,
ou bien alors qu'elle tire le rideau de ses cheveux devant son regard qui fait toc toc dans ma peau, qui me remue et mélange mes os,
j'espère être à jour à la Sécu, les médocs qu'il me faudrait subito n'ont pas encore été inventés, les chercheurs ne cherchent pas toujours ce qu'il faut chercher, là ils n'ont rien trouvé je me sens un peu picasso, tout retourné, mélangé comme une assiette grecque qu'on a jeté sur les tomettes,
cette femme est un modèle professionnel j'en mettrais mon oreille à couper, et puis tant pis si Yvan Gog l'a déjà fait,
c'est sûr qu'elle n'est pas comme moi avec sa classe de première de la classe,
car côté béton, je suis armé, tout fait d'un bloc, j'avance à pas de pilier,
je suis lourd, je suis mastoc, ça fait schplaf et kroutch ou ploug dés que je pose une de mes péniches,
c'est comme si j'écrasais un oiseau à chaque fois que je marche,
mais elle, elle est si…
elle est si…
elle est si…
baudruche que les volatiles la prennent pour leur station orbitale,
c'est "la joie des mirettes" qu'ils l'appellent, on fond tous,
et puis elle a tellement de seins aussi qu'on se croirait à Carnac
sauf que ce n'est pas de la pierre,
c'est de la guimauve, du marche-sur-l'eau,
du schlip-schlop premier choix,
ça ne se trouve pas en barquette,
rangez d'ailleurs tout ce qui se vend, ça n'a pas de prix,
je suis là, devant elle, à une distance sexuellement non accessible
et je suis peintre, oui, il faut que je sois peintre, croyez bien que je suis vraiment un peintre,
pas d'entourloupes, c'est vrai et c'est réglo, il faut me croire,
tout ce que je dis est entièrement grès,
dingue, je la croque, elle s'endort,
je n'ai pas fini de la croquer, elle se réveille, sort de mon crobar mais est toujours dans ma tête,
ah, ça, je ne l'aurai jamais dans le pinceau, peintre ça s'apprend,
c'est comme pour être docteur
ça ne s'improvise pas, mettre une blouse blanche et le sténodactyloscope sur un mourant, c'est compliqué tout ça
car cette femme est pour de vrai impossible,
croyez bien que j'ai plus vite fait d'être pilote de course
même si la voiture, c'est pas une Majorette,
ça coûte quand même bonbon et il faut donner le papier d'emballage avec,
et si ça se trouve, peintre c'est encore et surtout un truc d'un tello,
un machin à se monter le cerveau en chignon,
et si c'est un truc d'un tello, moi je dis que c'est trop con,
ce bidule ne sera jamais fait pour moi, moi je suis physique,
je suis plutôt du genre à faire sauter les coutures de mes peaux de bête,
quand j'enfile mon troupeau de peaux de chats morts que j'ai moi-même vidés, ça fait souvent crok ou fouiite,
quand on me demande l'heure, je dis "ben, regarde le soleil… tu vas avoir un flash, ah, ah, ah"
ou quand on me demande "où sont les toilettes", je dis "y'en a pas… car c'est partout, ah, ah, ah",
alors l'autre jour, un sanglier me lance - je parle sanglier et ils sont tous mes amis -
"c'est la crise du terrier, il n'y a plus de place pour ranger les vermisseaux, pour la première fois je ne vais pas pouvoir me retourner, il faut que je déménage, tu fais quoi au mois d'août, Raoul ? "
- je ne sais pas, ta phrase est trop longue !
Comme quoi, je ne suis pas un tello,
et quelque chose me dit que cette femme ne va pas tarder à le savoir,
elle se doute déjà de quelque chose,
je le vois bien dans ses mains qui bougent à présent
comme si elle tricotait mais sans aiguilles ni tricot,
avant elles étaient fermées comme des têtes d'ail pelures blanches,
c'est qu'elle a la gousse douce cette meuf,
tout en elle est beauté,
à Paris, elle provoquerait des bouchons jusqu'à Montmartre
au premier motobiliste qui la croiserait,
cette niche à homme est une vraie niche à homme,
elle me congestionne,
j'ai l'impression qu'elle m'a mis en fourrière,
ça fait bien une plombe que je la regarde
... et j'ai dix meurtres de retard !

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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