SAMEDI 18 mai 2019
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
"Vives incitations"

Animation : Régis MOULU

Thème : Écrire avec sa très vieille âme

Si l'on prend le risque de s'embraquer dans les idées du psychanalyste C. G. Jung et de les laisser galoper, on verrait dans l'âme un peu plus que le plus profond de soi, à savoir toute une lignée d'ancêtres qui sommeille, ou même ce qui a animé, avant eux, les animaux qui nous sont antérieurs ! Gros gros vertige ! C'est pour dire à quel point on est habité d'idées, de pulsions, de souvenirs, d'instinct... qui vont passer par notre stylo au cours de cette séance peu banale !

Remarque : au-delà de la contrainte formelle (thème), le sujet suivant a été énoncé en début de séance : inventer un « rite tout en paquets de charmes », c'est-à-dire un moment particulier durant lequel une assemblée se réunira afin de remettre à un de ses membres remarqué un ensemble d’objets qui ont des qualités particulières.


Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support contenant notamment une présentation de tous les archétypes de C. G. Jung a été distribué en ouverture de session.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):


- "Histoire d'âme" de Christiane FAURIE

- "Destins" de Marie-Odile GUIGNON

- " L' « essenciel » " de Solange NOYé

- "Joe et Joe" de Régis MOULU

- "Prophétie" de Nadine CHEVALLER




"Histoire d'âme" de Christiane FAURIE

 

Quand je la vis au croisement du chemin, elle semblait née d’aucune femme. Son regard fripon était accroché telle une erreur, une tache sur la copie qui sanctionne au lieu de parer de vertus.
Elle se déplaçait portant son ombre lourdement, penchée de côté comme pour éviter son poids.
Cette femme sauvage était tel un arbre mort, fossilisé depuis des siècles.
Aucun son produit ne remontait de ses entrailles. Possédait-elle une âme ? Pour autant, elle paraissait dotée d’une énergie couvant qui transparaissait à chacun de ses gestes, agitant ses mains noueuses au vent.
J’avais peur, d’une peur irraisonnée qu’elle ne m’entraîne au cœur de sa forêt semée de ronces, de troncs morts, dont le soleil était banni à jamais.
Elle cognait à ma porte depuis si longtemps sans que je ne me résolve à lui ouvrir, bien calfeutrée derrière mes volets clos, mes portes blindées de verrous multiples.
Je ne pouvais plus reculer, elle avait trouvé la faille, la petite ouverture juste sur le côté gauche qui battait au vent.
Elle était entrée sans bruit mais je sentais sa présence, son odeur de sous-bois âcre et sauvage.
Je fus étonnée d’en aspirer les effluves avec volupté.
Sa main soudain posée sur mon ventre désormais stérile soulagea instantanément tous les maux inscrits là depuis la nuit des temps qui ne trouvaient aucune réponse à leur plainte malgré les spécialistes consultés.
Son ombre, qui semblait si lourde au premier regard, soulevait ses pans et laissait entrevoir un cristal aux mille éclats fragiles mais vibrant de vie.
Elle était face à moi, belle dans sa nudité, le corps frémissant que je n’osais effleurer tant je craignais qu’elle ne disparaisse.
Les rochers sur lesquels elle posait ses yeux se muaient en cailloux joyeux ornant le sentier où elle m’entraînait malgré moi au cœur de la forêt.
Je m’abreuvais à la source. Je pouvais étancher ma soif inextinguible sans crainte de la sècheresse engendrant la famine.
La tristesse qui m’habitait jadis et entravait ma route, je pouvais m’en décharger auprès des vieux chênes me caressant de leurs branches.
Je me sentais droite et forte dans cet alignement où le corps et l’esprit ne font qu’un tout harmonieux que rien ni personne ne pourra plus jamais ébranler.
Au fonds de la forêt, elle m’entraîne dans une clairière et je sens sa main calleuse s’ouvrir en une caresse  qui ouvre mon corps en un cri profond  qui résonne dans chaque feuille, chaque aile d’oiseau en vol, chaque nid.
L’eau frissonne en surface et j’y plonge nue. Je m’enfonce jusqu’à la naissance des herbes folles qui s’enroulent autour de mes jambes.
Je propulse mes pieds et je ressurgis. Le soleil m’accueille. Je suis en vie.
J’ai abandonné ma vieille âme et me pare de tous mes atouts tout en dévorant les baies gorgées de sucre.
Je pleure de bonheur et chaque larme fait apparaître une fleur dont la corolle s’ouvre au monde qui m’entoure.



"Destins" de Marie-Odile GUIGNON


Si dans l'animal l’œil révèle son âme
Si dans chaque humain vit un animal
Comme une autre âme enfouie
Dans les profondeur de son seul esprit

Bercés par la même incarnation
Ils défient leurs émotions
Ils glanent les pouvoirs de l'espace
A condition que leur désirs s'embrasent.

Bêtes ou hommes ils atteindront
La sublimation des horizons.

Ce corps-là grandissait follement
Dans les jungles sombres et les clairières
Au milieu des autres naturellement
Dans ses yeux scintillaient des lumières.

En ville ou en forêt semblable densité
Quel chemin, quelle sente, quelle rue emprunter ?

Ceux-là regroupèrent leurs pupilles
Firent assemblée, communauté, famille,
Corporation, club... Ils fourmillent.

Ils la choisirent parmi les mille
cette Chair incarnation méritante
Chair distinguée par sa vue brillante
Corps pour recevoir les dons de la reconnaissance
Rite des mérites de la fausse puissance.

Ainsi se déroula la cérémonie :

L'AUBE lui offrit un vase de cristal.
LE MATIN, la fraîcheur rayonnante du devenir.
LE ZÉNITH, un angelot papillonnant de malice.
L’APRÈS-MIDI, l'harmonie, le discernement, la folie épargnée, le choix des jeux.
LA SOIRÉE, quelques délices de bêtises ambrées, la soif de l'inconnu.
LE CRÉPUSCULE, l'intuition, l'émotion, la divination.
L’ATMOSPHÈRE, l'intelligence de la méditation active.
LA NUIT, la capacité de récupération source de renouvellement.
LE SOMMEIL, l'accomplissement, l'imprévisible.
LE RÊVE, l'accès à l'extérieur du monde.

S'il est animal, ces dons sont discrète parure.
S'il est humain, chaque don est anneau sur chacun de ses doigts.

Ainsi s'accomplissent au fil de leurs existences les vieilles âmes des êtres vivants.


"L' « essenciel » de Solange NOYé



Il y aurait tant à faire pour les défaire de leur sort…
Roule ta bille, persévère… Imagine, crée, invente ! Mets-y le feu ! Fais feu de tout bois !
Approche-toi, éloigne-toi !
Du feu.
Il y aurait du feu. Un feu de joie. Pour éclairer leur lanterne d’explorateurs de cavernes rouge grès. Pour habiter leurs coeurs. Et les soirs de vague à l’âme, la joie du feu les guiderait vers une douce lumière, ferait fi des flammes menaçantes – « si pas gentil, pas obéissant, en enfer tu iras ! ».
Souvent, les pères sévères, les mères méchantes s’accouplent sans y penser. Ils pondent des objets de labeur pour leur labeur. Ils ont des petits comme leurs vaches ont des veaux, leurs truies des pâtés et des saucisses.
L’enfant questionne ? On le menace. Il devient peur.
Alors il y aurait ce don du feu pour déjouer les flammes infernales ascendantes. Un feu inextinguible, aiguilleur du chemin de faire à venir.
Il y aurait le pain, du pain au levain élevé avec soin. Pas un plat ersatz cannibalique. Un bon pain croûteux, nourrissant son homme, sans fioritures, qui s’accommode de tout et avec tout. Un pain universel à partager, à préserver, qui, d’une miette, se multiplierait, sans miracle.
Il y aurait l’eau. L’eau de vie, l’eau de la vie. Pas un tord-boyaux extincteur de l’esprit, explosif stomacal. Plus cette eau matricielle, nourricière par nature un temps et disparue en la rupture initiatique définitive.
Ce serait une eau vive, vivante, bien chargée en ions positifs, non buvable. Une eau d’éternelle bonté. Une eau de soif d’ailleurs. Une eau de vie d’ailleurs.
- Et vous pensez qu’avec ça…
- Laissez-moi encore ce temps d’imaginer que je peux…
- Vous voilà revenu au fripon divin, à vous croire tout-puissant…
- Vous vous montrez bien cruel. Je vous raconte mon rêve, comme d’habitude, rien de plus.
- Monsieur le déjoueur de sorts, à quoi jouez-vous donc ?
- Ce n’est pas sorcier. Ce rêve est la seule réponse valable que j’ai pu trouver à la question qui me cisaille l’esprit : comment ne plus être la peur, la peur de vivre pour de vrai ? J’ai tourné en tous sens, actionné quelques serrures, listé les phases clé de leurs vies. Leur extérieur, c’était l’église, le curé, le café de la grand-place. Et le cimetière. Aller d’un hameau à l’autre, parcourir deux kilomètres, c’était changer de pays. Avec ça, vous n’allez pas loin.
Dès lors que mon père a tenté de s’affranchir de toutes ces règles posées comme rochers sur montagne, il en est allé de sa vie. Cramée, sa peau. Brûlés, poumons, viscères, rêves. L’alcool. Le non faire. A cinquante ans, son âme paralytique a calé. La mère est morte longtemps après lui et ses frères, parvenus péniblement à dépasser la soixantaine. Leur animus figé par des rites ancestraux, ils se sont éteints dès leur naissance. Déterminés à un no future.
Tout cela est bien dégoûtant et pesant, ne trouvez-vous pas ? Voyez où j’en suis, pauvre fils, héritier supposé de cette lignée de pères sévères biberonnés par de castratrices mères. Comment casser les effets endoctriniens de cet héritage ? En restant fils sans fils ? En rêvant d’un retour arrière pour défaire et faire en mieux pour moi, pour eux ? Que serais-je alors ? Un petit dieu de rien ?

 

"Joe et Joe" de Régis MOULU, animateur de l'atelier


Le grand jour.
Avec un jeté de nuage unique.
Un fond de ciel armagnac commençait à rejoindre la terre.
Napperon de dentelle de plus en plus solide que devint le paysage,
ici un sumac qui dressait ses franches et ses fleurs tels des sceptres,
là un catalpa fier de ses multiples rondeurs opalines.
Un « haououououou » semblait encore résonner :
loup d'hier, pelage fuyant,
instants se succédant comme un continuum de cartes retournées,
jeu infini, règles évolutives, moments savoureux, ici les possibilités croissaient.

Le petit Joe nageait dans ses mocassins.
Et Le grand Joe allait apparaître sur son cheval,
un alezan beau comme du caramel filé.

Le feu, en s'éteignant, donnait l'impression que les calcédoines qui le ceignaient grandissaient, encore et encore.
Blanchissaient aussi.

Des dernières volutes qu'exprimaient les flammes mourantes
surgissaient de derniers animaux,
étranges formes qui s'engouffraient
dans la jungle de l'atmosphère
comme des troupeaux rallieraient un point d'eau.

Les créatures sont partout, comme excitées par nos douleurs et nos joies, éternellement.

Petit Joe ne devait pas bouger.
Rester assis constituerait le premier degré de sa transmutation.
Déposer les armes cruelles de son impatience
a de bon qu'on « recrée » immédiatement le monde,
qu'on le met au bout de son nez,
que son nez se retrouve en son milieu
et que la Terre devient notre poumon.

Inspiration, expiration, entre deux apnées suggestives.

« Petit Joe » mais « immense Joe ».
Aujourd'hui lui serait dévolu « un paquet de charmes »,
entendre « une kyrielle de cadeaux »,
comprendre « de quoi lui offrir un avenir rieur et exigent ».

C'est qu'il transpirait et qu'il transpirait,
pauvre petit bonhomme.
Aussi, « qu'avais-je bien fait
pour accéder à de tels honneurs ? » s'infligeait-il sans cesse,
patraque comme lorsque nos organes
se mettent à danser, dans notre vieux sac de corps,
une polka endiablée !

Il en arriva même à ne plus savoir
ce qu'étaient le mérite dévorant,
le courage inflammable,
la splendeur de l'effort,
la folie de l'abnégation,
les vertiges du dévouement,
tous ces éléments que mitonne l'amour conquérant.

Oh, certes, il n'avait jamais été avare de rires et de sourires,
une production que favorise aisément son jeune âge,
mais était-il réellement le maître des ficelles
de cette réjouissante allégresse !

Le petit fulminait de réflexions
si bien qu'il ne saura jamais, pendant ce temps,
combien de passereaux se sont posés sur ses tendres cheveux,
petite meule de foin.
Et, quand des graines de cauchemars le traversèrent,
là, il prit peur :
ses yeux lui indiquèrent instamment
leur désir de partir en voyage,
le firent.
À ce moment précis, il paya en sueurs et tremblements
le sale tour qu'il avait fait, il y a deux ans,
à son chien, désormais mauve.
La pauvre bête se sentait comme rejetée par la nature,
tournait en rond,
creuser de fait son trou.

Grand Joe était déjà là,
obnubilé par l'enfant.
Face à la mare, son cheval buvait son reflet,
faisait circuler les liquides.
Le mirage de la vie.
Les leçons d'une primaire redistribution.
L'ubiquité au bout de la langue,
ou quand « boire » se fait « voir »…

De son immense sac en cuir d'okapi,
grosse panse tendue par de lourdes tripailles,
Grand Joe sortit en même temps que sa voix
quantité d'objets.
L'instant virait au solennel cérémonieux.
Petit Joe se leva,
comme émergeant de sa flaque d'inquiétudes.
Dans son visage, tout était rond :
yeux, bouche, pommettes et oreilles,
ce qui sertissait son cosmos de bouille
de sept planètes.
Les stratus laissèrent passer, avec discipline,
les rayons d'un soleil en fusion,
côté Terre, le sol réapprenait à se craqueler.

Et puis, comme attisée,
la voix grave et ondulante de Grand Joe
se mit à caresser
tout ce qu'elle trouvait.

Chapeau plat,
appeau attire-oiseaux-lyres,
sac de noisettes,
pot à crayon et son gros crayon,
masque recto verso, une face rouge, une face bleue,
caillou en forme de cachalot,
rouge à nez
et flacon de lait d'asperge impossible à ouvrir
constituèrent le fourniment du jeune garçon.

Sur ce, il se devait de partir sans se retourner,
ce genre d'histoire ne comptabilisant et ne révélant jamais
les larmes qui auraient à couler,
qu'elles soient de joie ou de consentement à l'abandon,

et comme, son dernier cadeau correspondait
au merveilleux alezan un peu trop désaltéré,
il le monta
en l'éperonnant comme il put,
ce fut mou au départ
mais aisé lorsqu'il franchit la couture de l'horizon.
Fin.

 

"Prophétie" de Nadine CHEVALLIER, texte écrit hors séance

Aucun doute n'était permis. Ani, le chaman avait interprété les signes. La lune en croissant sur l'horizon, le vent soufflant de la montagne amenant la neige qui tombait sans trêve depuis le matin, les déjections molles des aurochs sur les mousses de la steppe, cette tache couleur de feu qu'il avait sur l'épaule droite et ce cri joyeux qu'il poussa en naissant, tout concordait, il était bien l'enfant désigné par la prophétie.
De ce fardeau pesant sur sa destinée, Nao ne savait rien, tous prenaient soin de lui. Il grandissait comme tous les enfants de la tribu, juste un peu plus tendre, un peu plus réfléchi, un peu plus enjoué, «lumineux» disait Ani.
Sa vie bascula quand revint pour la dixième fois le temps de la neige.
A la nuit tombée, sur ordre du chaman, il fut conduit à la case de Bran, le chef du village.
Nao escorté par trois anciens fut assis sur la rugueuse natte de poils de chèvres face à Ani et Bran. A la lueur des torches de résine qui enfumaient la salle et piquaient les yeux, Nao découvrit que tous les villageois étaient réunis autour d'eux, les enfants serrés contre leurs parents assis le long des parois de la case ronde.
Elle n'était pas vaste cette case et pourtant toute la population y tenait rassemblée. Les hivers passés puis le temps de la sécheresse avaient emporté beaucoup des siens. Nao prit conscience à cet instant que son peuple était en péril.
Et voilà qu'Ani avec force gesticulations et discours véhéments expliquait que Nao devait partir pour sauver son peuple, lui seul le pouvait, les signes étaient là, ce jour était «le» jour. Pour accompagner Nao dans sa quête, on allait le munir de tous les talismans prévus par la prophétie.
Bran se leva et de son sac de cuir tira différents objets qu'il remit un à un au chaman. Ani les posa avec déférence devant Nao, répétant à chaque fois la formule du don :
«- Nous te confions cette bille d'argile rouge, symbole de l'unité de notre peuple, qu'elle te soit utile dans ta quête»
«- Nous te confions ce sac de grains d'épeautre, pour la vie et la renaissance, qu'il te soit utile dans ta quête»
«- Nous te confions cette griffe de lion, pour la force et le courage, qu'elle te soit utile dans ta quête»
Nao, abasourdi, observait ces objets, cherchant de quelle manière ils pourraient bien lui être utiles et à quoi? De quelle quête parlait Ani?
«- Enfin, Nao, nous te confions le collier de notre chef. De tous temps, les chefs de ce village et aujourd'hui Bran, ont porté ce collier. Aujourd'hui pour la première fois, il va quitter le village avec toi. Que ce soit pour y revenir une fois ta quête aboutie, nul n'en doute et c'est pourquoi nous te le confions, qu'il te soit utile dans ta quête»
Nao, n'en revenait pas. Le collier de Bran ! Comme tous les enfants, il en avait rêvé, devenir chef et le porter … Et aujourd'hui, lui, pas encore un homme, on le lui offrait ! Il ne comprenait pas bien ce qui arrivait.
C'est lorsqu'elle se leva qu'il découvrit sa mère, restée en retrait dans l'assemblée jusqu'alors. Mana, sa mère, sa Mamana, une petite femme usée par les ans et les privations, lui sourit avec tendresse. Elle semblait intimidée devant lui maintenant, elle se pencha et retirant de son poignet un bracelet tissé de fils de lin, elle le lui donna en disant la formule rituelle :
«- Nao, fils mien, je te confie ce bracelet pour le lien du souvenir, qu'il te soit utile dans ta quête et te ramène à nous avant le temps sec.»
Puis son père d'un signe de la main, demanda la parole.
« Nao, fils mien, je te confie ce couteau d'os. Qu'il te soit utile dans ta quête, ne t'en sers jamais avec colère.»
De tous les présents posés sur le sol devant lui, Nao ne savait que faire.
Le chaman se leva, les bras étendus au dessus de la tête du garçon, en un geste de protection, il marmonna des paroles confuses puis entonna le chant de la tribu que tous reprirent en chœur. Nao, ému, chanta avec les siens, puis sa voix s'éleva seule au dessus des autres, claire et vive, et tous surent qu'il réussirait.
Bran reprit chacun des objets, les rangea avec soin, un à un, dans le sac de cuir et tendit celui-ci à Nao.
«Voici Nao, les dons de ta tribu pour ta quête, fais en bon usage et reviens nous avant le temps sec»
Nao reçut le sac avec respect, en passa la bride sur son épaule marquée de feu.
Alors Bran attrapa son bâton de chef, le tendant au garçon,il récita :
«- Je te confie le bâton de bois de chêne, alliance de la terre et du ciel, qu'il te soit utile dans ta quête, il connaît le chemin du retour»
S’inclinant devant le chef, Nao prit le bâton de chêne dans sa main droite et sortit de la case ronde.
Le lendemain au soleil levant, emmitouflé de peaux, le sac à l'épaule, le bâton en main, il quittait le village.
Alors qu'il tournait dans le chemin enneigé du bois, il vit venir vers lui son amie Mara. En pleurant, elle le serra dans ses bras et lui donna la poupée de paille qu'elle avait faite la veille.
«Nao, je te confie cette poupée, c'est l'amour que je te porte, ne l'oublie jamais dans ta quête»
Sans attendre, elle repartit en courant vers le village.
Nao plaça la poupée dans son sac et poursuivit son chemin sans se retourner… Ses traces doucement s’effacèrent sous les flocons qui continuaient de tomber.

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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