LE FAIT DIVERS ORIGINEL
Mali, marché de Niamakoro -
Grande était la surprise des populations de Niamakoro
la semaine dernière (samedi). Dans le marché de Niamakoro, "Soukoukoro"
(l'ancien marché), une vendeuse de tomate a découvert, dans le panier
de tomate, 4 tomates à la forme de la tête de l'homme. A les voir, ces
tomates se présentent sous la forme d'une tête humaine avec des points
assimilables aux yeux, au nez, à la bouche. Dès l'annonce de la nouvelle,
la maison de la vendeuse de tomate non loin du marché a été envahie
de monde, chacun voulant satisfaire sa curiosité comme pour dire que
"voir une seule fois vaut mieux que d'entendre cent fois". Puisqu'elle
était envahie de monde, la famille a décidé que ceux qui souhaitent
satisfaire leur curiosité payent 25F CFA. Mais, malgré tout, les gens
ont accepté de faire la queue pour voir l'inédit. Et jusqu'aujourd'hui,
les gens défilent dans cette famille pour regarder ces tomates.
Source : Nouvel Horizon
Ci-après
quelques textes produits durant la séance,
notamment (dans l'ordre):
- "J'ai 10 ans aujourd'hui" de Céline
CORNAYRE
- "O toma tique !" de Janine BERNARD
- "Mais ne nous laissez pas succomber à la tentation
(mélodrame africain)
de Janine NOWAK
- "Sauce trop mate" de Jean-Pierre ANGELOSANTO
- "Charlie Four" d'Anne-Marie PETTRé
- "Volubitos verdurotimas hominutis, plante orpheline
de la brousse"
de Marie-Odile GUIGNON
"J'ai
10 ans aujourd'hui" de Céline CORNAYRE
J'ouvre un œil, puis le second, la nuit a été courte mais
la journée sera longue. Pourquoi ? parce que cela fait au moins presque
9 ans que j'attends cela car, tenez vous bien, ouvrez grandes vos écoutilles,
j'ai 10 ans aujourd'hui !!!
Et c'est pas rien, 10 ans, je suis presque un grand sans rire. En plus,
c'est jour de grand marché, ce qui veut dire, pas d'école, incroyable
non ! Je vais pouvoir savourer l'évènement à pleines dents et à pleins
d'yeux !!
Je me précipite dans la salle de bains, je sais que bientôt, très bientôt,
je vais enfin pouvoir me raser comme papa… Regard dans le miroir, bon,
c'est pas gagné pour tout de suite, mais ça va venir…
Au fait, je n'ai pas fait les présentations. Je fais fiça sinon maman
va me houspiller joyeusement car pas d'école, certes, mais grand marché,
le seul, l'unique de l'année, celui qu'il ne faut manquer sous aucun
prétexte, je ne vous fais pas un dessin !
En accéléré donc, mon profil commence par un prénom, Ernest. Je sais,
c'est con de s'appeler Ernest. Et en plus, c'est même pas la faute à
pas de chance, non, c'est mon grand frère qui l'a voulu, c'est lui qui
l'a prévu, c'est lui qui a tout calculé, voilà. Remarquez bien qu'il
s'appelle Célestin, ce qui n'est guère mieux si vous voulez mon avis.
Il a dû vouloir se venger, je pense.
Je continue, physiquement, j'ai tout ce qu'il faut là où il faut et
en plus, je crois que je plais aux filles !! C'est bizarre, je dois
être en avance sur mon âge, même Freud parle d'une période de latence…
Je crois que la fille de la vendeuse des plus belles tomates du marché
m'a repéré. Elle s'appelle Ernestine (sans rire), elle est belle à tomber,
douce à croquer et drôle à pleurer.
A l'école, je suis ni premier de la classe ni tout à fait cancre, juste
beaucoup trop bavard et éparpillé si j'en crois ce que dit la maîtresse.
J'adore jouer aux gendarmes et aux voleurs, à chat perché et aux billes.
Mon plat préféré, c'est les tomates farcies, et ma maman a prévu d'en
faire pour ce midi, elle est pas belle, la vie ?
Le petit déjeuner est très vite expédié, le panier est prêt, chaussures,
chaussettes, Ray Ban aux pieds et Rolex au menton…. Je suis dans un
tel état d'excitation, pardon…
J'arrive enfin au marché. Première étrangeté : quasiment personne aux
abords et tout un attroupement massif vers le milieu, là où je devrais
voir Ernestine, avec un peu de chance !!
Je tire maman par la chemise, lui signifiant la direction des tomates,
autrement dit pour moi, du bonheur.
Devant ce raffut total à la limite du chaos, je feinte, je shunte, je
me faufile comme je peux à travers ce mille-pattes géant. Ce que j'entends
est très curieux, des bribes de conversations anodines mêlées à des
paroles complètement biscornues du type : " ces tomates sont en fait
des têtes, comme Louis XVI après son passage chez Monsieur Guillotin
! ". Je n'en crois pas mes oreilles ! Et ce qui commence à m'agacer
prodigieusement, c'est qu'au lieu de les apercevoir, elles, les fameuses
tomates, je ne fais que me cogner la tête dans des derrières à répétition.
Les femmes ET les enfants d'abord ai-je soudain envie de hurler.
Mais ma maman m'a toujours appris à respecter les gens, à dire pardon,
à dire bonjour, sans jamais se départir de son calme et de son sourire…
Et ça marche ! Un passage s'ouvre, mais ce que je vois d'abord, c'est
la tête d'Ernestine, aussi rouge que ses tomates, visiblement paniquée
par la foule et rassurée de me voir. Ni une ni deux, elle embarque avec
elle deux des spectaculaires trophées qu'elle avait auparavant soigneusement
emballés à l'insu de tous (en plus, elle est futée), me prend par la
manche et réussit comme par magie à nous extraire de cet enfer people.
Parce que c'est ça, c'est à celui ou celle qui se fera photographier
devant telle ou telle vraie/fausse tomate en forme de visage. Et tant
pis pour les tomates ! Zéro respect pour leur intimité ! Personne ne
s'est demandé si ces tomates voulaient ou non leur quart d'heure de
célébrité, fallait qu'elles y réfléchissent avant, point barre.
Même la maman d'Ernestine, qui est à l'origine de ce gigantesque coup
publicitaire, s'est trouvée submergée, dépassée par ce qui ne devait
être au départ qu'une amusante plaisanterie. Ce qu'Ernestine me dit
là me fait bondir ! " Alors, ce n'est pas une blague ?! " lui demandai-je
avec les yeux plus que jamais en forme de points d'interrogation.
C'est ici qu'elle me tend toujours soigneusement emballés, Louis XVI
et Marie-Antoinette, sans rire.
Moi, je ne savais pas si je devais me tordre de rires, me glacer d'effroi,
ou m'éclipser à toutes jambes. J'avais tout imaginé pour le jour de
mes 10 ans, mais pas çà.
Bon d'accord, c'est vrai que j'ai dit encore pas plus tard qu'hier à
Ernestine que 10 ans, c'était pour moi une vraie révolution et que j'allais
enfin pouvoir révolutionner le monde grâce à mon cerveau tout bouillonnant
d'idées et de sentiments…
Oui mais quand même, je ne parlais pas de ressusciter Louis XVI et Marie-Antoinette,
c'est trop sanguinolent pour moi. Je n'ai que 10 ans, pensais je intérieurement.
Tout chaviré d'émoi, d'émotion et de crainte, j'avoue alors à Ernestine
ma triste condition de petit garçon, trop naïf pour ne pas douter d'une
histoire, même aussi peu crédible soit-elle.
Un - je ne sais quoi dans son regard - parvient à ranimer ma curiosité
naturelle et j'ose, oui j'ose, ouvrir le torchon …
J'ai 10 ans aujourd'hui et je sais que je ne regarderai plus jamais
les tomates de la même façon.
C'est comme pour les formes des nuages, je sais que ce n'est pas que
la condensation alliée à l'imagination, c'est réel, si réel que je passe
souvent des heures à les contempler béatement, au détriment de mes leçons…
J'ai 10 ans et vous savez pas quoi ? Finalement, c'est peut être pas
si urgent que ça, d'être grand.
"O
toma tique !" de Janine BERNARD
- Puisque je te dis qu'on parle de nous sur une toile,
une toilée cirée, propre sûrement, puisqu'elle est nette. Enfin, c'est
ce que j'ai compris quand ils ont ouvert la porte sur le cinglé qui
tirait à la mitrailleuse avec son appareil à lumières.
- Le Bounty qui ricanait en demandant si ça sortirait en noir et blanc
?
- Oui, ces deux là. Paraît qu'ils vont nous propulser plus loin que
le pays, au-delà des frontières. Sur la toile.
- Et les gosses aussi ?
- Pardi ! Je te dis qu'on va aller loin. Vous entendez les gosses ?
- Laisse les donc, à cette heure faut qu'ils dorment pour que demain,
le grain de peau soit lisse, bien frais. Un petit pli, une ride et on
risque gros. Moi, je veux voir du pays. Aucun de nous quatre doit se
prendre une seule ridule.
- On a une chance de voyager gratos. Bien attachés les uns et les autres
à notre tige nourricière, casserons pas la famille comme ça. Ils ont
bien trop peur qu'on dépérisse si on nous sépare. Suffit de pas bouger,
se faire des bonnes nuits et d'attendre.
- Dire que si on ne leur ressemblait pas, on serait déjà au fond d'une
marmite encadrée d'un navet et d'une carotte et le derrière sur un piment.
" Quand ils nous coupe tout bas, on voit la vie en sauce ! "
- Alors que là, ma graine de gazelle, tu vas voir le voyage qu'on va
nous payer…
- Pourvu qu'ils nous mettent dans un panier en osiers larges, pour qu'on
puisse voir les paysages ! Tu vas dormir cette nuit mon cœur de buffle
?
- Comme un bébé. Nos deux rejetons bien attachés, ensemble, notre petit
Juju, écoute, elle respire bien, et notre petit Géroniko, aussi. Nos
deux petits peaux rouges sont magnifiques. J'ai la chair bien au repos.
Dors ma graine adorée, dors toi aussi.
Quand on a le cœur en graines comme moi, on devient vite insomniaque,
toujours en souci pour sa petite famille.
Mon gros cœur de buffle va s'assoupir, ça je le sais. Et mes deux petits
dorment depuis le coucher du soleil quand ils arrêtent le défilé dans
la case qui nous sert de refuge. Mais moi, je ne m'assoupis pas facilement.
Toujours peur qu'un de nos gardiens nous reluquent par la petite fente
qui donne dans la cour. Depuis qu'ils nous ont découvert, voilà quoi
? Trois, quatre jours, c'est le cirque permanent. Notre petite famille
de peaux rouges est devenue le Tomato Barnum. Et comme on a des yeux
comme eux, apparents, apparemment ils viennent vérifier de temps en
temps, si on les referme, comme eux.
Déjà qu'on était tous les quatre la risée de nos congénères légumineux
depuis quelques jours. Et voilà que maintenant les autres trouvent qu'on
leur ressemble. Quel destinée tout de même…
Dans ce pays, au mieux, notre destin c'est la sauce. Savent rien manger
ici, sans sauce.
Mil ? en sauce, riz ? en sauce ! , maïs ? en sauce. Ou alors c'est la
boîte. Une petite tache de naissance, un grain de beauté mal placé,
une joue un peu flapie et c'est la descente aux enfers. En concentré
dans une boîte grande comme un confettis ou un tube, une tombe pour
des centaines d'entre nous.
Mais nous quatre, et moi surtout, qu'est ce qui va les intéresser, sinon
mes graines ? Histoire de pouvoir recommencer une famille ano - malienne.
Qui sait ? Si le dernier cri change les traditions, nous pourrions vivre
comme précurseurs. Ils auraient tous leur tête à notre image. Ils n'ont
pas fini de nous tripoter les graines. Et c'est qu'ils ont l'air nombreux,
bien aussi nombreux que notre espèce. Comme pour nous, va en falloir
des manips génétiques !
J'aime bien ce mot. Génétique. Je l'ai entendu hier devant le Bounty
qui s'extasiait. " génétique ! purement génétique " qu'il a dit en me
regardant. Interdiction de toucher. Un vieux est assis à côté de notre
panier et au moindre geste pour nous toucher les protubérances, (c'est
ainsi qu'ils appellent nos yeux, notre nez ou notre bouche) toc !
un coup de chicotte qu'il a posé sur ses genoux. Ca les calme illico
!
Faut pas que je ris. Gare aux rides.
Faut que je dorme…
Qu'est-ce que ça me fait d'être sous loupe jour et nuit ? D'abord des
nôtres qui gloussaient en nous regardant, et maintenant les autres qui
se bousculent pour nous mater ? Peut-être qu'à la fin, j'en aurais assez.
J'attendrai avidement le couteau salutaire et la fin en rondelles dans
une assiette sur un lit de vinaigre pas trop piquant.
Et ma petite Juju, si elle pouvait gagner quelques semaines, elle a
l'œil fin, la bouche bien dessinée. Qui oserait la découper trop vite
dans une salade mal fagotée, sur les genoux d'un concombre mal attentionné
?
Et mon petit Jéroniko, mon petit peau rouge aux yeux légèrement bridés,
plus jeune que Juju de quelques centimètres sur la tige mais avec un
toupet vert tendre à cinq branches des plus affriolant sur le sommet
du crâne.
Je fais tout ce que je peux pour les ventiler car faut pas qu'ils transpirent
dans la journée, sinon fini le voyage, direct la sauce.
Faut qu'on rapporte gros à la famille du vieux, on évitera la casserole
annoncée. Mais si un tordu leur propose un bon prix pour Dieu sait quelle
expérience, notre compte est bon.
Et moi qui ai un peu plus de graines que les autres, la première piqûre
foreuse exploratoire sera pour moi…
Dieu des légumineuses, penchez vous sur notre modeste famille pas comme
les autres…
J'ai entendu aussi une énormité dans le défilé des visages. Qu'on serait
un fruit et pas un légume. Moi qui n'est pas un poil de sucre, pas une
once de produit maléfique ! Un fruit… Ca m'a fait rougir jusqu'aux graines.
De courroux. Mon cœur de buffle l'a vu. Il a roulé vers moi de quelques
millimètres pour me réconforter. Quand on touche à l'origine, aux racines,
ça émeut toujours, forcément…
Qu'est-ce qu'il faut pas entendre depuis trois jours comme conneries
!
"Tu trouves pas qu'elle me ressemble ? "
Moi ? Ressembler à ce débris ?
Dieu des légumineuses donnez-moi vite un miroir que je vérifie ! La
honte !
- Oh ! la toute petite, je la donnerais bien à mes gosses, un jouet
écologique !
Ma Juju ? Dans les mains d'un gamin pervers ? Génétique, écologique,
ils vont nous emmener chez quel loustique pour nous torturer ? Parce
qu'ils ont l'air tellement curieux qu'il va falloir nous étudier et
tout ce qu'ils étudient fini en " tique ". Il y aura peut-être la tomatique.
Ils ne nous couperont plus, ils nous regarderont seulement en cherchant
dans nos protubérances, des yeux ano-maliens, le reflet de leur propre
image…
Jusqu'à présent, on leur avait caché notre propre réflexion tomatesque.
Que nous feront-ils s'ils découvrent notre secret ? Que nous pensons,
nous les végétables ? Les verduras ? Les végétaux ?
Une telle idée me fait trembler et le sommeil me fuit.
Faut que je dorme.
Dès le lever du soleil, le défilé va reprendre avant la chaleur. Le
vieux va revenir s'asseoir avec sa chicotte et un bol d'eau dont il
nous asperge à heure régulière comme des petits vieux en temps de canicule.
Manque plus que le serviette éponge autour des épaules.
J'en ai tellement entendu des mots nouveaux ces derniers jours.
- Faudrait pas en faire du ketchup tout de même, ce serait dommage !
Du ketchup . C'est quoi ?
Si on voyage, on verra sûrement des ketchups et puis d'autres races,
du monde entier. Ca va rendre jaloux mon gros cœur de buffle, encore
qu'il est pas le dernier à se retourner sur des grosses maliennes sans
ano- malie.
Faut que je dorme…
Etre comme tout le monde et la vie suit son cours, son programme. Nous,
dans une casserole, une assiette, une boîte plus ou moins concentrée.
Notre vie habituelle est un concentré.
Mais différents des autres et, en plus, ressemblant à ceux qui nous
dévorent sans état d'âme, allons nous, nous aussi, rejoindre leurs habitudes
? Leur ressembler nous fera bouger tous les quatre peut-être, mais si
chacun d'eux veut l'un de nous, à son image, dans sa maison, sur sa
cheminée, ou dans son salon, nous voilà, pour l'éternité, le miroir
légumineux de la race humaine…
Vertigineuse destinée tomatesque… C'en est trop.
Faut que je dorme. Le sommeil fuit un cerveau qui divague.
Dieu des légumineuses, endormez-moi, faites moi revenir au pays des
tomates toutes pareilles, où l'on dort la nuit sans se poser de question
en attendant la gamelle…
Le coq de Soukoukoro chante.
Mon cœur de buffle s'étire. Les deux petits peaux rouges s'ébrouent.
Le cirque va reprendre. Je les entends déjà : " suivant ! Poussez pas
! Y en aura pour tout le monde ! Vous avez payé ? "
Dieu des légumineuses
Entendez la prière
D'une tomate insomniaque
Et pourtant bonne mère.
Des humains elle n'avait
Qu'une bien faible apparence.
Suffisante, pourtant,
Car teintée d'innocence.
Epargnez lui,
A elle et sa famille,
L'humaine indignité
D'une laide apparence
Ou d'une infirmité.
Car tomates ou laiderons
Peuplent ensemble nos cités.
Et ressembler à l'un
Ne peut faire l'autre admirer !
"Mais
ne nous laissez pas succomber à la tentation… (mélodrame africain) de
Janine NOWAK
Misère… Le niveau a encore baissé. Les cailloux qui tapissent le lit
du fleuve sont visibles. La chaleur est accablante. Tant de mois de
sècheresse ! Le poisson manque. J'en ai si peu attrapé, aujourd'hui…
Quelques perches au fond de ma pirogue. Je vais devoir toutes les vendre
au marché. Je ne pourrai même pas en garder une pour améliorer l'ordinaire
de ma famille. Nous sommes décidemment trop pauvres…
Me voici aux portes de Niamakoro. Qu'est-ce que j'entends ? Mon oreille
fine, exercée aux différents bruits de la brousse, perçoit de loin un
brouhaha inhabituel. Il semble provenir du marché. Bah… je verrai bien,
puisque de toute façon, je m'y rends pour négocier le produit de ma
pêche. C'est sans doute, encore une querelle de ménagères. Ah, ces femmes
! Elles ont la langue bien pendue ; et dès que les hommes, vaquant à
leurs occupations, ont le dos tourné, elles ne savent qu'inventer pour
créer des histoires ! Pourtant, ces cris ne ressemblent pas à ceux des
altercations habituelles. Les piaillements des femmes paraissent joyeux.
Me voici arrivé sur la place ; je vais bientôt savoir.
" Dis-moi, Soulémane, qu'est-ce que c'est que tout ce tintamarre ? "
Soulémane : " Ah, N'Goubé ! Tu ne sais pas ? C'est vrai, tu arrives
de la rivière. Hé bien, figure-toi, que Eloa, la marchande de tomates,
a découvert dans son cageot, quatre monstres. " N'Goubé : " Quatre monstres
? "
Soulémane : " Oui, quatre tomates monstrueuses ayant la forme de têtes
humaines ".
N'Goubé, pas autrement ému : " Et alors " ? "
Soulémane : " Et alors ? Tu ne te rends pas compte ! … Une tête d'homme,
enfin ! Avec des points qui semblent être des yeux, des nez, des bouches
! Ce n'est pas normal … C'est de la magie…
N'Goubé : " Bof, tu sais, il m'arrive parfois de trouver des poissons
qui ne sont pas non plus coulés dans le moule. La nature est imprévisible
et commet elle aussi des erreurs. Allez, au revoir, Soulémane. Il est
urgent que j'aille gagner ma vie ".
Ah, ce brave Soulémane… toujours aussi naïf et prêt à s'émouvoir d'un
rien. Des " tomates-têtes d'hommes "… je vous demande un peu ! Bon,
voilà mon coin ; au travail. " Jolies perches arc-en-ciel ! Jolies perches
arc-en ciel… "
Voilà… J'ai tout liquidé. J'en avais si peu, il faut dire… Je vais vite
rentrer chez moi et me régaler d'une galette de manioc. Mon épouse,
Ramaya, les réussit à merveille.
Me voici presque arrivé. Tiens, c'est curieux… D'habitude, je suis accueilli
par une appétissante odeur et aujourd'hui, rien de tel. Que se passe-t-il
? La maison est vide et le repas n'est pas préparé… Les enfants sont
à l'école. Mais où est Ramaya ? Serait-il arrivé un malheur ? Je vais
m'informer auprès de mon voisin Diallo.
A peine, N'Goubé a-t-il le temps de mettre un pied dehors, qu'il se
heurte à Diallo.
N'Goubé : " Ah, Diallo, j'allais chez toi. Tu ne saurais pas où se trouve
Ramaya ? "
Diallo : " Et moi qui venais te voir pour te demander si tu avais vu
ma femme ! "
Ils se regardent, disent en même temps : " Où sont-elles ? "
Ils voient arriver Mamadou, qui semble inquiet.
Mamadou : " Je cherche ma femme ".
N'Goubé et Diallo : " Et nous aussi nous cherchons les nôtres ! ".
Brusquement, N'Goubé, semble avoir une illumination : " Les tomates
! ".
Diallo et Mamadou le regardent avec, dans l'œil, un gros point d'interrogation.
N'Goubé, confirme : " Oui, les tomates ! Eloa a, parait-il, trouvé des
tomates bizarres dans son panier. Je suis sûr que nos épouses sont allées
voir ces phénomènes. Allons chez Eloa ; nous serons fixés ".
Ils se mettent tous trois en chemin. A l'approche du domicile de la
marchande, des bruits de conversations sont perceptibles. Puis nos trois
amis remarquent une longue file d'attente ; des hommes et des femmes,
qui sagement, font la queue en papotant. Et soudain, sortant de la maison
d'Eloa, ils aperçoivent leurs épouses respectives.
En voyant approcher leurs conjoints, les trois maîtresses de maison
ont un petit mouvement de recul. Ramaya, plus courageuse que ses consoeurs,
fait un charmant sourire et, minaudante, arrondissant un œil candide,
se met à décrire avec forces détails et qualificatifs flatteurs, les
admirables tomates d'Eloa. Les deux autres femmes viennent surenchérir,
et bientôt, N'Goubé et ses deux compagnons, doivent mettre le holà,
décrétant qu'on se croirait pire que dans un poulailler. Le calme revient.
N'Goubé, mi figue, mi raisin : " Et comme ça, Eloa laisse tout le monde
entrer chez elle, pour admirer ses tomates ? "
Un peu gênées, les trois femmes émettent un timide " Oui ".
N'Goubé, sur le même ton : " Tiens donc… La générosité n'est pas sa
principale qualité ordinairement. La visite était-elle gratuite ? ".
Penaudes, les trois femmes font profil bas.
N'Goubé, d'un ton ferme : " Alors ? J'ai posé une question ! ".
Ramaya entreprend une ultime tentative pour apaiser le courroux qu'elle
perçoit chez son mari. Avec un sourire, qu'elle espère ensorceleur,
elle plaide sa cause et celle de ses amies, disant que les distractions
sont rares, qu'elles n'ont pas souvent l'occasions de s'amuser, qu'une
fois n'est pas coutume, etc., etc. …
N'Goubé n'a qu'un seul mot : " Combien ? "
Ramaya marmonne : " niemeniemenq F. CFA ".
N'Goubé, sévère : " Articule, je n'ai pas entendu ! ".
Ramaya redresse fièrement la tête et d'un air de défi, crie, plus qu'elle
ne dit : " 25 F. CFA ! ".
N'Goubé reste stoïque. Il n'émet pas un son, ne dit pas un mot. Il attrape
sa femme par un bras et la traîne jusqu'au domicile conjugal.
Ramaya n'est pas rassurée. N'Goubé n'est pas un violent. Il n'a jamais
levé la main sur elle ni sur les enfants. Mais là, elle ressent une
froide et inhabituelle détermination chez son époux. Ils pénètrent dans
la maison.
Toujours sans prononcer une parole, N'Goubé sort de sa poche la recette
de la vente de ses poissons et la pose sur la table.
" 115 F. CFA ", annonce-t-il, " voilà ce que m'ont rapportées des heures
de travail. 115 F. CFA. Avec ce peu d'argent, nous allons devoir vivre
à six, payer loyer, nourriture, vêtements, impôts. Que penses-tu de
ton attitude ? ".
N'Goubé a parlé calmement, posément, avec une pointe de tristesse dans
la voix.
Ramaya a bien conscience que la vie est difficile, plus que difficile.
Que N'Goubé fait le maximum pour subvenir à leurs besoins à tous. C'est
un homme courageux, travailleur, foncièrement honnête. Elle est toute
chagrinée de l'avoir déçu.
Elle s'est laissée entraîner ; elle a eu besoin d'un moment d'évasion
; sortir de ce quotidien si pesant, si morne. Elle essaie d'expliquer
ses états d'âme à son mari.
N'Goubé est sévère, parfois dur, mais toujours par obligation. En réalité,
ce n'est pas lui qui est dur, mais leur existence ; et ils ne doivent
céder à aucune tentation sinon c'est la catastrophe. D'ailleurs, ce
n'est pas à Ramaya qu'il en veut le plus, mais bien à cette Eloa qui
est si habile à tirer parti de la crédulité des autres. Il comprend,
il trouve même légitime que sa femme ait besoin de sa part de rêve.
D'ailleurs, il voulait lui réserver une surprise à la fin du mois. Mais,
puisqu'il la sent triste, il va la lui dévoiler tout de suite, cette
bonne surprise : les vacances scolaires arrivent. Ils se rendront dans
la famille de Ramaya où ils ne sont pas allés depuis deux ans déjà.
C'est loin, à trois jours de pirogue. Mais ces retrouvailles sont de
si grands moments de bonheur et Ramaya est toujours tellement heureuse
de retrouver ses parents.
A cette merveilleuse nouvelle, les yeux de Ramaya resplendissent de
plaisir.
La paix et la sagesse sont définitivement revenues dans le ménage.
"Sauce
trop mate" de Jean-Pierre ANGELOSANTO
Ne fais pas ta fière.
C'est un accident. Passe, passe ton chemin.
Tout ce remue ménage. Ce mélange.
Ne fais pas ta fière, tu n'y es pour rien !
Le hasard nous a fait tomber là, et toi tu te gonfles et ouvre grand
les yeux.
La poitrine bouffie de sa moisson.
Tu es la reine de la journée.
On se bouscule. On s'agite. On cherche à te séduire. On te paie.
Le temps passe, et de nous tu ne sauras rien.
Un panier, quatre boules rouges.
Au nez semblable.
Aux yeux semblables.
A la bouche semblable.
Curiosité.
Un panier, quatre tomates.
Qu'en sera-t-il. Qui va les manger ?
"Charlie
Four" d'Anne-Marie PETTRé
Je suis la petite fille du vendeur de graines de la
rue des deux Ecus à Paris dans le 1er arrondissement. J'ai perdu mes
parents très jeune et est été élevée par mon grand père et la bonne
Cerise. Très marquée par son aspect bien en chair, son teint rouge et
sa peau lisse et brillante comme une tomate, je rêvais toujours de cultiver
des tomates ayant l'aspect de Cerise.
Avant de mourir, mon grand-père me dit : "un jour, tu iras en Afrique
sur le marché de Niamakoro, au Mali". Il disait aussi toujours "chaque
fois que tu commences un travail, fais un voeu et il se réalisera un
jour".
En âge de reprendre l'affaire de mon grand-père et après avoir lu et
étudié ses écrits et ses expériences, je décide de me consacrer à la
culture de tomates et en particulier de faire évoluer une graine mise
au point par mon grand-père. Mais malheureusement mon grand-père était
mort avant de pouvoir la vendre pour une culture à grande échelle.
Je vends cette graine à un cultivateur du Mali, qui très vite me fait
part de ses résultats.
Cette graine fournit des tomates de grandes qualités :
- un très bon rendement en Afrique, pousse très vite, n'a pas besoin
de beaucoup d'eau ;
- leur conditionnement est très rapide et facile, chaque pied donnant
toujours que quatre tomates, une grosse, une moyenne et deux plus petites
;
- très riches en fer et en vitamines, elles ont des pouvoirs surnaturels
très appréciés par les sorciers africains.
Mais comme toujours il y a un petit problème, une contrainte. Il ne
faut jamais couper la tomate avec un couteau. Si on croque la tomate
à pleine dent, un jus de sang sort de la tomate, s'écoule dans la gorge,
d'où l'expression "s'en faire des gorges chaudes". On ne peut donc que
la cuire, la presser ou bien la mélanger avec d'autres aliments et alors
là les cuisinières ne peuvent plus s'en passer tant ses vertus sont
grandes.
La veille de mes trente ans, en sortant du Père-Lachaise où j'allais
régulièrement entretenir la tombe de ma famille, je repense à mon grand-père
et à ce qu'il m'avait livré le jour de sa mort. Je décide de partir
le lendemain sur ce fameux marché de Niamakoro voir le cultivateur.
Un de mes meilleurs clients et qui avait acheté l'année passée une semence
millésimée que j'avais particulièrement soignée, élaborée avec beaucoup
d'attention et de tendresse "charlie four" (en souvenir de mon grand-père
Charles). Le jour de sa création, j'avais fait un voeu. Je devais donc
partir et être le 30 juin, jour de mon anniversaire, à midi précise,
sur le marché de Niamakoro pour voir si mon voeu allait se réaliser.
J'arrive sur le marché par une chaleur accablante, des gens dans tous
les sens qui crient, qui rient, qui courent, des enfants pleurent, le
tout dans une poussière invraisemblable. Et mes tomates dans tout ce
brouhaha et cette cohue, où vais-je les trouver ? quand j'aperçois au
milieu du marché un grand panneau avec inscrit "CHARLIE FOUR" venez
déguster les Charlie Four. Assister au miracle du 30 juin.
Je m'approche, remonte une queue d'au moins cent personnes et arrive
sur une place. Ah ! quelle surprise ! sous une coupole en verre quatre
énormes tomates que le cultivateur avait mises de côté pour moi. Ces
tomates étaient le portrait de mon père, de ma mère, de la bonne et
de moi petite. Le cultivateur me reconnaît, arrive tout de suite vers
moi, m'entoure, me salue, m'embrasse, me sert du thé et m'explique très
rapidement pourquoi tout ce monde. Ils vous attendent, certains viennent
de très loin, certains ont passé toute la nuit pour assister à votre
arrivée. Le sorcier, le grand " Mamadou Ndiia " leur a promis richesse,
santé et paix pour toujours s'ils vous voient croquer la tomate. Il
me recouvre d'une robe blanche et je pénètre sous la coupole. Je m'apprête
à croquer la tomate (celle qui me ressemble bien sûr) quand envahie
d'une grande chaleur, je m'évanouis. Je suis réveillée par des chants
d'oiseaux de toutes les couleurs qui envahissent la coupole et mes parents
sont là, présents, en chair et en os. Mon voeu se réalisait...
Mes parents m'expliquent qu'ils étaient partis peu de temps après ma
naissance, en Afrique, cultiver des tomates et la bonne Cerise était
venue les rejoindre à sa retraite sans rien me dire, j'étais tellement
absorbée par l'élaboration de cette graine de tomate " CHARLIE FOUR
".
"Volubitos
verdurotimas hominutis, plante orpheline de la brousse" de Marie-Odile
GUIGNON
Lorsque je suis sortie de l'humus, il faisait très sombre.
La croûte que je traversais, brunâtre, s'écarta docilement : mon premier
œil s'écarquilla dans la fraîcheur brumeuse d'un sous-bois de lianes
et d'orchidées qui se présentèrent dès ma première apparition : ma couleur
tendre vert les faisant fondre d'instinct de protection.
Ainsi rassurée je commençais à grandir la tête attirée par les frondaisons
des grands arbres dorés dans la lumière du zénith.
Un jour, j'entendis un bruit non identifiable ? ... Inquiète, mes pupilles
se dilatèrent sur 380 °, ma tige balaya l'espace en orientant ses feuilles.
Un long bipède stationnait à quelques centimètres de mon propre pied
et il s'inclinait dangereusement vers mes pousses... Subitement, je
vis une tête ronde et ma sève se glaça dans mes fibres... Impuissante
je sentis la terre trembler autour de moi et toute mon existence chavirer
dans une natte de raphia... Une grande lassitude m'envahit et je m'évanouis...
Quelques temps plus tard, combien plus tard ?... Je me suis réveillée
avec des névralgies épouvantables dans les pétioles et des courbatures
dans les radicelles... Cependant mes racines fonctionnaient bien elles
pompaient dans un terreau, ma foi bien garni, tout ce dont j'avais besoin
pour me nourrir et me remettre de ma transplantation... Peu à peu, je
retrouvais des forces et me mis à explorer mon nouvel environnement.
En oscillant sur les cotés et vers le bas je vis que j'étais installée
dans une grande vasque de terre cuite. Tout autour, d'autres vasques
plus petites contenaient aussi d'autres plantes mais aucune ne me ressemblait
ni de formes ni de couleurs, aucune de ma famille...
J'allais donc devoir cohabiter avec des inconnues... ou... faire connaissance
! ...
Un frôlement acide m'interpella à droite : vêtue de feuilles lisses,
la tige raide avec des boules jaunes suspendues ici et là dit :
" Je m'appelle citronnier et vous ?
- Volubitos -Verdurotimas - Hominutis.
- C'est un nom à coucher dehors ! ". S 'exclama une voisine indigo à
la larges feuilles pointues mauve grise.
Et tout autour de moi les rires les plus succulents s'esclaffèrent...
Pour se perdre dans le courant d'air produit par le déplacement de la
propriétaire de l'espace vert des transplantés.
Une mélodie se diffusa :
" Lou lalélou lalélou laléloulalou lalélou lalou.. " Il paraît que c'est
une berceuse malienne?
Puis une autre chanson :
" Ah mon potager, le plus beau le plus sauvage, ah mon potager des légumes
vous me donnez.. ".
Mes compagnes m'expliquèrent que nos vies dépendaient de la bonne volonté
de cette grande tige brune mélodieuse : une femme. Elle déversait sur
nous toute l'eau fraîche et les oligo-éléments indispensables à notre
survie. En échange nous devions lui procurer des fruits qu'elle viendrait
cueillir dès leur maturité.
J'étais effondrée ! ... J'ignorais quel genre de fruit je devais produire?
... Là où j'étais avant...
Je me torturais longuement l'esprit d'étamines...
En plus de ces soucis, mon développement se tordait, alors j'ai du prendre
appui sur un tuteur, un pauvre hère de bois flotté échoué d'un rivage
pluvial. Pour que je m'accroche à lui, il me contait ses périples dans
de vastes univers normalement inaccessibles aux végétaux puisque nos
conditions de vies font de nous des sédentaires forcés... Je méditais
et philosophais sur l'existence et la vie après la mort...
Ma dure réalité, mon objectif impératif qui devait concentrer toutes
mes énergies : " Produire des fruits ", maturait en tâtonnant…
Des bourgeons différents se formèrent, s'arrondirent, éclatèrent en
fleurettes blanches et dorées. D'après ma Compagnie elles ressemblaient
à des étoiles... Elles s'éteignirent pour donner naissance à quatre
boules grises et verdâtres qui ne tardèrent pas à virer au rouge cuivré
foncé et à grossir démesurément. Je m'agrippais à mon tuteur pour supporter
le poids de ces fardeaux. Dans le subconscient de mes fibres la vision
de mon enfance hantait ma sève. J'interrogeais alors mes feuilles. Elles
examinèrent attentivement mes fruits et leur diagnostic tomba " C'est
la tête de l'homme du sous-bois venu nous saisir! ".
Résignée, j'attendais dans l'angoisse la visite de la femme des récoltes.
Elle vint, cueillit mes quatre fruits en chantant, elle les déposa délicatement
dans son panier, et s'en fut d'un pas balancé...
Je me sentais plus légère et m'assoupis un brin. Un brouhaha épouvantable
me sortit de ma léthargie provisoire ! Mes feuilles et mes tiges se
dressèrent de tous mes sens. Les autres habitants du jardin m'imitèrent.
Nos tendres feuilles se tendirent vivement comme les oreilles des humains
qui s'agitaient en palabres d'étonnement près du jardin.
Voilà ce qui se passait :
Quatre " tomates " à la forme de la tête d'un homme venaient d'être
découvertes dans le panier de la vendeuse des fruits de notre maison
et elle était envahie de monde, chacun voulant satisfaire sa curiosité.
Une longue file de gens faisaient la queue pour pouvoir contempler...
Je le compris subitement... MES FRUITS ... Les Volu-Verdu-Hominus Une
prise de conscience subite bouscula mes canaux " sévinaux " , je rougis
de la tête aux racines. Déstabilisés d'émotion mes brindilles ne savaient
plus comment se tenir !
Je m'appuyais alors à mon tuteur pour me ressaisir et pour réfléchir
calmement aux lendemains productifs...
L'ébauche de mon avenir prochain se profilait à l'horizon de ma destinée.