SAMEDI 18 Juin 2022
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
"Se doter d'une inspiration extralarge"

Animation : Régis MOULU

Thème : S'étonner en produisant de l'inattendu ++

La surprise peut être positive ou négative. Dans les deux cas, elle est marquante et mémorable en plus de suggérer un effet de rupture. Car elle agit comme un coup de théâtre et même comme une révolution par rapport au fil narratif initial. Aussi, avons-nous profité de cette séance, véritable cardio training face aux émotions à encaisser, pour dynamiser notre écrit. Ne devrait-on pas, en effet, se surprendre et surprendre les autres à l'instar de la nature sujette à de continuelles transformations ?

Remarque : au-delà de la contrainte formelle (thème), le sujet suivant a été énoncé en début de séance, à savoir : s'inspirer d'un des deux tableaux ci-après, de manière à générer une histoire pleine de surprises et d'inattendu.


Écholocation karstique
d'Alain MARC (avec son autorisation) se reporter a son site : ici


Le visiteur inattendu d'Ilia REPINE, 1898
Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support contenant tout ce qui crée de l'inattendu dans la narration, au niveau des idées, sur le plan formel ou encore par des coups de théâtre, a été distribué en ouverture de session.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):


- "La flaque carrée" de Régis MOULU

 

 

"La flaque carrée" de Régis MOULU, animateur de l'atelier


Et je n'arrête pas de voir
ce visage acide
émergeant de sa flaque carrée de sang,
peinture bio,
prise rapide.

Des traits tellement tirés
que partout lui apparaissent des chignons,
des chignoles,
des pigeons,
bref, toute une industrie imaginative
en cheville
avec l'entreprise de la cruauté.

Cet humain
aux oreilles de chien
ne poursuivait qu'un but :
se déplier.
Des cris
comme une bataille de pommes pourries
rayaient déjà l'atmosphère,
j'étais pris
dans ce papier de bonbon
qui se refermait,
je me préparais donc à perdre
la notion de plaisir,
nourrissais
une appréhension.

Et si les soucis
nous rident de balafres
que la politesse rend néanmoins
invisibles,
cette personne appartenait bien
à la grande famille des grillages
faite d'un métal sale,
aqueux,
abandonné,
la poussière qu'a produite sa décrépitude
agit sur moi
comme une anesthésie.
J'étais condamné
à vivre sa profusion,
à voir cette vieille chique
se déliter.

De tes espoirs de chauve-souris
à tes envies de croisière
au long cours,
il n'en reste rien
hormis quelques cristaux
dans ton cœur
que mon œil caresse
à se pierre-fendre,
tu es plus un vestige
qu'une créature,
mon empathie s'arrête là.

Après un nouveau clignement
de paupière,
ta vie a été une quête
qui t'a ruinée,
comme le poireau est une réincarnation
qui a mal tourné.

Sans doute est-ce la raison pour laquelle
tu me regardes
avec tes deux trous noirs,
ton mal de gorge
provoquant l'incendie de l'ensemble,
un effondrement intérieur,
et tu luttes pour ressusciter dans notre mémoire,
je te ferme mes sens,
du moins en principe,
je suis redevenu
un homme de principe.

Nouvelle respiration,
nouvelles exhalaisons,
ou quand le bateau ne peut finir
que par rentrer au port,
ton opiniâtreté, tel l'opinel rassurant,
refait briller sa lame,
m'incise,
m'instille ses messages.

Tu me parles
de tes rêves morts,
de tes intentions sans projets,
de ta présence
autrefois authentique et réelle
mais je n'en garde
que confusions,
j'ai même l'impression
d'avoir vécu une attaque de requin,
ton insistance
comme un aileron affleurant
mon existence paisible,
mon décès projeté
et consenti.

Tu forces notre rencontre,
me désirerais totalement disponible,
plaides pour notre histoire collective,
entends mélanger nos trésors
alors que tu es déjà
une foule à toi tout seul,
je comprends mieux
la présence de cette dalle rouge.

Dès lors qu'en fond perdu,
il y a du sang,
les visages se ravivent,
voilà donc que tu te hisses
au rang de phare,
une beauté soudaine t'accable,
on a tous
dans la colonne vertébrale
une moelle de héros,
chez toi, on sent
qu'elle est activée,
tu es comme un vieux bolet
qui est beau
parce qu'on le trouve,
mais les limaces
t'ont déjà préempté,
tu es majoritairement
fait de trous
que maquillent avantageusement
quelques excès
de baves.

Je t'aime.
Par simple compassion, ça suffira.

Tu voudrais me déclarer
qu'il n'y a de souvenirs
que ceux qui nous aident
à bien mourir,
mais tu ne sais pas
comment je lutte
pour naître et renaître constamment,
or, cette fatigue
dédiée à la vie
me rend de plus en plus gaga,
aussi préfères-tu voir
que je suis ébloui
par toi,
comme fasciné, vidé, poreux, infantile, minoré,
s'il te plaît, ne me prends plus jamais
pour un Télécran.

De ton existence,
il reste un napperon,
une crêpe immangeable, c'était le but.
Mais cette sécheresse osseuse
permet aussi
mille divinations,
à moi de reconstituer le puzzle
dont l'ensemble
me mènera à ton âme,
et tu ériges encore
ton iliaque mité
comme le sceptre d'un tyran,
je n'y verrai toujours
que fontaine d'eau pétrifiée.

Ton âme, c'est un peu de clown, c'est sûr,
et beaucoup de géométrie,
l'art d'avoir bien vécu,
mais « poil de chaos »
envahit toujours plus cette verrue.
Je rigole.
Tu as surtout réussi
à pénétrer le relief,
là où tout homme se contente souvent
de marcher sur le plat.
Les époques sont d'ailleurs
un roquefort infini
que tu traverses avec l'aisance
d'un ver,
un pionnier de la spéléologie,
finalement, tu m'apprends des choses,
par capillarité.

Ton air affecté te maquille
plus que de raison.
Le drame antique
survit par le kohol,
et tu en abuses
comme pour mieux me convertir
à cette phrase que tu me lances,
tel un bâton à un chien :
« L'homme a dans son cœur
une aile,
qui entend voler
doit alors s'apparier ».
Je me suis senti mutilé
de ne jamais avoir incarné
cette formule,
jusqu'à maintenant.

Aux alentours, dans mes yeux,
les maisons n'étaient encore
que carcasses de dinosaures.
Une fois la remise à jour opérée,
le ciel me parut être
une grande langue
… bleue et active,
léchouilles en perspective.

Sur ce fait, la grise créature
devint magnifique.
Une frappe incroyable.
Comme endimanchée
d'une élégante chemise blanche
dont les manches élargies
fendaient les perspectives
comme des proues de caravelle,
je ruisselais.

Simulacre d'ange.

Mirage passager.

Illumination d'un vitrail.

Audace de fantôme.

Promesse échue.

Un cheveu dans la soupe.

Une main qui tend un œuf.

L'amour par le regard.

L'aiguille dans le cerveau.

Le cri sans domicile fixe.
Fin impossible

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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