SAMEDI 2 AVRIL 2011
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
"Le monologue du plaisantin"

Animation : Régis MOULU

Comédienne présente :
Sabrina MANAC'H

Thème :

Jargon fleuri, argot pourri
L'emploi de jargons professionnels et techniques ou même d'un argot régional a pour but de se sentir entre initiés (fonctionnement sectaire) ou de se protéger d'un danger éventuel. Du coup leur usage exclut toujours quelqu'un, ce qui crée un drame que le théâtre aimera exploiter jusqu'à la dérision.

Dans notre contexte d'atelier d'écriture, nous serons donc amenés à utiliser un vocabulaire précis (et pourquoi pas inventé juste, par exemple, pour la frime), pourvoyeur d'un univers à part…

Remarque : au-delà de la contrainte formelle (thème), une contrainte a été énoncée en début de séance : le texte de chacun devait contenir les 7 mots : "perméable", "écu" (bouclier ou pièce de monnaie), "radical", "môme", "fraîcheur", "écartelé" et "fantastiquement".
Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support a été distribué : il contenait entre autres un glossaire de l'argot. Cool !

 

 

 

 

 

 

 

 

 




 


Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):

- "Partir pour la zonzon" d'Angeline LAUNAY

- "Comment peut naître, sur un marché prvençal, une belle amitié entre un parisien et un marseillais que tout semble opposer" de Janine NOWAK

-Deux textes : un acrostiche et "Le grand désespoir du Capitaine de gendarmerie Perdreau" de Nadine CHEVALLIER

 


Sabrina MANAC'H incarnant un texte ardant...
(coll. Janine NOWAK)


"Partir pour la zonzon" d'Angeline LAUNAY


La môme en imperméable
Fantastiquement écartelée dans sa fraîcheur
Lance en l'air son écu
Radical pour le moral
Pile, ça tombe toujours pile
Elle a du pif, elle a la pêche
Tu piges
C'est pas du pipeau mon pote
Ca fait du potin, ça punche
Déambuler à pinces dans les rues grouillantes
Une gratte sous le bras
" C'est fou ce qu'elles usent de grolles, parole, parole… "
En faisant du gringue… quelques fois
Quelle guigne… souvent
Gare au flic flingué
Ca fait flipper
Ca fait flop
Où est passé l'flouze ?
Claqué mon Charlot !
Planquée derrière la lourde
Eclairée par une vague loupiotte
Elle a peur de louper l'coche
" C'est ça qu'est moche "
Y'a que' qu'chose qui cloche
Clope au bec
Mec au clou
Le clebs que'qu' part mais où
C'est dingue, c'est naze
Quelle nouille ! Mais ça gaze
La môme, les nénés dressés
Dans ses nipes froissées
Sous l'effet d'une dope douce
Rêve d'un rancard pas possible
La routine, c'est ringard et rasoir
Même si c'est pas réglo
Elle va piquer la tire du dirlo
Tifs en pétard
Bijoux toc
C'est décidé, elle débloque
On s'croirait dans une toile
Elle met les voiles
Elle part pour la zonzon
Revoir son Jeff qui moisit au violon
Il a jamais eu d'veine
C'est pas une vanne
Il s'est tué au turbin
Et… la tuile
On lui a fourgué un mauvais tuyau
Ca a foiré
L'artiche, on sait pas qui l'a chouravé
Mais c'est lui qu'a trinqué
Les condés l'ont chopé
Il a pas pu calter
Sûr qu'elle est pressée de l'zyeuter
De jacter avec lui, de rigoler
Ils s'raient comme assis au zinc
Ils écluseraient un glass
En titillant des rondelles de fumée
Fini la scoumoune
Plus de sagouins, de salades ou d'arnaques
Ils se s'raient sapés chicos
Plus jamais ils s'feraient d'mourron ou d'cinoche
Allez, encore une taffe et du zef
Ouais c'est ça, du vent ! Pas vrai Jeff…

 

"Comment peut naître, sur un marché prvençal, une belle amitié entre un parisien et un marseillais que tout semble opposer" de Janine NOWAK


Ecoute voir, Fernand ; je vais un peu te raconter notre rencontre à Nanard et à moi. C'était pas plus tard qu'aujourd'hui, sur le marché de Plan de Cuques. J'avançais, tranquille, bonasse, dans la fraîcheur du matin, quand tout à coup j'entends :

" Et allons y les ménagères ! Des fripes ! Des fringues ! Des frusques ! Des nippes pour quasi balpeau ! C'est pas du boniment. Hé vous ! Oui vous, le monsieur taillé façon armoire normande. V'là un costard aux pommes qui vous ira comme un gant. Là dedans, vous serez beau comme une bite en fleur ! Allez, basta : j'vous l'fais pas à 70, pas à 60, mais à 50 €uros ! Quoi ? Vot' bourgeoise dit qu'c'est trop cher ? Et voilà, encore un qu'a les miches qui font bravo devant sa rombière ! Si c'est pas malheureux ! Un balèze comac qui a les flubes et qui rampe devant sa môme ! Hé ben, va te faire habiller chez Plumeau, espèce de naveton, avec ton crâne en peau de fesse ! "

Intrigué, je m'approche doucement, et je dis au camelot grognon : " Ca fait un moment que je vous espinche (observe), mon brave. Hé bé, je peux vous dire que, fan de chichourle, vous allez pas en vendre des wagons de vos habits, si vous agressez le client comme ça. Et puis vous barjaquez (parlez) tellement, que ça donne le vire-vire (tournis). Non mais c'est vrai : qué viole (bavard) vous faites ! Et de plus, vous effrayez les minots (enfants) ! "
Je vais te dire, Fernand, j'ai redouté un instant que ça tourne mal, quand il m'a répondu, sans aménité :

" Holà ? Mais qu'est-ce qu'il me bonnit le Marius ? J'aime pas qu'on me bondisse sur le paletot pour me dicter sa loi. Fais gaffe, mec, j'suis pas un tendre. Et t'as intérêt à numéroter tes abatis, car moi, d'un bourre pif, j't'aplatis le blaire, aussi sec ! "

Alors, Fernand, avec cet ostrogoth, je me retrouve écartelé entre - d'une part - une envie de le corriger qui me démange pas mal, mais - d'autre part - le besoin de détendre l'atmosphère. Tu me connais, je suis pas un vindicatif. Du coup, je choisis la deuxième solution, et je lui dis : " Allez, vaï, collègue. Fais pas ta tronche d'àpi ! Je dis ça pour être sympathique. Moi, je suis pas jobastre (crétin) et j'ai bien vu que ce que tu vends, c'est rien que des estrasses (vêtements mal fichus) de caraques (bohémiens). On est bien d'accord : c'est du trompe-couillon. Mais tu dois savoir que, avé l'art et la manière, ça passera quand même tout seul. Tu t'y prends mal. Ici, dans notre beau midi, il faut du doigté pour séduire la clientèle. Avé un langage fleuri, on arriverait à vendre des escoubilles (poubelles). Boudie, ne sois pas testard et fie toi à moi. Le commerce, c'était mon métier. Ecoute mes conseils : il faut leur tchacher aimable à tes clients. Tu n'es pas à Paris, et ta façon de parler marque mal. Nous autres, tu vois, on aime être câlinés. Faut y aller plan-plan, sans faire d'esbroufe (crâner), sinon tu cours à la grosse cagade (catastrophe), et tes costumes mon bon, tu en vendras un chaque fois qu'il te tombe un œil ( = jamais). Tiens, si tu veux, moi, Victorin, je te fais la démonstration avé la dame qui approche. Pécaïre (hélas), elle est maigre comme un stockfish (poisson fumé), avé un cou sec de galine (poulet), mais regarde et écoute bien : j'attaque...

- Ho, ma belle caille, j'ai là un corsage qui mettra votre joli décolleté en valeur. Dans peu, aux beaux jours, ce sera radical : vous verrez comme les Messieurs vous baderont (admireront) quand vous passerez dans vos beaux froufrous ! Et en plus, c'est pour rien : quinze écus, heu… €uros. C'est pas coucarin (beaucoup) - "
Hé bé là, mon Fernand, le Nanard, il était estomaqué. Il me dit :
" Ben mon pote, j'en suis comme deux ronds de flan ! Tu viens de réaliser un turbin aux petits oignons avec ce cageot revêche, qu'avait l'air d'avoir avalé son parapluie ! Tu lui as bazardé ma camelote, aussi sec. Chapeau, mec ! Mais c'était peut être un coup de bol ? "

Un coup de bol ! Non mais t'entends ça, Fernand ! Il me dit ça à moi. Alors là, mon sang ne fait qu'un tour, et je lui rétorque : " Un coup de bol ? Oh, pôvre de nous ! Oh, Bonne Mère ! Oh coquin de sort ! Un coup de bol ! Tu me vexes l'ami. Té, je recommence l'expérience avé celle-là. Tu es d'accord hein, le Parisien : elle est pas facile à habiller, hé ? Elle a des nénés comme des cougourdes. Et alors, son pétadou (derrière), pardon !!! Je plains les chaises, peuchère, quand elle s'assoit. Hé bé tu vas voir un peu :

- Ho, ma belle quique, j'ai sur ce cintre, une petite robe qui vous attend depuis toujours. Elle mettra vos gambettes en valeur et tous les galants se retourneront pour admirer votre chute de reins en pensant : " Vé, comme elle est mignonnette, qu'on dirait un brugnon dans lequel on voudrait mordre, et patin-couffin (patati-patata)… ". Voilà, ma toute belle. Et cocagne, je galège (plaisante) pas : vous faites une affaire. Adesias, ma beauté -
Alors là, Fernand, voilà que le Nanard, il me prend les mains et me fait :

" Victorin, t'es un caïd. Je t'ai à la bonne. J'en ai plein les endosses de ce marché. De toute façon, y'a plus de trèpe. Il est une plombe et quinze broquilles. Allez, on met les adjas. Moi, j'ai besoin de m'arroser l'avaloir ; c'est dit : je t'offre un pastis. Et puis tiens, pendant qu'on y sera, si on se calait les amygdales ? Tu dois bien connaître une crèmerie où on peut tortorer une boustifaille becquetable ? ".

Alors, j'y ai répondu : " Hé vouaï ! Moi, je vais toujours chez Fernand. Il fait une bonne biasse (nourriture). Et, pardon, c'est copieux : on mange à s'en faire péter le bédélet (ventre) ". Et ce cher Nanard de me dire :

" O. K. Mon poteau, on y cavale aussi sec. Et pour te prouver que je ne suis pas constipé du morlingue, et que je sais être reconnaissant, c'est moi qui vais tout raquer. Et sache que quand j'invite, je fais les choses fantastiquement bien. "

C'est toute l'histoire, mon Fernand ; j'ai aidé à remballer les banastes (paniers), et comme Nanard dit régulièrement, " aussi sec ", on est arrivé chez toi.
Alors, Nanard, comment tu le trouves mon ami Fernand, l'aubergiste?

" Hé mais, je suis enchanté de faire votre connaissance, Fernand. Votre terrasse et ce jardin sont choucards comme tout. Mais qu'est-ce que j'esgourde, là ? "

" Boudie ! Mais c'est les cacarinettes (cigales) ! En provençal, la devise de la cigale se dit " Lou souléou mé faï canta " ce qui veut dire " Le soleil me fait chanter ".
Hé bé, tu vois, Nanard, c'est comme nous les marchands : nous sommes des soleils qui enjolivons la vie de nos semblables et les rendons heureux. Vois-tu, ils sont perméables à nos flatteries. Car ici, dans notre beau midi, la flatterie, ce n'est pas de l'hypocrisie : c'est de la sympathie ; c'est une marque d'amitié. Tu sais, tout à l'heure, les deux dames pas très belles, elles n'étaient pas dupes. Mais elles ont entendu ce qu'elles avaient envie d'entendre, quelque chose qui leur a réchauffé le cœur. Alors, pourquoi ne pas leur offrir ce petit plaisir, qué ?
Allez, Fernand, apporte le pastaga !



Un acrostiche et "Le grand désespoir du Capitaine de gendarmerie Perdreau" de Nadine CHEVALLIER

1er texte :

Fallait-il pas qu'il soit gonflé, le môme
Avec trois écus , pas plus de pèze, dans la fraîcheur de sa jeunesse
Nous a voulu payer l'voyage ...
Tellement fauché qu'c'en était grave !
A voulu frimer, pour sûr !
Son dab, c'est radical, lui donne jamais une thune
Taf ou chomedu, c'est même cinoche
Il a pas trois sous d'argent de poche
Quelle galère quand le taxi
Un têtu batard, pas perméable,
Entre Clichy et Billancourt, pas d'bol,
Mit l'clignotant et réclama paiement
Entre mensonge et vérité écartelé,
Notre p'tit gars dut avouer sa dèche
Total, on est rentré à pinces...


2nd texte :

Le grand désespoir du Capitaine de gendarmerie Perdreau

Ah ! Gendarme Larfeuille, vous m'apportez votre rapport sur les évènements d'hier matin ? J'espère que vous avez enrichi votre vocabulaire... Avez-vous pris conseil auprès du Petit Robert comme je vous l'avais conseillé ? Oui ?...
Voyons cela.... (il lit)

"Je, soussigné Larfeuille, gendarme à la résidence de Triffouillis les Oies, revêtu de mon uniforme et conformément aux ordres de mes chefs, étant à ma caserne, ai été affranchi téléphoniquement qu'un braquage avait lieu à la boulangerie Ducoin, la-celle de la place de la Mairie.
Après avoir informé mon Commandant de Section, je me suis immédiatement rendu sur les lieux et ai fait les constatations suivantes : son forfait accompli, l'individu Cochar, un balaise travelo distingué, bien connu de nos services, se taillait, comme Fangio sur un vieux clou perché, mais néanmoins chouré.
J'ai fait fissa, j'ai pas gambergé, je me suis lancé à sa poursuite sur ma bécane de service. Je flippais pas, étant champion de vitesse au CCTO, Club Cycliste de Triffouillis les Oies. Ce fut radical : j'ai vite rattrapé le loulou. Arrivé à sa hauteur, je me suis jeté sur lui, il s'est viandé, on s'est un peu frité mais je lui ai mis un marron et l'ai tenu écartelé au sol.
Je l'ai asticoté, cet enfoiré. Il a balisé et tout chougnant, m'a expliqué que n'ayant plus un écu en poche, il avait braqué la boulangerie pour taxer des pains au chocolat de première fraîcheur pour sa bergère et ses cinq mômes qui ont la dalle.
Le Brigadier Grouillot, mon supérieur fantastiquement hiérarchique, a rappliqué avec la DS du service. Il a menotté le susdit Cochar.
Au moment de repartir, la tuile, nous avons constaté qu'un des pneus de la bagnole, sans doute perméable, était crevé.
Ma bécane et le vieux clou volé étaient foutus, nazes à la suite de l'arrestation.
Total, on est rentré à pinces."

Hum, hum ... Dites-moi, Larfeuille, ôtez moi d'un doute... Le Petit Robert que vous avez consulté, c'est quand même pas Robert Knup ? Le p'tit Robert ?... notre indic de la rue des Vannes ?... Si ?

Là, Larfeuille, vous m'époustouflez !... Vous ne comprenez pas ce mot ? Regardez DANS le petit Robert , là sur mon bureau !!!

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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