SAMEDI
2 Avril 2022
dans le cadre du cycle Animation : Régis MOULU Thème : Investir ce que l'on a oublié Pourquoi se délaisse-t-on d'autant de choses et d'idées ? Et pourquoi certains mots ne nichent-ils jamais dans notre bouche ? Etc. Aussi, nous allons justement aller à la rencontre de tout ce continent dans l'ombre. Un oubli qui sera pour une fois non définitif. Car, après tout, la vie est plurielle et sa variété est troublante : c'est donc à tout cet éventail que nous avons goûté, histoire d'insuffler en nous un vent nouveau ! Remarque
: au-delà de la contrainte formelle
(thème), le sujet suivant a été énoncé en début de séance, à savoir : Comme touchée par la « maladie des associations d'idées » (ou par un trouble de la vue ou des hallucinations…), une personne ne cesse d'avoir son présent enflé par son passé pourtant oublié, ce qui va modifier sa trajectoire ou son destin. |
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Ci-après
quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):
- "Les cinq saisons" de Prescilia BRUNONE - "9 kg de relations" de Régis MOULU
"Gamètes" de Blandine DELGADO, texte écrit hors séance, dans les mêmes conditions
Ma compagne de l’époque ressentait la même chose, mais son atavisme féminin la taraudait et sa nature empathique la poussait à se poser d’autres questions, plus philosophiques, plus humanistes et notamment celle du don. Le don de gamètes par exemple, qui aurait permis à d’autres femmes, qui souhaitaient avoir des enfants mais ne pouvaient pas, de tomber enceinte. Ce sujet occupa nos conversations durant de nombreuses soirées. Je ne comprenais pas son point de vue. Si tous ceux qui pensaient comme nous donnaient leurs gamètes et permettaient à d’autres de mettre au monde des enfants, qui plus est avec notre patrimoine génétique, alors notre combat n’avait plus de sens. Autant le faire nous mêmes… Sauf qu’un combat, me rétorqua-t-elle, relève d’un choix. Nous n’avions pas décidé de ne pas avoir d’enfant parce que nous n’aimions pas les enfants, mais parce que nous partions en guerre, une guerre qui durerait certainement plus d’une génération, dans laquelle nous ne pouvions entraîner des petits qui seraient au mieux une gêne, au pire des entraves frustrées et malheureuses, inhibitrices des pulsions bellicistes nécessaires à nous animer pour mener notre campagne. Pour autant, la nature nous avait donné la chance de pouvoir nous reproduire grâce à un matériel en parfait état et même si nous ne voulions pas en faire usage, la science nous permettait de le partager. Qu’est-ce-que cela nous coûtait réellement de faire ce don ? Deux ou trois heures de notre temps ? Mais le bonus de rendre heureux des congénères plus mal dotés. Et la loi nous garantissait l’anonymat… Viens avec moi m’intima-t-elle ! Fais-le pour moi ! Je l’ai fait, je suis passé par ce triste petit cabinet, je suis rentré et j’ai oublié… Nous nous sommes bien battus les décennies suivantes. Nous avons marché, manifesté, voyagé aux quatre coins du monde, pris la parole, invectivé, menacé, proposé, travaillé, éteint des incendies, sauvé des forêts et des espèces ; suivis par des centaines, des milliers d’autres militants comme nous, tous frères et sœurs dans un même élan solidaire pour l’humanité, la planète, la nature, pour une vie meilleure, un avenir plus serein. Nos combats ne furent pas tous vains et j’en suis fier. Ce matin j’ai reçu un appel. Une femme m’a informé qu’au regard de la nouvelle loi Bioéthique votée il y a quelques semaines, les enfants issus de dons de gamètes pouvaient, à leur majorité, avoir accès au nom de leur donneur. Elle avait parlé avec un homme d’une trentaine d’années qui venait d’apprendre que j’étais son donneur. Elle me prévenait qu’il tenterait certainement d’entrer prochainement en contact avec moi. Et… qu’il y en aurait peut-être d’autres, selon leur volonté… jusqu’à dix. Depuis, je suis bouleversé, bouleversé d’avoir œuvré sans le savoir pour la continuité de mon humanité, de mon tréfonds, par un geste qui m’avait à l’époque paru tellement anodin, inutile et sans conséquence. Car ces combats dont je suis fait, qui m’ont nourri, qui ont guidé mon existence, ces batailles parfois gagnées, parfois perdues, peu importe, seront prolongées en ces êtres issus de mon essence. Et même s’il n’en venait qu’un seul, et même s’il n’en venait aucun, imaginer que j’ai pu ensemencer une part de l’humanité avec cette philanthropie qui m’habite et qu’elle puisse se déverser encore aux quatre coins du monde en partie grâce à ces enfants, suffit à combler ce qui restait de vide à mon existence et à poser un pont au bord du précipice pour passer enfin - mais le plus tard possible - paisiblement de ce monde à l’autre. Car finalement, quelques gouttes oubliées, déversées par hasard dans un océan il y a très longtemps, empêcheront qu’il ne s’assèche, pour l’éternité
"Les cinq saisons" de Prescilia BRUNONE, texte écrit hors séance, dans les mêmes conditions
"9 kg de relations" de Régis MOULU, animateur de l'atelier La carafe sur la table. C'est comme s'il s'y vidait. Sa peau devint armagnac, progressivement, Être volatile, vapeurs d'épanchement Comme un ballon de baudruche Animal des salons, « La vie est un magasin de reliaisons Le docteur Murat, « À ce stade, on n'est encore « Et attention ! à défaut d'un repos réel et mental, Enguerrand était « fou de rencontres ». En effet, il consignait chaque personne croisée Aussi déambulait-il avec tous ses amis, constamment, « Finalement, toutes nos paroles échangées Bien qu'avec les années, les répertoires s'accumulaient, Et puis ce fut le drame. Il y eut un trou dans sa vie. Il mit toute sa mémoire sur le coup. « Je suis partiellement décédé » « Flétrissement », le mot n'est pas trop fort Lilith, une jeune femme à l' « allure montgolfière » En objet de son désir, Mais le jouvenceau lui opposa, en toute logique, « Néanmoins je suis sûre, Enguerrand, Et, de sorte à lui rafraîchir tous les méninges, « Je te propose mon cher et tendre Et déjà le velouté d'un chocolat crémeux Première « conséquence-confusion », Et puis surtout, Lilith était, par moment, Une effraction dans sa vie. Enguerrand eut peur de cette nouveauté, Lilith pleura Elle était devenue belle Ses poumons continuaient à faire des phrases… L'homme comprit alors qu'il connaissait Peut-être, d'ailleurs, qu'une âme ne peut être perçue Le « captif du temps jadis » Des bouillons de sensations Parmi nous, qui, de toute manière, Et sous les fièvres de la connivence, Le couple, assommé par tant d'agitations psychiques À leur réveil, |
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Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet ! |