Ci-après
quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):
- sans titre - Sylvaine HéROGUEZ
- "La passerelle" de Jean-Christophe BARILLON
- "Trop de vert Monsieur Prévert" d'Angeline
LAUNAY
- "Parenthèse" de Janine NOWAK
- "HIP PIE PIE... P !" de Françoise
MORILLON
- "La Passerelle de la Pie, ballade d'une rive
à l'autre ou du réel à l'irréel ?" de Bénédicte MOLLIER
sans
titre - Sylvaine HéROGUEZ
Cher ami,
Si vous avez trouvé cette lettre c'est que vous avez malgré
les tourments que j'ai pu vous causer gardé en votre cœur cette confiance
qui m'a fait vous aimer. Il n'y a que vous pour venir à un rendez-vous
aussi étrange, sur une passerelle aux premières heures de la nuit.
Je suis souvent venue ici, où vous êtes maintenant. Je regardais longtemps
l'eau apparaître sous moi toujours la même et toujours nouvelle, me
laissant aller à l'illusion que c'était le pont qui créait l'eau, le
pont qui créait le temps comme le point fixe absolument nécessaire pour
que naisse le mouvement.
Je me plaisais alors à voir au loin la mer qui de ses doigts impatients
attirait à elle le ruban fluide, déroulant la pellicule et révélant,
avec la complicité de la lune, une image après l'autre de la plus récente
à la plus ancienne, espérant ardemment de revoir la première de toute,
première impression gravée par la première lumière.
Quand je relevais la tête et que le vent balayait sur mon visage les
restes du souvenir, le décor de mon présent se réinstallait peu à peu,
j'entendais à nouveau la ville et les oiseaux, et par la plante de mes
pieds je recevais la vibration de l'édifice comme un ressort léger qui
me renvoyait en écho les pas de ceux qui osaient traverser.
Quant à moi, c'est la curiosité qui m'avait menée ici lorsque, me promenant
sur le quai, une phrase était remontée de mon rêve de la nuit. " Je
t'attends de l'autre côté ". c'était une femme qui m'avait adressé ces
paroles avant de disparaître dans les lianes enchevêtrées.
Soudain la rive de l'île Sainte Catherine était un appel à rejoindre
cette inconnue. J'ai donc emprunté l'escalier et je me suis avancée
sur jusqu'au plus haut point, m'arrêtant pour savourer quelques instants
encore l'attente de la découverte. La pensée alors me traversa que si
j'allais de l'autre côté je n'en reviendrai pas, que je n'avais pas
assez connaissance du côté où je me trouvais et que je m'apprêtais à
quitter, pour passer de l'autre sans me perdre.
C'est ainsi que j'ai élu domicile sur le passage, que je suis restée
ici où nul n'habite, suspendue entre les deux rives de moi. C'est là
que j'en vins à comprendre le vertige qui sans doute prend le funambule
quand il s'arrête au milieu de son fil, là que j'en vins à comprendre
moi aussi que j'aspirais à rejoindre le flot.
Ami, je m'adresse à vous de loin maintenant et je ne saurais que trop
vous conseiller de ne demeurer trop longtemps sur cette passerelle,
regagnez votre rive et emportez avec vous le souvenir, comme moi je
garde avec moi votre chaleur qui m'aidera à accoster sur la rive sauvage
où la femme de la forêt m'attend.
"La
passerelle" de Jean-Christophe BARILLON
C'est une nervure de fer qui se tend sur une eau d'automne.
Sur son dos se déroule une langue de bitume rose embalustrée d'un parapet
délavé, bleu écaillé, aux lampadaires de ruelle ou de ponton.
La passerelle se jette d'une rive à pavillons fin René
Coty début Charles de Gaulle, restaurant - salon de réception, Nuit
Saint Georges 99, quarante huit euros la bouteille, tous les vendredis
soir Didier Plinguet chanteur-animateur, chanson française. Bazar toute
pêche. Affichage des concours, hameçons et asticots, fond de commerce
à vendre…
Entre ses piles, poussées par la bise, des feuilles en
nappes dévalent la Marne ou s'agglutinent un temps aux algues, le long
des berges basses, des vases en pentes douces. Sous l'arche, la jauge
à damier atteste des crues : Janvier 1924 : trente quatre mètres cinquante.
Janvier 1910 : trente cinq mètres soixante dix.
Non loin, avant la zone industrielle et ses stockages, le plan d'eau
s'élargit et sous le vent froid, l'école de voile déploie ses ailes
blanches et fait des ronds.
La passerelle rejoint un rideau d'arbres qui hésitent
encore entre deux saisons. Les canotiers, les guinguettes et les bateaux-lavoirs
ont cédé la place à un essaim de péniches viabilisées en appartements
et des résidences qui vivent cachées, donc heureuses, derrière leurs
bosquets paysagers.
Au-delà, la passerelle s'enfonce dans une trouée de verdure
à mi-arbre, à hauteur d'oiseau. Alors elle plane d'un vol solide, mais
aérien, au-dessus de la terre. Curieux. Au-dessus de l'eau, elle n'était
qu'une corniche, le prolongement cimenté de la rive. Ici, elle prendrait
presque son envol, sous les frondaisons. Elle enjambe encore un bras
d'eau, un canal qui longe des propriétés avec barques, remorques et
canards sur gazon.
Enfin la passerelle rejoint le macadam et meurt entre
deux grillages. Courent encore sur quelques mètres ses rambardes Belle
Epoque que recouvre le lierre.
"Trop
de vert Monsieur Prévert" d'Angeline LAUNAY
Sur la passerelle de la Pie, passe une pie. La voilà qui
saute sur la passerelle. Elle trouve une craie et dessine une marelle.
Passe une sauterelle qui veut aussi jouer à la marelle. La pie pousse
un marron, la sauterelle une brindille. Elles sautillent vers le ciel
esquissé sur le sol. Passent un pic épeiche et un grimpereau des jardins
mais ils ne participent pas, ils ne font que passer.
Je traverse la passerelle de la Pie. Soudain la pie s'envole.
La sauterelle saute sur mon épaule. Je m'affole et souffle sur la sauterelle
qui tombe dans le ciel de la marelle. Elle a gagné !
Je ne fais que passer… et constate que la sauterelle s'est
immobilisée au ciel de la marelle tandis que la pie s'est envolée. Où
? - Je ne le sais pas mais je sais que je ne peux ni voler ni gagner
si je ne joue pas. On ne vole pas comme ça et on ne gagne pas comme
ça lorsqu'on ne fait que passer ou se pencher, car je me penche sur
les eaux profondes, je contemple l'onde, j'écoute le chant du monde…
sans paroles ni musique.
Sur cette eau verdâtre, pas si saumâtre, flottent des
feuilles d'arbres et des bouts de papier. Un poisson dont je ne connais
pas le nom traverse sa vie. Dans ce liquide aussi trans-parent que trans-lucide,
je n'aperçois rien de plus, rien de moins et -disons-le- moins que rien,
autrement dit, pas grand-chose. Pas grand-chose… " Pas ", ce n'est "
rien ", et " grand ", c'est " beaucoup ", et " chose " cela semble primordial
comme cette passerelle sur laquelle je m'attarde un instant. Les choses…
Le prix des choses, le prix fort, la mort qui ne fait que passer, elle
aussi, ainsi que ceux qu'elle entraîne au fond des eaux, au fond du
fond,, au bout du bout, au bout du fond, au bout du pont que je ne me
hâte pas de traverser.
Je me suis arrêtée sur la passerelle de la Pie, la pie
voleuse, la voleuse de vie, sur la passerelle, tout près du ciel de
la marelle. Mais, plus de pie ni de sauterelle. Je me distrais sans
elles. Je pousse du pied le marron marron et la branche un peu blanche
jusque vers le vide puis dans le vide. Je me penche : l'une coule et
l'autre flotte. La pie vole, la sauterelle bondit. Et la passerelle
enjambe l'espace en joignant les deux bouts.
Le vertige s'empare du passant. S'habitue-t-il au vertige
? Invraisemblable… Contradictoire… S'habitue-t-on au vertige… Mieux
vaudrait dormir sous les ponts ou mieux vaudrait s'éveiller sur les
passerelles !... Le sommeil… L'éveil… Avec ou sans vertige. Avec ou
sans peur de la voltige !
La solution, peut-être… craindre sans crainte, savoir
s'arrêter en continuant, maintenir l'équilibre même d'un pied, même
d'un pont… L'humain paradoxal dans la splendeur grisâtre d'une matinée
si étrange qu'un marron s'est noyé mais qu'une brindille s'est faite
radeau parmi les feuilles, barques frêles au gré du courant qui court
et n'en finit pas de frémir.
Et l'humain paradoxal dans sa grisâtre splendeur… Il s'engage
sur une passerelle, la traverse d'un bout à l'autre puis revient d'où
il venait pour en repartir… D'un côté le quai, de l'autre le pré… Il
y a trop de vert Monsieur Prévert ! Trop de ciel, trop d'eau et pas
assez de pont pour s'y tenir davantage. Un pont n'est pas construit
pour y demeurer mais juste pour traverser… du passé au futur, de l'oubli
à la gageure. D'un côté le pré, de l'autre le quai. Ici, le port. Là-bas
la haute mer. Et le phare… en paradis, en enfer. Un pont en fer se jette
entre le paradis et l'enfer. Invraisemblable… Contradictoire…
Pas facile à trouver en pleine nuit, le phare de terre,
entre la rue des Mésanges et celle des Rossignols ! Enfin le pied du
phare… la porte au pied du phare, embusquée dans le noir ; la nuit confectionne
à ce corps immense sa robe de moire. Je renverse la tête en arrière
pour assister au spectacle de lumière qui se déroule tout là-haut dans
l'univers.
Me voici minuscule devant la passerelle du ciel ! Me voilà
revenue dans le quartier de la Pie, foulant du pied une marelle ! Mais
qu'importent le lieu et la direction prise ! Et quel que soit le vent,
le temps ou l'interrogation, mon regard cherche à se perdre, se balance
aux branches des arbres, elles-mêmes petites passerelles de l'absurde
qui se ramifient en un dédale de sens sans promesse de fin.
Puisque ma route ne peut éviter ce passage ni le doute,
ni demain, et qu'une passerelle sans sa pie, arc tendu entre deux rives,
semble me montrer une échappée, je m'aventure entre bas et haut, entre
le ciel et l'eau, tel un funambule avide d'équilibre et d'éternité.
"Parenthèse"
de Janine NOWAK
Sept, huit, neuf et dix : premier palier. Ah ! Toujours
cette incorrigible habitude (que l'on pourrait presque qualifier de
manie - mais ce n'est qu'une douce manie qui ne cause de désagrément
à personne ! -) : dès que je gravis les degrés d'un escalier, c'est
plus fort que moi, il faut que je compte les marches ! Bien, continuons
notre ascension, visage levé, nez au vent, œil attiré par la clarté,
m'offrant ainsi l'illusion de monter vers le ciel … Vingt trois, vingt
quatre, vingt cinq et vingt six. Fin du voyage. Je fais escale. La rambarde
m'appelle ; je m'y accoude, souffle un brin, et regarde.
Savoir regarder s'apprend ; c'est même tout un art. Dès qu'on les scrute
avec intérêt, des détails pourtant très simples - voire ordinaires -
peuvent s'auréoler d'une force insoupçonnée, et revêtir une importance
inattendue.
Etre attentif à son environnement est primordial ; s'offrir le temps
de contempler le paysage est presque une belle aventure. Comme disait
" Alexandre le Bienheureux ", le héros de la joyeuse comédie d'Yves
Robert : " Il faut prendre le temps de prendre son temps ".
Je caresse donc des yeux ce décor mouillé de pluie, couvert d'une brume
matinale, baigné d'une atmosphère humide, où tout respire la sérénité,
appréciant le charme tranquille de ce coin préservé, de cet espace protégé,
à cent lieues de l'agitation ambiante. C'est une invitation au bien-être.
Quel calme ! Et quel plaisir, aussi, d'entendre le bruissement des feuilles,
si frais, si continu, et les trilles des oiseaux dans la ramure ! Je
ressens une impression d'apaisement, quasiment de béatitude. Malgré
un ciel ennuagé, ce cadre automnal n'a rien de mélancolique.
Je ferme les yeux ; je fais le vide en moi, rejette mes conflits intérieurs.
Je reste un moment ainsi, immobile, comme plongée au cœur d'un univers
dans lequel je n'aurais aucun repère. C'est vertigineux, ensorcelant.
Mais vite, je me secoue, rouvre les yeux, traverse et vais m'appuyer
sur le parapet côté amont. Je remarque une péniche, moyen de transport
séculaire, amarrée à côté de bateaux de plaisance. Des petits voiliers
blancs sillonnent la Marne en tous sens. Des rameurs de la Société Nautique
se font les muscles. C'est incroyable à quel point l'eau peut attirer
les sportifs !
L'eau … Hé oui, je la dévore des yeux, cette étendue liquide si libre.
Le mouvement de cette masse qui s'écoule inlassablement est une véritable
fascination. Quelle puissance ! Et puis, il y a les couleurs : on est
comme happé, ensorcelé par le vert inimitable de la Marne, vert que
renforce le reflet des feuillages. Le souffle du vent et, probablement
aussi, d'invisibles courants sous-marins, dessinent des rides sur la
surface plane.
C'est tout simple, un cours d'eau, tout banal, et pourtant il peut nous
apporter un grand moment d'émotion et de poésie. Inlassablement en quête
d'images nouvelles, je suis très sensible à ce paysage observé comme
à vol d'oiseau. Puis l'envie me prend de voir de l'autre côté. Je retraverse
la passerelle et me tourne cette fois-ci vers l'aval.
Décidemment hypnotique, la Marne m'attire encore et toujours, et je
pose un regard admiratif sur elle. J'ai du plaisir à la regarder couler,
cette onde porteuse de vie, un des cinq éléments indispensables à notre
existence. L'être humain ressent un bien-être atavique à son contact.
Etant d'une nature assez contemplative, j'aime bien rester ainsi à rêvasser.
On perd vite la notion du temps à ce petit jeu ; mais on goûte à la
douceur de l'oisiveté ! Je ressens comme une joie frémir en moi. Ce
lieu est décidemment magnétique.
L'Antiquité attribuait à l'eau une puissance magique : les sources étaient
révérées et leur caractère sacré interdisait toute pollution. Le passé
a parfois d'étranges répercussions sur le présent. On ne peut malheureusement
plus se baigner dans la Marne (et dans bon nombre d'autre cours d'eau,
hélas) ; toutefois, les humains commencent - et c'est heureux ! - à
réagir et envisagent sérieusement d'assainir ce qu'ils ont tant abîmé.
Du haut de la passerelle de la Pie, aux lignes courbes et harmonieuses,
on domine deux mondes : sur la droite - côté ville - Saint-Maur, fille
des eaux, emprisonnée dans sa boucle de 13 Km. (je parle de prison,
mais en vérité, c'est un privilège, une prison dorée !). Sur la gauche,
les berges de l'île Sainte-Catherine qui dessinent un océan de verdure,
où de rares jardins de riverains donnent sur la rivière. Cet îlot est
un refuge et un vrai paradis pour la faune : canards, poules d'eau,
oiseaux migrateurs qui y font escale …
Je constate que je viens d'employer un mot qui ne me ressemble guère
: dominer.
Pourquoi dominer ? J'ai la chance d'être dans un site bucolique, dans
un cadre propice à la méditation et je parle de domination !!! Voilà
qui manque de bon sens. Pourquoi le simple fait d'être perchée un peu
plus haut me donnerait-il du pouvoir ? Je ne suis ici, sur cette passerelle
aérienne, entièrement réservée aux piétons, que pour une promenade,
pour un bref moment de détente ; je suis sur un entre-deux, sur un no
man's land ; c'est un flottement, une parenthèse ; rien de plus.
Jadis, seuls les gués permettaient de passer d'une rive à l'autre. Puis
l'homme, toujours inventif, a eu l'idée - peut-être contre nature, mais
si lumineuse ! - de se donner les moyens d'avancer toujours plus loin,
et il a ainsi créé le pont. Comment pourrait-on reprocher ce " sacrilège
" (si sacrilège il y a) à nos ancêtres ? Je leur dis bravo ! Un grand
bravo et surtout merci. Mais, pour en terminer avec ce sentiment de
domination, peut-être est-il seulement suscité par l'ampleur de la perspective
qui donne une impression merveilleuse de liberté et d'exaltation ? Car,
finalement, les beaux, les vrais spectacles, ne sont-ils pas, tout simplement,
les paysages, la lumière, les saisons, les éléments, la nature ? Quoi
de plus séduisant que l'eau qui chatoie d'éclats soudains ?
Pour conclure, je ne peux m'empêcher de revenir à mon sujet de prédilection
: la Marne.
Oui, la Marne, cette rivière éternelle à la force tranquille ; et cette
belle rivière - comme si elle avait tout le temps d'arriver au bout
de sa route - s'éternise, musarde, a un cheminement futile. Et pourtant,
c'est son chant du cygne. Elle ne sait pas, la pauvrette, que quelques
dix kilomètres plus loin, elle va perdre son identité dans les bras
du fleuve Seine pour des épousailles qui les conduiront toutes les deux
jusqu'à la mer lointaine. Pour l'instant, charriant des monceaux de
feuilles d'automne, elle roule paisiblement, chargée de symboles, malgré
son apparence simple et naïve. Et moi je la regarde, regrettant presque
de m'être trompée de siècle, de ne pas être née peintre impressionniste
six ou sept décennies plus tôt. Des images aussitôt fulgurent dans ma
tête, des images telles qu'un Renoir aurait pu les peindre. Quel succès
elle a connu, notre chère Marne, au temps de cette époque que l'on avait
qualifiée de " Belle "! Au temps des canotiers, des guinguettes, du
" doux caboulot qui fleurit sous les branches ", des joyeuses fêtes
populaires, des déjeuners sur l'herbe, de la batellerie intensive, des
bals champêtres…
Mais je m'emballe, et me grise toute seule. Redescendons vite sur terre,
retrouvons le quotidien - qui n'a d'ailleurs rien de déplaisant -.
Il est bon, parfois, de rêver, de s'évader de la réalité, de sortir
de son univers. Et pour ce faire, j'ai la chance d'avoir trouvé un endroit
idyllique, non loin de chez moi : la passerelle de la Pie.
"HIP
PIE PIE... P !" de Françoise MORILLON
P ..… comme Passerelle, I ...... comme Inscription, E
….. comme écriture : P I E
Avec un tel mot, je me sens obligée d'écrire. Mais quoi,
pourtant le paysage est beau !
Il est vrai que nous vivons sur un bateau. La boucle de
la Marne nous offre une telle richesse quant à la diversité de ses paysages.
Et de se trouver ce matin sur la passerelle de ce grand bateau dénommé
" Saint-Maur des Fossés " a quelque chose d'émouvant.
Une bouffée d'air frais parvient à me caresser les narines
et m'oblige à laisser ma pensée divaguer au gré de cette petite brise
automnale au fond bien agréable.
Le choix de l'emplacement de cette passerelle est vraiment
subtil : il relie l'Avenue Villette à St Maur à l'Ile Sainte-Catherine
à Créteil, sans doute autrefois fallait-il passer par le Pont de Créteil
pour se rendre dans cette île, mais existait-il lui-aussi ? Belle la
passerelle ?, non, pas vraiment , mais lorsqu'on la franchit on se sent
bien, vous peut-être pas, moi en tous cas ! Je respire.
Et si je m'y arrêtais pour faire la pose : le spectacle
est presque grandiose, la vue est plus belle à droite pratiquement que
des arbres et de l'eau, à gauche un reste de vie citadine, des voiliers
en régate, quelques péniches et bateaux de plaisance, et au fond le
port de Bonneuil. Je me penche sur la rambarde taguée au maximum et
mes yeux se fixent fascinés par les ondes qui dansent, se rejoignent,
et se lâchent, c'est un ballet incessant d'eau, l'eau vit éternellement,
sans apparence de fatigue. Quelle chance elle a.
Ce qui me frappe aussi tout en prenant mes notes ce sont
ces promeneurs de ce samedi matin, bien décidés à faire une randonnée
tranquille : ils nous regardent étrangement fixant nos blocs de papier
et nos crayons, nous intriguons : journalistes en reportage, artistes-peintres
prenant des notes avant l'assaut du pinceau sur la toile ? il sont amusants,
sortes de robots-schtroumpfs ce matin ; ben oui pratiquement tous habillés
pareil, avec leurs petits sacs à dos et leurs baskets, et comme d'habitude
ils semblent pressés, pressés sans doute d'aller rencontrer la sérénité
de l'île de l'autre côté. Je les comprends, on ne croirait pas qu'au
bout de cette passerelle se niche un vrai bijou de verdure inattendu
pour un certain nombre de personnes.
A deux pas de la ville, vous trouvez la paix, la source de vie vraie-
pour moi en tous cas - ; il y a tout : le calme, l'eau, la verdure,
et les animaux de la basse-cour de l'Ile des Ravageurs : lapins, canards,
oies, etc…
Tout porte à la légèreté de l'être, à la méditation, au
rêve en quelque sorte.
Et je n'ai plus rein ajouter que de regarder !!
"La
passerelle de la Pie, ballade d'une rive à l'autre ou du réel
à l'irréel ?" de Bénédicte MOLLIER
Un samedi gris de pluie…
Pourquoi pas une ballade sur la passerelle de la Pie ? Je chausse mes
bottes de sept lieux attrape mon vieux ciré jaune de marin d'eau douce
et pars le nez au vent.
Si seulement j'avais pu prévoir ce qui allait se passer…
Quand j'arrive le long du quai de la Pie, les nuages gris épais s'étaient
amoncelés au dessus de ma tête. Les ciel était de plomb est fort menaçant…J'avais
comme une impression étrange qui se confirma quand je m'aperçus que
depuis mon départ, je n'avais croisé personne… Aucune âme qui vive…
Bah me dis-je, ils doivent être tous chez eux devant leur sitcom. Au
fur et à mesure de ma progression vers la passerelle, la voûte céleste
s'obscurcit et Aquilon se fit plus cinglant.
En arrivant au pied de la passerelle, je n'en croyais pas mes yeux.
Devant moi la passerelle était illuminé non pas par les habituels réverbères
mais par des flambeaux tenus par des molosses à la peau cuivrée et à
l'air menaçant. J'avais beau me pincer dans tous les sens et écarquiller
les yeux…non je ne rêvais pas ! Mais que se passait il à Saint Maur
?
Le tournage d'un film ?
La soirée déguisée de l'amicale des joyeux lurons de la pétanque et
son orchestre ?
Où que sais-je encore ?
Je n'eus, à vrai dire, pas le temps de pousser plus loin mes réflexions
car je fus, gentiment mais fermement invitée à monter les marches par
un des beaux molosses bien musclé accompagné de son sphinx en laisse…
Non je ne rêvais pas ! Me voilà " télétransportée " quelques centaines
de siècles en arrière. Que m'arrivait il ? Etait ce des hallucinations
suite à la réaction allergique alimentaire du comté de la veille ou
alors le thé fumé aux champignons que m'avait offert cette sacré Lou
dans l'après midi.
Je gravis les marches, franchit la passerelle et me retrouva, de l'autre
côté de la rue face à une sorte de tribunal qui n'avait rien de pittoresque
croyez moi…
Non, ce n'était pas la famille Adams au grand complet mais plutôt les
sorcières de Salem. On me fit approcher face à un homme à tête d'oiseau
avec poser devant lui sur une table une balance à deux plateaux. Là,
j'avoue que je ne savais plus si je devais rire ou prendre mes jambes
à mon cou, mais comme ils étaient forts peu engageant j'opta pour aucune
des deux !
L'homme à tête d'oiseau se leva, s'avança vers moi et me dit :
" tu es maintenant arrivée sur l'autre rive, appelée l'Eternelle.
Franchir ce pont sacré t'amène à une autre vie ; celle de ta renaissance
dans le monde plus subtil, plus vrai et réel que celui dont tu viens.
"
Je me demandais si je n'étais pas témoin, bien malgré moi, du tournage
d'un mauvais sitcom made in Egyptia. Je me repinçais bien fort le bras
à nouveau. Non Je devais me rendre à l'évidence que je ne rêvais pas
et que je n'étais non pas face à Saint Pierre au seuil du paradis mais
bien à Osiris !!!! Au point où j'en étais pourquoi pas ? j'allais bientôt
me réveiller une fois l'effet du thé hallucinogène aux champignons passé.
Un autre homme d'une allure plus avenante s'avança vers
moi. Vêtu d'une longue tunique blanche, il avait sur la tête une couronne
en feuille d'olivier. Il imposa ses mains sur ma tête comme s'il voulait
par ce geste sacré, soupeser mon âme et mon esprit.
Je me sentais comme flottant au dessus des eaux calmes s'écoulant sous
le pont quand soudain un bruit terrible déchira l'atmosphère...