SAMEDI 6 JUIN 2009
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
" L'espérance des expériences "

Animation : Régis MOULU

Auteure invitée :
Karine LEROY
, conteuse

Thème :

La pensée-flash

Il s'agit d'écrire un texte impromptu, scandé, abrupt. Car à la fin de chaque phrase ou même de chaque petit paquet de mots, on tranche en passant à l'idée suivante !

Le texte que vous obtiendrez aura tout de la fulgurance : ce sera comme une série de flashs. Ainsi une impression de rythme, de détournement ou même de drôlerie mettra en abîme l'écrit réalisé. On pourra même, in fine, parler ici de "poésie de l'urgence" tant les scansions à toutes les phrases imposeront leur rythme et leur coup de sape !"

Exemple (extrait de Demi-valeurs, V.Poitrasson, Editions de l'Attente, 2008) :
« malaxé malaxé / pour peu broyé / cadence de la torture / une tête rasoir / à raser à blanc / et j’écrase / talon aiguille / dedans / y mettre lâchement / les dents / sans plus rabattre son clapet ! »

Remarque : l'animateur proposera un thème qui sera découvert au début de la séance.

Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support a été distribué : il exposait notamment des techniques pour travailler le rythme et le découpage d'un texte !

 

 

 

 

 

 

 


Ci-après quelques textes produits durant la
séance, notamment (dans l'ordre):

- "C'est... Accro... Accrochez-vous" de Marie-Odile GUIGNON

- "Larguer les voiles" d'Angeline LAUNAY

- "Langue de coton" de Janine BERNARD

- "En cavale" de Janine NOWAK

- "Coulisses" suivi de "l'atelier" de Céline CORNAYRE



"C'est... Accro... Accrochez-vous" de Marie-Odile GUIGNON


C'est : « Accro... »
Devant l'écho
Exquis du visionnaire
Dans l'espace téméraire
Du cadre serti
Qui cerne l'envie
Du point de fuite
Logique immanente
D'un plan de prison
D'une sublime action
De couleurs folles
En étincelles
Elles dansent
Eclaboussent
Belle cavale
Vie originale
Coloré à l'extrême
Petit tableau, ils t'aiment...

C'est : « Accro... »
Croquis
Logo
Sans foi ni loi
L'œil aux aboi
Tirée à quatre épingles
Une pub cingle
L'écran informé
En contrastes cernés
Lance les phrases
En courtes poses
Brèves fresques
Rocambolesques
Eclairs d'orage
Pauvres mirages
Dans le désert
Des désirs verts
Faussent l'espérance
Des consommateurs
Avides de bonheur
Illusions d'images
Perversités de ses mages
Fenêtre-tableau
Voleuse de beau...

C'est : « Accro... »
Portrait robot
En traits lovés
Enroulés contournés
Lancés dans le blanc
Vieilli par le temps
En papier
Jauni
Pour l'infini
L'instant suspendu
Au mur repu
Regarde le spectacle
Du musée cénacle
Où passent et repassent
Au pas d'indifférence
Les faces fugitives
Et les passions lascives
Devant la mine célèbre
Qui n'est plus que son ombre
En quelques lignes
Présence digne
Tout est dit
Tableau de Celui-ci....

C'est : « Accro... »
Des petits pots
Peinturlure
Sur les murs
Sur les poteaux
Sur les carreaux
Tagues à la mode
C'est pas commode
Des ballades
Des escalades
Pour le risque
Pour le cirque
Bombe par ici
Tout ton mépris
Sans tapage
Sur la paroi otage
En noir et blanc
Sur tous les plans
Ecrire son nom
Dans tous les tons
Pour sortir de l'anonymat
Et de son âme dire les états
En bas en haut
Vaste tableau...

C'est : « Accro... »
Des porte-manteaux
Dans l'armoire
Dort une mémoire
Les couleurs des étoffes
Comme des strophes
S'entassent en liasses
Dans le silence qui passe
Le film écoulé
Des fringues adorées
Une main écarte
Quand s'ouvre la porte
Des soupirs
Sans avenir
Le passé perdu
Au présent pendu
Ephémère amnésie
Arabesque de vie
Petits morceaux de bois
Des petits chez soi
Qui s'en vont à vau-l'eau
Dernier tableau...

Accrochez-vous !

 

"Larguer les voiles" d'Angeline LAUNAY


Saisir le fil d'Ariane
Vouloir être un printemps
Humer l'odeur du temps
Danser sur un fil
Pêcher à la mouche
Qu'en pense-t-on ?
Rien, rien et tout
Tout, tout et rien
Tu penses bien
Et moi donc
La poix de Picardie
A détrempé l'ennui
Lessivé quelques idées
Trompé l'ennemi
Et quoi encore
Et qui plus est
C'est comme si nous partions
De nulle part
Pour aller nulle part
Ailleurs
Quelque part
Où ?
Ha ha ! Allons-y, Alonso
Pour ne pas finir idiot
Pour qu'il fasse clair
Devant, derrière, dedans, dehors
Mais bon sang
C'est la nuit qui m'enjôle,
Me cajole, me rafistole
La nuit plus que jamais amie
La nuit blanche comme neige
Assise sur une chaise
A jongler avec les sensations
A goûter aux saveurs d'antan
Qui se mélangent aux saveurs nouvelles
Ah, mais quelle cuisine !
Dans ce sous-sol obscur
Enfin… pas si obscur
Antre de la création
C'est ça… On y est
Au cœur des pugilats
Tempête dans le cerveau
Au secours
Non, non, je m'en sors tout seul
Je ne cherche pas la sortie
Je me sens tout drôle, tout p'tit
Ne pas lâcher le fil
Il est là qui brille dans le noir
Fil de nylon, fil de moire
Alonso n'a plus besoin d'Ariane
Il s'abîme en lui-même
Brave bouée blême, ballottée par Lolo
Blotti contre un hublot pour observer les flots
Où en suis-je ?
Ah oui, à la salle obscure
Cinoche de tous les sentirs
" Si ti sabir, ti respondir "
Alonso se love dans les bras de Lolo
Ou plutôt de Lola
Elle était là Lola
Elle errait dans le dédale
Ils s'étaient quittés, retrouvés, requittés
Et les voilà rabibochés
Drôle de lieu, drôle de rencontre
Elle si désabusée
Lui si dévergondé
Allons, Alonso, mets-y moins de verve
Holà, Lola, sors de ta réserve
Lola est là, qui balance encore
Devant ce prince de l'oxymore
Lui, ce citron pressé
Cet homme-lette norvégienne
Qui prend la vie comme elle est
Renversante, tourmentée
Urticante, déjantée
" Elle avec sa peine
Tout le jour, toute la vie, tout le temps
Lui toujours prudent "
Mais, hasard de se sentir au bon endroit
Alors que rien ne le…
Ne le… ne le… laissait…
La suite, on la connaît
Les suites qu'on connaît, on s'en fout
On veut du neuf, on veut du fou
Et aussi du ragoût
On veut s'enfuir par la fenêtre
Sauter par-dessus les haies
S'accrocher à la crinière d'un Maverick
Finalement, Alonso
T'as trouvé la sortie sans la chercher
C'est risqué
Et Lola, dans tout ça ?
Lola par-ci, Lola par-là
Elle ne te suivra pas Lola
Parce qu'elle promène sa blondeur dans un laboratoire
Elle est fiancée avec un accélérateur de particules, Lola
Et ça, ça ne pardonne pas
Elle t'a retrouvé par hasard
Mais elle te larguera, pas par hasard, Lola
Son nom, c'est une chaloupe à la mer
Et toi, collé à ton hublot, tu la vois qui s'éloigne
L'aventure t'attend toi, mais pas Lola
Lola regagne le rivage
Elle se sent libre
Tu te sens libéré
Rien de ce qui se noue sous terre
Ne perdure en plein air
Autrement dit
Ce qui vaut sur terre
Ne vaut plus en mer
" Ohé, ohé, capitaine abandonné "
J'ai dit :
- Regarde-moi
Tu as dit :
- Quoi ?
J 'ai dit :
- le creux des vagues
Comme c'est creux…
Comme c'est vague…
Comme je me sens pousser des ailes…
S'élever au-dessus de l'humaine condition
Et pourquoi faire ?
- Pour tester la piste imaginaire
Sur laquelle plane l'ange du bizarre
Comment te sens-tu ?
Je ne me sens plus tellement comme hier
Je me sens plutôt comme aujourd'hui
Trop difficile à expliquer
Alors on y va
On n'y va pas
On n'y va plus
On verra si on y va
Lola par-ci, Lola par-là
Et Alonso s'en va
Enflammé par la fièvre venue d'en bas
Qui remonte jusqu'au front
S'empare de l'être
Empourpre les songes
Demain l'attend, le ronge
Il perd ce qu'il gagne
Il gagne ce qu'il perd
Allons, Alonso
Que te reste-t-il Il me reste… l'image
L'image de Lola
Au fond de ma poche
Dans un repli de ma pensée
Tant pis, tant mieux
Tant qu'il en est encore temps
Tant que les mouettes crieront
Tant que les matelots joueront du bandonéon
Tant que tu voudras
Tant que je pourrai
Tant que je vivrai.

 

"Langue de coton" de Janine BERNARD


Langue de coton
Taisez-vous !

Ouate d'acier tranchez !

Et que triomphent bulles et crasses
Du sinistre
Poil à chuter.

La Poule doit se poêler ?
Le Gobelet se gondoler ?
Langue de Bois, radotez !
Au rabot de la Méduse
R ésistez !

L'assemblée jubile
La Mer est médusée
Et l'Océan s'incline vaguement dépité.

Une grosse légume s'agite.
Oui, allez-y, éructez !
Poireau ?
Ventre à choux !
Pomme d'appui ?
Vous grimacez ?

Car la cour du fou défile
En miracles et pédoncules dorés.
Plus vive que la moule
Plus loin que la marée.
Elle se marie à fond
Etrangle son Caquet
Et brûle sa Destinée.
Ne la jugez pas trop vile
Langue de coton, la Demoiselle,
Cramez !

Sa tige est bien trop lourde
Une massue se lève,
Allez-y !
Déglinguez !
Qu'on sabre son baril !

De déchets ?
De poudre ?
Ou de suppositions leurrées ?
Au saloir des hypocrites
Le beurre lui-même est il vraiment goûté ?
Langue de coton, votre avis ?

Le cœur du fou, attendez !
En salle d'attente, poivre, sel, égouts
Les grosses pointures par ici,
Les babouches, les tongs, pas de pitié.
Peur ?
Panique ?
Abîme ?
Le four est il bien chauffé ?
La porte sonne à boulets rouges,
Et la raison résonne, lentement étranglée.

Ainsi se jugent des histoires
Sans cannelle et sans amitié.
Plus futées les unes que les autres
Mais toutes aux moteurs morts nés

Pour la gloire et la survie
D'un fils, à la rigueur,
Mais encore, mal soigné.
D'une fille ?
Kipling vous plaisantez ?
Les pois de senteur frétillent.
Une fille ?
Le fils agonisé ?
Sécateur, goupillons et sébiles,
On vous prie, babillez !

Et que la mer monte
Sur les galets retournés.
Dans l'huile, un peu trop vache,
Langue de coton, vomissez !
Ouate d'acier à vos casques !
Après vous, ma grenouille, ramassez !

Votre plume, langue de coton,
N'a ni ongle, ni bec à présenter.
Pas même une lampe à joute à souffler.
Corne bien trop frêle, votre timbre,
Léchez !

De pistils en médocs,
De tuiles à blanc lessivées.
L'age moyen se moque
D'une flamme transfigurée.
Langue de coton, tu chutes ?
Tu te cabres ?
Vrai, lessivée ?

Vive rive, rivet vive…
Le pas vrille au lacet défoulé.
Haumes de paille, suspendez.
La chute de reins s'approche
A grands coups d'oméga saturés.

Bas de feuille ? Déjà ?
Comment ne pas déchausser ?

Langue de coton, relis nous donc,
Ton troupeau d'araignées.

Galets de galéjades,
Tropicana dessoudé,
Opinels à vos marques !
Alléluia ! Stoppez.

Le verre verdit mes vers et…

Langue de coton !

Oui-da Messire ?

Ca suffit là,
Pour cette année !!!


"En cavale" de Janine NOWAK


Combien de temps ? Sept heures ? Huit heures ? Paysage morne. Je marche. Il pleut. Accroche-toi, bonhomme !
Trente ans, bon sang ! Inimaginable !
Et cette pluie de Novembre glaçante… Mon veston est trempé.
Un an, sept mois et 28 jours, j'ai tenu.
Je suis gelé, transi.
Je dois éviter les villages et les grandes routes.
Un bruit de moteur ? Vite ! A plat ventre dans le fossé. Me voilà couvert de gadoue, à présent.
Le pire, c'est la promiscuité. Cinq dans 9m², on était. Qui tiendrait le coup ?
J'ai faim. Où trouver quelque chose ? Faut pas rêver.
Ah, ils ne m'ont pas loupé, les douze jurés ! J'avais beau clamer mon innocence.
Vacherie ! Ma semelle qui se décolle. Manquait plus que ça.
Car innocent, je le suis. Et je vais le prouver.
Oh, oh : un bout de ficelle ! Il y a donc un bon Dieu ? Voilà, godasse consolidée.
La nuit va tomber. Pas le moment de mollir.
Tu vas voir, Benoît. A ton tour d'en baver.
Tiens des lumières… Un barrage? Oui. Mieux vaut filer à travers champs.
Benoît, j'ai hâte de t'avoir en face de moi.
Haon ! Des barbelés, à présent. Alors, dessus? Dessous? Je vais les longer un peu. Ah, voilà un creux. Ce sera donc dessous.
Et puis tiens, une petite pause, assis dans l'herbe, pour souffler un peu.
En arrivant, je l'ai trouvée allongée sur le sol. Nue. Morte. Baignant dans une mare de sang.
C'est quoi, ce bruit ? Sans doute une bête.
Oui, morte, elle était. La gorge tranchée. Un couteau sur le sol, à côté d'elle.
On ne voit presque plus rien. Je dois profiter de l'obscurité pour progresser.
Comme un automate j'ai avancé vers le corps et ramassé le maudit couteau poisseux. Pourquoi ?
Je vais me diriger vers ce petit bois. A couvert, ce sera plus sûr.
La vie qu'ils m'ont fait mener, mes compagnons de captivité ! Plutôt crever que de retourner au mitard.
Tiens, un cours d'eau. Excellent pour brouiller les pistes au cas où ils auraient sorti les chiens. Le couteau, je l'ai immédiatement relâché. Avec mes empreintes… Hé oui, gros ballot que j'étais !
En prison, au milieu de ces criminels, c'était moi le sadique. Car… Elsa… C'était horrible ! Ah ? Le ruisseau disparait derrière un mur. Je vais le longer.
Horrible, c'était. Elle n'avait pas que la gorge tranchée. J'en cauchemarde encore. Les jurés aussi : ils ont vu les photos.
Il est long, ce mur.
" Jack l'éventreur ", on m'a tout de suite surnommé. Je me prénomme Jacques, il est vrai, mais je n'ai jamais éventré personne. Les taulards, entres-eux, sont pires que des fauves. Sévices, brimades : j'ai tout supporté. Mon soutien ? La rage qui m'habitait. Aujourd'hui, je connais la haine et le désir de vengeance.
Voilà l'entrée d'un parc, avec au fond, un manoir. Allons voir.
Elsa, je l'aimais follement. Pendant l'instruction, j'ai découvert qu'elle m'était infidèle. Désarmante naïveté de ma part.
J'aperçois deux lumières à l'étage et trois en bas : une cuisine et un salon, où une petite bonne dresse le couvert.
Elsa était une remarquable maîtresse de maison.
Elle était aussi la maîtresse de Benoît.
Tiens, tiens… La petite bonne qui monte l'escalier. Si j'osais ? Personne… Me voilà à l'office. Plateau de charcuterie, pain… In the pocket, le tout !
Dans le hall, je rafle au passage, un pardessus et des bottes en caoutchouc. Et dehors, merveille ! Un vélo ! Merci, Petit Jésus !
On dirait que la chance tourne, hein Benoît ?
Le vélo dévore les kilomètres et moi le saucisson : ça requinque un homme. Et des vêtements secs, aussi.
Je ris. Je pense à la tête de la bonne, de retour dans sa cuisine !
Et celle de Benoît ce matin, en écoutant les infos ! Il a dû se couper en se rasant !
Ah, je jubile.
Et la bobine du maton après ma disparition ! Le " Père Cognard ", on le surnommait. Plus de muscle que de psychologie.
Catastrophe ! Un pneu crevé. Reprenons la marche à pieds.
Des panneaux : Paris, 53 Km. Voilà qui est plaisant à lire. Et stimulant. Je marche. Je marche !
Une station service… un camion-remorque à l'arrêt… N'hésitons pas : me voilà assis sur des graviers. Le chauffeur n'a rien vu.
La distance diminue, Benoît.
Tunnel de Saint-Cloud ! Déjà ! J'ai dû somnoler.
Boulevard Périphérique Sud. Bon ça. Les portes se succèdent. Châtillon… Bercy.
Autoroute de l'Est…
La chance tourne, Benoît. La chance tourne…
J'étais fait pour une vie douillette et sans imprévus.
La prison change un homme : en enfermant un chaton, ils ont fabriqué un tigre enragé.
Saint-Maurice. Je saute du camion. Un roulé-boulé impeccable et je reprends possession du macadam. Pas un égratignure. Quand je pense qu'à l'école, j'étais dernier en gym !
J'avance. Les rues sont désertes. Tout le monde dort. Toi aussi, Benoît, tu dors. Profites-en bien…
Que de nuits passées à verser des larmes sur mes illusions perdues. Amour perdu : Elsa morte. Amitié perdue : Benoît, mon meilleur ami, un traître doublé d'un assassin. Liberté perdue : trente ans de réclusion. Injustice. Désespoir. J'ai tout connu.
Voici l'Usine des Eaux de Joinville-le-Pont. Pon - Pon ! Si j'avais un flingue, ce serait : Pan - pan sur Benoît. Faut bien rire un peu.
Lycée Marcellin Berthelot. Plus que six kilomètres et demi.
Mon sang bout. J'avance. C'est grisant.
Le parc Saint-Maur. Plus j'approche et plus je me sens en mal d'agressivité. Je ne crois plus ni en Dieu, ni en Diable. Viva la Muerté !
Tu seras bientôt en miettes, Benoît. Un petit tas à balayer.
Je ne marche plus : je cours. Et ma respiration joue du biniou.
Je suis pris de vertiges. Vite un banc. Je m'asseois.
Je calme ma colère - cette brève folie - et retrouve ma lucidité.
Il est architecte, Benoît. A.A., il pourra désormais mettre sur sa carte de visite : Architecte - assassin. C'est la fin d'une brillante carrière.
Avenue du Bac.
J'étais le seul bachelier, dans ma cellule. Mettre un Universitaire avec de sombres brutes ! Gabegie de l'Administration Carcérale.
Parvis de la Varenne.
A gauche, rue Du Mesnil. Je brûle.
Troisième à droite : rue du Capitaine Charton.
Nous y voilà : numéro onze.
Onze ans. L'âge de notre rencontre en sixième. Car nous sommes des amis d'enfance, Benoît et moi.
Enfin, nous étions…
Je me sens brusquement monolithique, devant cette porte. Pétrifié. Momifié.
Un an, sept mois et vingt-huit jours que je pense à ce moment.
Je suis troublé. Le tuer ? C'est pour le coup que je deviens un assassin.
Le neutraliser ? Oui, c'est préférable, et puis appeler le Commissaire Tergiam. Lui seul avait émis des doutes sur ma culpabilité. Il est mon unique chance. Lui… et ma preuve…
Coup d'œil à gauche. Coup d'œil à droite. Personne pour me voir. Je saute par-dessus la grille.
Le pot de fleurs avec la clef de secours. Je fais un crochet par le cellier pour dénicher des cordes.
Me voici au pied de son lit. Quelle émotion ! Il dort " benoîtement " ! Entortillé dans sa couette.
Je glisse un lien : les chevilles sont emprisonnées.
Je le ligote comme un saucisson. Il ne bronche même pas.
Une bouteille de whisky, vide, traîne à côté de son lit. Probablement la cause de ce profond sommeil.
Une dernière cordelette autour des poignets.
Je me redresse, prend du recul et je le regarde intensément. Comme j'aimerais le réveiller, pour voir la tête qu'il ferait en m'apercevant.
Non. Soyons raisonnable. Mieux vaut appeler le policier sans plus tarder.
Allo… Quai des Orfèvre ? Le Commissaire Tergiam, s'il-vous-plait. C'est personnel et très urgent. Merci. J'attends…


"Coulisses" suivi de "l'atelier" de Céline CORNAYRE


Coulisses


Impression de déjà vu
Trac en forme de spleen
Pas besoin de l'appeler
Il sait venir tout seul
Pénombre sur les comédiens
Projecteurs en sursis
Déambulation solitaire
Et scène
Conglomérat de chapeaux
De trompettes
Et autres salopettes
Et saloperie de boutons qui pètent !
Lumière
Lumière sur les traits, qu'ils soient beaux ou laids
Passagère et furtive,
Elle captive
Lumière sur les gestes, une main se lève, une expression se dresse
Dénoue les stress
Dans le noir, les autres attendent,
Respiration de bandes
Réanimation de tire-bouchons
En avant toutes…
Des sons, des voix, 90% bientôt 95, ça passe
Des mots croisés, des mots jetés, des mots mêlés,
Jetés pêle-mêle ou silencieux
Du firmament des jeux jusqu'au feu des yeux
Tout y est
Même le Y


L'atelier

Ambiance moyenâgeuse mais pas ombrageuse
Electrique et éclectique
Bougies absentes
Plumes en mains, déguisées en Bic
Elles réinventent ce fabuleux mystère de l'être humain blotti sur sa feuille, qui écrit
Hier hiéroglyphes, aujourd'hui griffes
Voyage de la pensée
Tissu des idées
Couette virtuelle des mots qui chatouillent le papier
Temps des cerises
Des petits écoliers
Des violettes de Toulouse
Cassoulet absent
Thé britannique
Thé indien
Et toi, t'es qui ?
L'écrivain
L'écrivain du jour ou du matin, du cinq à sept, du six à onze, du coup de minuit
Le douzième
L'air moucheté, le cœur prêt à s'envoler
Toi l'écrivain, tu te prends pour Aladin
Tu écoutes le silence, entre deux " Dring !!!!! "
Tu secoues ta boîte crânienne en espérant que l'idée, la tienne,
Vienne
L'écriture se joue solo, se partage colo
Colonie de mots
En vacances, ils vadrouillent, gribouillent les feuilles endormies
Partition plus ou moins ordonnée
Joyeusement ou timidement claironnée
Jamais erronée
Elle est là, penchez vous
Levez la tête
Ouvrez vos écoutilles, plissez vos narines
Sentez cette étrange étrangeté
Cette magie des lieux
Des esprits déliés, c'est curieux
Ça pousse un rocher
D'insanités
Ça vous remet au milieu
Et c'est heureux

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
Retour page Atelier d'écriture