PRELUDE.

de Danielle COLONNA

Rôle : une personne.

 

- C'est décidé, cette nuit, je pars.

Je regarde par la fenêtre sa faufiler la nuit.

La buée des carreaux et mes yeux remplis de larmes ne font qu'un.

J'appuie mon front brûlant très fort sur le verre glacé de la vitre et respire profondément, comme pour chercher de l'aide.

Derrière moi le feu de cheminée qui semble avoir tout compris crépite à tout rompre faisant danser ses flammes comme pour attirer l'attention...

Pourtant rien ne bouge...

Lui, imperturbable, lit son journal, comme tous les soirs ; je le devine, hochant la tête ou se frottant le menton en tournant machinalement les pages.

Ninov, notre labrador, rêve tout haut en s'étirant sur la moquette... J'ai le coeur serré à l'idée de le quitter aussi. Si seulement je pouvais l'emmener. Non, je ne peux pas lui faire ça. Ils sont tellement complices tous les deux. Et puis, il se retrouverait tout seul ! Non, je ne peux pas...

Que d'années passées ici, ce passé qui fait mal aujourd'hui : j'aimerais pouvoir lui parler et lui expliquer pourquoi je le quitte... mais je n'ose pas. Le courage me manque.

Cette soirée n'en finit pas. Ma valise est prête à l'étage et demain tout sera fini mais ce soir je suis là, près de lui, et je sens mes forces m'abandonner.

Il s'inquiète de me voir plantée là devant la fenêtre et me demande si je suis souffrante ? Je bredouille quelques mots et remets pour la troisième fois Rachmaninov, mes mains tremblent...

Alors, avec une douceur que je ne lui connaissais pas, il me propose une verveine bien chaude pour doper ce petit coup de pompe. Tu verras, souligne-t-il, tout ira mieux demain, après une bonne nuit.

Puis, il me sourit, enveloppant mes mains de ses mains et les serrant très fort.

C'est trop... Je me sens défaillir, j'aurais tout voulu lui dire là, que je n'avais rien à lui reprocher, qu'il n'était en rien responsable. Notre histoire si belle au début s'était étiolée au fil des ans.

Qu'en restait-il aujourd'hui :

Des notes de musique qui pleurent sur un amour mort et des souvenirs enfouis.

 

Fin.

 

... sous la contrainte d'écriture suivante :

Ecrire les sentiments suggérés par l'écoute d'une sonate de Serge Rachmaninov (op 36).

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