SAMEDI 4 OCTOBRE 2008
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
"L'espérance des expériences"

Animation : Régis MOULU

Thème :

Réanimation d'oeuvre immobile

L'animateur a présenté une oeuvre (peinture)et les participants ont écrit comme s'ils étaient dans l'oeuvre elle-même, comme s'ils vivaient au milieu des éléments qu'elle représente.

Ainsi on a ré/animé (phénomène probablement durable) un objet artistique en le remettant au présent !

Se sentir dans l'œuvre, se fondre dans son univers et évaluer son espace redéplié permettent de se laisser prendre par elle. Notre disponibilité à ressentir, à se "téléporter" nous donnera une force d'écriture et une qualité émotive, à coup sûr !

Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support a été distribué : il évoquait les caractéristiques d'une bonne narration... Cool, isn't it !

 


Suite à la présentation de ces deux peintures
(au choix de chaque participant)...


références précises à venir...

...ces textes ont été produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):

- "The fish knows..." d'Angeline LAUNAY

- "Osmose" de Janine BERNARD

- "Posés là dans un monde nouveau" de Séverine CHAISE

- sans titre de Marie-Odile GUIGNON

- "Le monde de Némo revisité" de Céline CORNAYRE


"The fish knows..." d'Angeline LAUNAY

Ils traversent les nuées, les poissons
Ils volent, ils flottent, ils s'approprient l'espace
Eternels astronautes
Ils emportent dans leurs bagages la science et aussi la conscience
Des humains
De la femme nue
Et de l'homme au costume d'Arlequin

Avec sa main droite, la femme dit : " je suis avec cet homme "
Mais elle détourne le regard
Pour observer le poisson
La main droite de l'homme affirme : " cette femme m'appartient "
Mais il est occupé ailleurs, à regarder dans sa longue-vue

Si proches mais si différents
Si lointains par l'esprit, mais proches par le corps
Si lointains, si proches…
L'arbre phallique témoigne de cet ancrage dans le monde

Un poisson-vélo aux yeux globuleux arpente les routes du monde
En ouvrant une gueule avide d'inaccessible
Il clame l'incommunicabilité d'Allan et de Cléa
Sur leur îlot désert où pousse un bâton de pluie
Tout reste dans le geste
Tout part du regard
Tout passe par le regard d'une femme et d'un poisson
Ils se parlent sans mots, se comprennent peut-être
Que sait la femme
Que sait l'homme
Que ne sait déjà le poisson

Femme je suis
J'avance à découvert
Dans l'impudeur de l'innocence
Pas même parée du voile de la séduction
Le rouge m'est venu aux joues
Perchés sont mes petits seins de femme-enfant
Au-dessus de mes larges hanches profilées pour l'enfantement
Je ne me sens ni triste ni gaie
Je regarde le poisson qui me regarde

Homme je suis
Vêtu tel un clown-aventurier
N'aie pas peur, je suis là
Je scrute l'horizon
Je vais bien finir par trouver
De quoi manger, de quoi nous abriter
Et comment atteindre le port d'attache
Je me sens plein d'avenir
Je regarde vers l'avenir

Mais seuls les poissons prévoient les destinations
Eux qui passent, repassent et delta-planent
Ils engrangent des images, tirent des conclusions
Le monde n'est pour eux qu'un vaste terrain de jeu
Qu'ils survolent, apparemment indifférents
Une planète aride, sans rires ni pleurs
Sans pire ni meilleur

Femmes trapézistes, femmes-fleurs, femmes fardées, enjouées, ensorcelées, ensorceleuses, décoiffées, emplumées, apeurées, enracinées, déboussolées et autres gallinacés…

Hommes du voyage, dompteurs, loosers, caramboleurs, hommes à tout faire, à rien faire, gobeurs d'œufs d'autruche, dévoreurs de terres en friche, chenapans, clowns tristes, moujiks, redresseurs de torts et autres déviations…

Vous n'avez pas idée de ce que savent les poissons
De ce qu'ils comprennent
De ce qui fait leur univers visuel ou mental
Du sentiment profond qui les taraude
Les poissons ne se suffisent pas seulement de leur savoir
Ils méditent, ils rêvent
Ils engloutissent le chant du monde pour le recracher plus loin
Là où il n'y a pas de grincements de dents ni de portes
Là où souffle le souffle de l'impermanence des choses
Là où tout respire le naturel
Là où les poissons finissent par échanger leur point de vue
Avec le premier qui passe
Le premier qui s'arrête et ne passe plus son destin
Mais s'attarde un instant en chemin
Cherchant son chemin
Chemin faisant
Découvrant son dessein

Là se retrouvent l'homme et la femme
Au bord de l'insouciance
La main de l'un sur la hanche de l'autre
La main de l'autre sur la poitrine de l'un
Avec à portée de main, le bâton de pluie
L'arbre de la fusion
Le garant du lien entre la terre et le 7ème ciel

Je te prêterai mon habit avec ses losanges de couleurs
Pour que tu puisses te réjouir et te couvrir d'une seconde peau
Moi, j'irai me jeter nu dans les vagues qui ondulent au bout de ma lorgnette
Au retour, tu me raconteras tes dialogues avec les poissons
Je te rapporterai une poignée de sable blond
Que nous ferons couler entre les doigts
Comme du vent
Comme du temps
Que nous aurions tenté d'apprivoiser
Mais on n'apprivoise pas les poissons
Maintenant nous le savons

Aériens, les poissons s'échappent dans l'atmosphère
Ils échappent à tout soupçon
Ils glissent sur le fil du temps
Plus rapides encore que le vent

Dans ta longue-vue, je scruterai aussi l'horizon
Et nous apprendrons le langage des poissons.

"Osmose" de Janine BERNARD


Non jamais. Jamais il ne se résoudra à les écouter. Jamais on lui prendra ces pauses de vie à lui, ces petits nuages de temps suspendus au dessus du grand qui défile sur le tapis roulant des années. S'arrête quand le tapis roulant ?
Ils veulent le lui faire arrêter. Ne plus prendre le sous-bois vers midi. Ne plus poser sa bicyclette contre le tronc, son ami, pour quelques minutes juste le temps d'un coup d'œil sur le pays. Les lignes des crêtes qui font la course, à celle qui craquera la première allumette de l'automne. Cette fraîcheur, cette rosée qui mouille juste ses poils de nez.
Il en a plein des gros poils de nez J.P. Des poils que le petit J.P. tout neuf de la famille essaie de tirer quand il le pose sur ses genoux. Le petit veut attraper son képi ; sacrément culotté son képi, il en a fait des aller-retour sur le chemin. Il sent le chemin son képi, les champignons, le sous-bois et l'odeur humide de la terre.
Combien de fois il a ôté son képi pour saluer le paysage ? Ce paysage, son paysage. Le chemin entre Sainte Anne des Ollières et Saint Bonnet des Mûres, qu'il parcoure tous les jours à vélo. Un tapis de feuilles brunes que l'automne charrie ces jours derniers mais aussi brûlant et fumant de chaleur en juillet, ou primesautier et gazouilleux dès que le mois d'avril se lève.

Bon Dieu ! Ses gosses le lui rappellent si souvent : l'administration t'a donné ton dernier vélo. Parce que ce sont tes dernières rondes. Allez, le Père, faut que tu t'arrêtes. Que tu restes un peu tranquille. Le petit J.P. il veut te voir vieillir lui aussi…
Comme si vieillir c'était un spectacle, avec lui, le clown, orphelin d'un vélo chanteur qui grince et grogne quand il attaque debout sur les pédales, juste au bas de la côte du Cèdre du Liban.
J.P. ne situe pas bien le Liban, mais cet arbre là, pas comme ses voisins, on sait qu'il a poussé en fin de guerre. Quel métèque est passé par là et quelle graine est tombée de sa poche un beau matin ? Les arbres c'est bien comme le pauvre monde, ça pousse où le hasard vous fait tomber.

Ce sous-bois qu'il traverse chaque jour en revenant de sa tournée, J.P. pense que c'est sa scène de théâtre à lui, où il vient faire sa comédie tous les matins, en solo. Pas de spectateur, juste le silence qui le regarde et les petits yeux des bestioles qui se cachent quand il descend de vélo. Il pose sa machine contre un tronc et il s'imprègne, les yeux fermés. Avec son doigt, il pourrait peindre tous les contours, le petit vallon tout mauve à cette heure là, avec l'ombre derrière et puis, très vite, la lumière fusant derrière. Bon Dieu, quelle vue…
Même à Marinette, il n'en a jamais parlé de sa marotte à s'arrêter pour rien, pour le plaisir. Pourtant… depuis qu'il a commencé les tournées et qu'il avait des jambes en latex automatique à l'époque, il posait déjà son vélo là, face au vallon, et il fermait déjà les yeux. Au soleil, dans l'humidité, un peu comme un arbre peut-être.
Si on lui disait comme à la télé dans leurs émissions : " faites un vœu Monsieur J.P. ".
Lui il dirait : me changer en arbre, sentir mes bottes s'enfoncer dans le terreau et les feuilles mouillées et puis me solidifier doucement, la tête allongée, étirée.

Et voilà. On le chercherait de partout, on retrouverait juste le vélo. Et comme personne aurait compté les arbres, ils n'ont pas le temps aujourd'hui, on ne le retrouverait pas. Cette pensée lui tire un sourire. Ils auraient beau analyser tout ce qu'ils trouveraient autour du vélo sous leurs microscopes, on retrouverait juste les sacoches qui clignotent, dernier cri de la sécurité du facteur de campagne.
" Ben, il est où J.P. ? " Et lui il serait là, en arbre, juste dans leur dos, sous leurs yeux aveugles, chauffé le matin par les rayons d'or qui montent du vallon et puis baigné d'humidité pour ses petits rameaux bien verts et qui pousseraient sur le sommet de son crâne d'arbre. Et ça, à perte de temps…

En voilà un truc pour sa retraite ! Cette retraite vers laquelle il glisse comme sur un mur savonné avec rien pour s'accrocher, ni sa Marinette, ni son petit J.P. tout neuf, ni son vélo chromé de facteur, ni la télé, ni les gosses, ni la vie.
Se changer en arbre pour une retraite paisible, toujours au même endroit, dans un sous-bois fidèle avec qui on a partagé chaque jour quelques minutes d'osmose.

Osmose. Il aime bien ce mot, J.P. Il l'a entendu l'autre soir à Questions pour un champion. Marinette, elle, elle a cru que c'était un coin au soleil pour ceux qu'ont les moyens.
Mais lui, il a entendu que c'était être en accord parfait, profond. Il a traduit : " comme si on se fondait dedans ". Il a rien dit à Marinette, elle aurait tout de suite embrayé sur un terme culinaire et lui aurait farci la tête.
Osmose, qu'il a pensé, oui, j'aimerais bien me fondre dans un truc, me solidifier, mais en quoi ? Et ce matin d'octobre, il a trouvé. Il sait. Avec comme témoin sa bicyclette. Face au chemin, devant le vallon, face à tous les petits yeux de la nature qui semblent lui dire : " Chiche, mon gars ! Vas y ! Essaie donc ! "
Fini le doute sur l'avenir, envolée l'angoisse qui lui faisait avaler sa salive quand on lui en parle : " Alors J.P., ça approche ? Noël ou Pâques ? T'es des classes en 9 toi, c'est pour l'année prochaine ! " Comme si on lui agitait sous les yeux son bulletin de naissance soudain devenu terriblement dangereux.

Des 9, des 10 des 3, la dernière montée du dernier trajet, comment on peut l'éviter ?
Il ne se voit pas dire à Marinette dans quelques mois :
" C'est onze heures et demi, je retourne dans le sous-bois "
Est-ce que ce serait pareil ? Le vallon, le soleil, le bruit de son pas, les odeurs, sa vieille peau, il retrouvera tout ça, comme maintenant, ? Y sait pas, J.P., y sait pas…
Lui, le facteur, il attend sa lettre, un comble. Recevoir la lettre qui déclenchera la grande fête, comme dit sa petit Marie No.
- " Hein pépé J.P. quand t'aura ta retraite, je te ferai une grande fête, on dit une teuf, pépé, aujourd'hui ! "
- Sûrement, ma belle, sûrement…
La fête pour tout le monde, sauf pour lui. S'ils savaient tous, que cette vie de facteur qui dessert pas moins de cinq villages, il la donnerait rien que pour ces quelques minutes où il traverse son vallon. Ca le requinque, ça le vivifie. Et que ne plus passer par ce chemin là, ça va définitivement le faire crever ?
Il ne leur dira jamais à tous. Comprendraient pas. Mais lui, J.P. il sait, il le sent. Rendre son vélo et ses sacoches et tout ce qu'il y avait dedans en rentrant de tournée, c'est lui couper les deux pattes et l'empailler vivant puis mort.

Alors que s'il devenait arbre, il aurait le petit prunus devant les yeux, celui qu'il aperçoit en clignant l'œil droit. Une petite boule, une touche jaune à cette époque, tache plus claire que l'aubépine avec qui il partage un petit bout de bosquet juste à gauche de la crête de Saint Bonnet.
Comme sur une scène. Parfois quand il repart, il marche avec son vélo d'un pas un peu déhanché, comme s'il faisait le beau sur le chemin désert. Si quelqu'un le voyait ! Mais personne ne l'a jamais vu. Qui s'en serait rendu compte en tant d'années ? Sa tournée, il l'a fait fout seul, tout le temps, les arbres, les champignons, les fleurs, le vent, la neige, la pluie, il les a partagés tout seul, avec son chemin et son vélo, ses bottes et son képi. Tous les dix ans on le lui changeait.
C'est le nez de Marinette en général qui sonnait le glas du vieux képi. " Sent la brousse ton couvre chef, J.P. change moi ça, tu vas attraper la gale ! "
S'il se changeait en arbre, son képi resterait tout en haut. Il les imagine.
Le képi de J.P. ? perché sur un arbre ! Y a bien un imbécile qui penserait qu'il a été enlevé Dieu sait par qui ! Ils inventent tellement de trucs maintenant ! Ca fait exploser les têtes des gosses. Et lui, il serait devant eux, plié de rire. Croiraient tous que c'est le vent !
Il en sourit d'aise.

Il a seulement dit à Marinette :
" S'il m'arrive quelque chose, tu me fait brûler avec le caisson, tu montes à la Côte du cèdre, tu t'arrêtes. Tu ouvres le pot et tu balances la poudre de moi, mais pas à 9 heures du matin, hein ? A midi par là, un jour où il fait bien clair, bien du soleil. "
Elle l'a regardé comme s'il avait parlé javanais.
" Toi, mon pauvre vieux, qu'elle lui a dit, t'es comme moi, en vieillissant tu t'arranges pas ! "
Elle n'a même pas haussé les épaules. Elle a continué à éplucher ses patates en fixant le carreau de la fenêtre.
Il a tout partagé en tant d'années avec Marinette, tout. Sauf sa tournée.
Encore, la tournée vers les maisons, elle lui faisait donner des nouvelles, de l'un, de l'une, de l'autre. Ca voit tout les facteurs, les portes fermées ou claquées, comme les fenêtres ouvertes, le bonheur comme les soucis, tout.
Sauf cette petite demi-heure dans le sous-bois, son havre de paix, partagé qu'avec lui-même. Et le soleil. Il ne sait pas dessiner J.P. mais s'il avait des couleurs, il pourrait poser sur une toile tous les tons différents du soleil qui se promène dans le vallon.

C'est un petit frisson qui lui fait ouvrir les yeux.
Pas encore d'actualité le préposé transformé en arbre. Encore qu'un arbre, ça frissonne, du moins au sommet quand le vent s'en mêle, et ce matin, le vent est resté dans son lit. Pas un gramme de souffle. Les odeurs ce matin, rien ne les transporte. Elles montent toutes seules. J.P. respire humus et champignons. Ses préférées. C'est que les champignons, une fois dans ses sacoches, il en profitera encore dans son assiette.
Un jour, il en avait ramené dans son képi. Marinette avait râlé mais elle en avait bien mangés quelques uns !

C'est en cherchant de la main le cadre de sa bicyclette que le facteur a compris.
On a retrouvé son vélo mais jamais son képi.

Sur le chemin entre Saint Anne et Saint Julien, certains jours, quand le vent veut bien se promener sur les cimes des arbres, nonchalamment, il semble qu'un arbre plus particulièrement frémisse, et se penche légèrement sous la caresse.
Mais il faut un œil si aguerri des choses de la nature, qu'à ce jour, personne n'a rien remarqué, pas même celui qui a dessiné le vallon dernièrement.
Sur le cadre du bois, dans un angle de la croûte, il est gravé " osmose ". Mais pour le lire, il faut se pencher près, très près, très très près…


"Posés là dans un monde nouveau" de Séverine CHAISE

Joséphine est amnésique, Bertrand est explorateur.

Bertrand : Pour te raconter notre histoire. Pour te dépeindre notre avenir. Pour avoir à dire nos passés, celui de chacun et le notre commun. Pour avoir à porter une histoire ou plusieurs, comme une vie ou mille vie, je n'aurai pas envie de te garder là près de moi, mais d'être attiré par le dehors, car c'est lui qui conte le temps qui passe.

Joséphine : Les heures qui s'arrêtent, c'est comme un mauvais présage, quelque chose à quoi l'on veut échapper, ne pas croire et pourtant quand c'est là, sans dessus dessous, sans toi ni moi, qu'existe-t-il ?

Bertrand : Crois-tu qu'il existe un autre monde dans ce poisson volant ? Je me laisserai bien partir en exploration de la vie afin de la mener jusqu'à nous, mais tu liras ce que tu voudras bien y voir. Ce n'est pas plus mal tu pourras ainsi modeler ta vision des choses, ta vision de toi. Qu'importe finalement n'est-on pas libre de choix, n'est-on pas libre de respirer à pleins poumons, de vivre, de voir, d'explorer encore nos moi si précieux, si pluriels ? Cesse d'interroger la nature. Prend la nature telle que tu veux qu'elle soit. Tout ne peut t'intéresser, ce serait pure folie, il faudra choisir c'est là ton salut.

Joséphine : Si la vie comme son illusion nous appartient, faisons en notre aventure et de temps à autre notre paradis perdu/retrouvé, ce sera drôle et fantasque. Tu me porteras sur tes épaules, je mettrai les pieds sur des terrains à découvrir.

Bertrand : J'interrogerai les poissons quand nous serons perdus.

Joséphine : Et dire que les minutes, les heures, les jours passent et les années, et où nous sommes nous retrouvés finalement ? Toujours là où ça a commencé.

Bertrand : Et qu'est ce qui nous attend maintenant ??? La vie, l'envie à redécouvrir.

Joséphine : J'aimerai me remplir de tout cet univers, de celui qui promet à mon âme du soleil pour mon cœur et de l'amour à mes yeux ou l'inverse. De l'ivresse pour les heures à ne plus conter ma peau. Des baisers d'infini et de douceur, et du toucher émerveillé encore. Il faut cela pour nourrir l'âme et des notes plumes à nos oreilles ou des mets suaves à notre goût. Ou encore la course folle des cœurs dans un espace que l'on repousse toujours plus loin autour.

Bertrand : Il faudra tout cela sous notre toit et sous le toit de nos hôtes pour perpétuer la vie, pour l'attirer partout, l'emmener, l'enivrer de ce que nous sommes et seront. Il faudra du courage pour tout accepter et de l'audace pour affirmer ses préférences. Tu devras croire en toi, c'est ton minimum vital. Il te faudra apprendre à te remplir de joie.

Joséphine : Je me reconstruirai dans le temps et l'espace.

sans titre de Marie-Odile GUIGNON

Au commencement était l'obscurité du vide... Et puis une étincelle subtile a jailli d'on ne sait où ? ... Alors un petit espace de plus en plus clair et de plus en plus blanc s'est construit, avec des étoiles d'araignées toutes douces disséminées ça et là dans le presque carré.

Coincés à l'intérieur du cadre blanc cerné d'or, quelques tons violines et roses estompent leurs teintes avant d'accueillir pour l'éternité un couple d'hominidé... D'ailleurs, les voilà qui s'avancent. Tels Adam et Eve de tous les temps. Ils devisent, vaguement enlacés.

Il a mis une tunique ensoleillée emmanchée de carrés et un pantalon de firmament comportant des petits losanges de ciel. Elle vêtue de sa nudité rose étale ses hanches voluptueuses et larges près de son compagnon, l'un de ses bras retient, en les dissimulant, ses seins. A l'origine de ses cuisses, décence oblige, se trace le mini triangle de son sexe caché.
Ils entre tous les deux dans la surprise de ce monde allégorique et plat.

Regardez bien ! Tous les deux ont la tête couverte, lui, d'un bonnet rayé à deux cornes, elle d'une sorte de cloche bordée de rayures.
Et leurs yeux, vous les voyez ? Ils ne se regardent pas !
Elle, l'Eve nue, la bouche décalée vient d'apercevoir un... poisson de profil qui la scrute de face, ils discutent. Ce cichlidé à les yeux doux et une mignonne queue en petit éventail et un coeur tout rouge. Un long dialogue muet les captive.
Lui, l'Adam vêtu, il plonge son regard dans une longue vue à trois et étage et à loupe verte ! Il s'acharne dans l'examen d'un animal mutant à roulettes, c'est un vrai dragon piranha à ailes de chauve-souris et à queue nageoire-hélice-minimum qui fume, sa gueule béante avale l'espace avec l'espoir de sortir par l'angle supérieur. C'est une machine vivante mise au point le plus élevé, sans doute très performante technologiquement qui incontestablement attire l'homme vers le haut...

A chacun son poisson.

En dessous d'eux, un peu en avant, un moignon d'arbre veiné de gris érige sa silhouette verticale tel un phallus oublié. Ça et là quelques signes balistiques : un X rouge, des signes estompés, se perdent à la base du ciel et proche de la terre.
Ces deux-là, campé dans cet univers pâle, je viens de les croiser. Si proche l'un de l'autre et si loin en même temps. Ils s'accompagnent assurément, le geste lié d'une part par la main noueuse et étalée du masculin sur la taille nue féminine, et d'autre part par l'appui de la main close féminine s'appuyant sur le torse, à l'emplacement du coeur masculin. Je les observe, à l'affût d'un mouvement... D'un pas de danse... D'un bond... D'un fantastique à surgir... Des couleurs de l'aurore...

La petite musique du jour fera-t-elle entendre ses notes cristallines pour bouleverser l'ordonnance de la représentation ?
L'issue du tableau est, peut-être, en haut, à droite ?
Est ce que ça bouge ? Anima...


"Le monde de Némo revisité" de Céline CORNAYRE

C'est bien à travers le regard de l'autre que nous existons, n'est ce pas ? Alors pourquoi est ce que je me sens si triste, plus, morose, pathétique … Et bien parce que je ne la regarde pas, la dame, je la supplie de me regarder. Et elle, elle me voit mais elle ne me regarde pas, c'est ce que je ressens du moins. Comme à l'époque où j'étais coincé dans mon aquarium dont je connais les moindres détours et contours par cœur. J'avais toujours cette impression pénible d'être aussi transparent que la vitre, c'était tragique, vraiment.

La main sur le cœur du monsieur tressaille à chaque pulsation, c'est étrange, ou bien est ce le fruit de mon imagination.
Le visage de la dame est à la fois tout proche et tout loin de moi.
Un monde entier nous sépare.
Peut-être à cause de cette main qui la tient, que je ne vois pas mais que je devine.
Peut-être alors parce qu'elle n'est pas seule et qu'ils sont deux, et moi un.
Et un et un, ça fait deux.
Et un tout seul, ça reste un.
Une chose me choque : pourquoi la dame est-elle habillée et pas le monsieur ? A moins que ce ne soit l'inverse ; en tout cas, j'affirme ce que je dis sans me contredire, ils sont pas habillés pareils, c'est une certitude.
Est-ce pour mieux marquer leurs différences ?
Pour se valoriser l'un et l'autre aux yeux du monde ?
Ou enfin pour attirer l'attention de l'autre ?

Sais pas. Et impossible de savoir.
Un monde entier nous sépare.

J'ai vu le même à Auchan pense la jeune femme accrochée à son arlequin, lui-même en pleine extase extatique devant Nomé, un de mes cousins éloignés. Normal, il est plus impressionnant que moi, la bouche grande ouverte vers l'avenir, il sait qu'il va sortir, il ne sent pas, il sait.
Il regarde vers le haut, le monsieur, comme elle regarde vers le bas, la dame. C'est bizarre. Ils sont deux mais on dirait qu'un monde entier les sépare, eux aussi.

Un troisième cousin encore plus éloigné, Nimbus, est tout hérissé d'admiration. Le corps levé vers le ciel, on dirait que son âme s'élève avec.
Ce serait bien si la dame et le monsieur pouvaient baisser les yeux et le regarder, cela leur ferait prendre un peu de hauteur, mieux, de grandeur d'âme.

Au moment où je pense ce que je viens de dire, je sens la main se resserrer davantage, le cœur battre plus vite, les couleurs jusqu'ici ternes et sans chaleur prendre forme et devenir flammes.
Et là, ce n'est pas mon imagination.

Elle ne me voit plus, elle me regarde, enfin.
Il ne l'étreint plus, il et elle ne font plus qu'un, enfin.
Nomé le bien et Nimbus le bon comprennent enfin, eux aussi, que la vie n'est pas ailleurs, mais bien ici. Nomé en fermerait presque sa bouche tellement il n'en revient pas.

Et moi du coup, si vous tenez à le savoir, je reste un, c'est sûr ;
irrémédiablement, je n'en sais rien.
Mais j'existe,
Enfin.

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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