SAMEDI 13 mai 2023
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
"Se doter d'une inspiration extralarge, année 2"

Animation : Régis MOULU

Thème : Initier de magiques relations en un claquement de doigts

Notre rapport au monde et aux autres nécessite un soin particulier tant il traduit notre capacité à nous lier et à nous relier. Aussi cela prendra la forme régénérante de complicité, sympathie, amour, symbiose, osmose, télépathie, ou que sais-je. D'ailleurs ce désir, cet investissement nourri, cette volonté de se raconter doublée d'un sens de la découverte et de l'échange sera si puissant et si mobilisant qu'on y verra quelques formes de magie. C'est cet aspect irrationnel et sensationnel que nous allons approcher afin que nos textes soient à leur tour magiques !

Remarque : au-delà de la contrainte formelle (thème), le sujet suivant a été énoncé en début de séance :

Alors que deux personnes se croyaient « vaincues par leur complicité et leur proximité », suite à une pensée nouvelle ou à un événement nouveau, elles vont découvrir qu'elles peuvent refaire un bout de chemin ensemble, ce qui par moments leur paraîtra follement magique.
Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support contenant notamment toutes les formes de relations vues sous des enjeux psychologiques et un focus sur la télépathie a été distribué en ouverture de session.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):


- "Obligatoirement un as" de Régis MOULU

 

 

"Obligatoirement un as" de Régis MOULU, animateur de l'atelier


Notre vie était une réussite.
Nous étions heureux
et confortables.
Tout s'écrivait d'avance.
Nous étions donc morts.
Je me coupai une main. La vie reprit.

Et puis j'appris à m'habiller de silence.
Chaque parole concédée revêtit alors
la braise des confidences.
Bouche en chardon,
à la liqueur.

Construire mon aura m'occupa
jusqu'à mon décès.
D'abord je la rêvai,
puis je l'espérai visible,
enfin je la visualisai en me mirant
dans la porte vitrée
qui va au petit salon
avec son grand tapis.

Là, Mirabelle m'attendait.
Elle avait changé de visage.
Ça allait beaucoup plus loin
que la remise en cause d'un maquillage.

Son âme, ce vieux dinosaure exigeant,
la tendait
comme l'on eût défroissé un drap,
à coup de vapeurs successives.

En vrai, elle se confondait
avec ses poumons.
Et moi aussi.
Elle était assise sur le bord de la chaise
de mon arrière grand-mère,
telle une carte prête à s'abattre.
Obligatoirement, un as.

Des larmes me coulaient sur les pieds.
J'essayai alors un nouveau sourire,
me convainquant
que c'était mon tout premier.
La lumière gonflée du rose-saumon
de l'abat-jour
nous plongea dans sa marmite flamboyante,
mais l'on n'était pas pour autant « sépia »
comme lorsqu'on laisse divaguer le temps
hors de notre corps,
hors de nos esprits.
Un ballet nautique s'ensuivit.

Les ondulations du bonheur
nous firent vibrer l'un et l'autre.
C'est entre le tremblement
qui rappelle la mécanique de la peur
et « de cette frénésie
qui implose l'entendement ».      

Paupières qui tressautent :
notre film semble en accéléré.

La peau est un cuir presque bleu.

Un corps qui s'approche
d'un autre corps
bouleverse l'air qui s'échappe
comme une envolée de moineaux.
Nos pieds devinrent alors
des pointus de lame de couteau.

De nos têtes fiévreuses,
les tentacules de nos pensées s'entremêlent,
se jaugent, s'essayèrent,
jamais ne se nouèrent, vous comprenez.
Des muscles avec « nos intentions sur pédoncules ».

Anémones des mers en balade,
esprits qui cherchent les interstices de l'autre,
les trésors dans les coffres.

« Cintre » que mon sternum
qui avance,
chamboulant les lois de mon physique,
on passe sa vie à vouloir accoster,
je sais, aujourd'hui,
qu'il ne faudra jamais le faire.

Les arabesques d'un parfum de jasmin
nous comblent de ses confettis.
Ivresse à s'évanouir,
et pourquoi pas ?

Je n'ai plus peur du coma.

De même que je ne m'interroge plus
sur là où je suis,
car « le crime de vivre »
m'habite à présent.

Je progresse dans ce sauna de frissons,
avec des tempes étirées, acuminées,
psychiquement ça me ferait presque des cornes,
ce dont j'ai toujours rêvé.
En rouge.

Ses yeux sont deux mondes en rotation,
un voyage interminable
qu'il va me falloir préciser,
rallier de tout mon cœur.

J'aime le bistre de sa fatigue sur sa peau,
ces orbites intermittentes,
cet acompte tragique.
Le corps, c'est avant tout
et même seulement
une somme de relâchements
empaquetés de raison
et de savoir-être.

Sa chair est ma confidente préférée.
On cause terriblement ensemble.
Elle se cabre légèrement,
subtilement
mais infiniment et totalement dans cette petitesse,
comme l'on se rassurerait
de mettre le rôti au frigo,
car la joie s'étire et se fractionne
afin que celle d'aujourd'hui
se retrouve demain.
On est déjà demain.

Nous avons des cous de chevaux.
En voyant le sien,
je réarme le mien,
le présumant déjà girafe.
Néanmoins, ce ne fut pas le cas.

Elle douta de ma présence,
pourtant je reniflai fort,
mais ce n'est que ma « petite vision des choses ».
Et je préférai encore et toujours
me dire que ça ne valut rien
tant elle seule savait
la façon dont il fallait me voir.

« Je suis un assemblage de couleurs qui bougent »…
Voilà que je fonds les perceptives
comme l'on s'affûterait
au contact de l'oxygène,
cette vaste pierre à aiguiser.

Écorché je me sens. Donc immense.
Je me rêve ensuite « enfant adoptif
de la réalité augmentée ».

Puis une petite phrase courte
que je prononçai
a suffi pour la faire déglutir.
Mirabelle devient d'un coup, sous mes yeux,
une autre femme
même si je percevais en elle
toujours un peu de préhistoire.

Lèvres parfaites
comme la toile trempée d'un « K-way rouge »,
or tout ce vaisseau bouge
avec la vitalité d'un lombric
surpris par le jour
qu'a précipité
un innocent coup de binette.

C'est un supplice pour moi,
un enfer de noyade interminable
auquel je n'entends pas échapper.

L'aspirateur est en marche :
autrement dit, à elle je suis entièrement dédié.
Forcément, j'éclate d'avoir en moi
un trop plein de poésie
qui m'est excessivement étranger.

Et tout ça tombe sous le régime de l'amusement.
Dans mon rire
que j'espère de tout mon sang vrai,
elle y met le sien,
doté d'une dentition suprême.

Les roulés-boulés n'en finissent plus,
et nous restâmes longtemps
dans l'essoreuse à salade de la complicité
qui oublie parfois ses sphincters.

Le plaisir est un matelas
avec une bourre d'algues
sèches comme une boîte de mouchoirs en papier.

On s'étonne sans se parler.
On s'aime sans s'enlacer.
On prend congés l'un de l'autre
sans même avoir à partir.

La multitude de représentations de chacun de nous
se superposent avec celles de l'autre
afin de former une rivière de questions
où l'on se baigne allègrement. Nus.

Des animaux de philosophies
me parcourent
mais à trop vouloir les discerner,
ils s'enfuient.

J'en garde encore
la sensation d'avoir été brassé.
Peut-être alors que je ressemble à une bière artisanale.

Il me reste des doutes sur mon envergure réelle,
alors je la consulte
en avançant mon unique main.
Ses réactions me définiront indéniablement.

Je guette le moment
où la lueur de la vie
réanimera son pantin de visage.
Mais déjà la moelle-laser de sa colonne vertébrale
vrombit,
me jettera tous ses feux.
Ça m'impressionne.
On vient d'atteindre la température de la confiance.

Je ne sais plus si sa jupe est un nimbe ou pas.
Je ne sais plus si ses cheveux sont une perruque ou pas.
Je ne saurai jamais si ses paroles
sortent de sa bouche ou d'ailleurs,
– « d'ailleurs », mais d'où ?

Je découvre alors que mon intuition
n'est toujours pas rentrée de vacances,
mais je la comprends aisément.

Osmose,
sympathie,
aimantation
sont des vents nouveaux qui me traversent,
me remodèlent
comme le feraient les mains artistes
d'un sculpteur généreux.

Dans mon cerveau,
je recompose après coup
ce que fut la sensation de la caresse
qu'elle me prodigua,
cet effleurement
qui a valeur de pétrissage,
cette phrase cutanée
qui m'a fait entendre des voix,
ce cadeau emballé de velours
qui a la permanence d'un tatouage,
cette mésange envolée
au pays où ma réjouissance
a fait sa demande d'asile,
réponse toujours en cours de traitement.

Durant ce temps,
beaucoup d'heures se sont écoulées.
Des jours, des semaines,
voire même un nombre incalculable
d'éternités.

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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