Ci-après quelques textes produits durant la séance,
notamment (dans l'ordre):
- "L'horloge de l'amour" de Janine BERNARD
- "Pourquoi pas..." d'Angeline LAUNAY
- "Message in a bottle" de Céline CORNAYRE
- "SOS... SOS... SOS... " de Marie-Odile GUIGNON
- "La couleur du passé" de Janine NOWAK
"L'horloge
de l'amour" de Janine BERNARD
photo
de la carte reçue (illustration choisie par l'auteur)... alors
que le texte à l'envers de la carte a été écrit
par Angeline LAUNAY (hasard) :
Chaussée des Géants, le 7 juin 2008-06-08
" A Jan, qui m'a toujours percée à jour. Devineras-tu ce qui m'arrive…
C'est fou, c'est stupide, c'est incroyable… Est-ce vrai… Le temps m'est
tombé sur un coin de tête et il en sort un torrent de truites… Comme
elles, je rame pour remonter le courant ! Bon baisers d'Irlande. Ange.
"
Réaction produite
Mon Ange, Incorrigible tu es, incorrigible tu resteras.
Et je vois, une fois encore, que la folie des grandeurs ne te quitte
pas. Faut-il être fantasque pour habiter la Chaussée des Géants ! Que
tu aies suivi ton irlandais passe encore. Sa tignasse et son caractère
d'âne buté t'ont subjuguée. Admettons. Mais toi qui ne supporte que
le sabot suédois Scholl, vivre à la Chaussée des Géants, je redoute
le pire.
Aurais-tu trouvé chaussure à ton pied ?
Dans ta tête, où le temps, dis-tu, s'est arrêté et où les truites irlandaises
remplacent les quelques neurones libres qui y restaient, que s'est-il
donc passé ? Car, enfin, je compte et recompte lettres et cartes reçues
depuis tant d'années, toujours plus folles, frivoles et endiablées.
Combien en as-tu pisté de ces enjôleurs trop souvent aléatoires, censés
te procurer, avenir, sécurité, stabilité ? Et quoi ? Quelques cartes
plus tard, tu nous reviens le pied meurtri, l'oreille basse, l'œil torve,
déçue, dépitée, désappointée. L'horloge du temps ne te calme donc pas
?
Les tiens me le disaient encore récemment : " Notre Ange rebat des ailes,
elle va encore s'envoler Dieu sait où ! ".
Moi qui te connais bien et qui sait combien durillons, oeils de perdrix
et corillons te font souffrir, ton adresse annoncée m'a glacé le sang.
Et il va falloir t'en ingurgiter du bon whisky de Saint Patrick pour
arpenter la chaussée irlandaise ! Des géants de surcroît !
Toi qui as tant de mal à avancer, dans la vie j'entends, à mettre ne
serait-ce qu'un pied devant l'autre, as-tu trouvé un nouveau petit fauteuil
roulant ? Un nouveau podologue irlandais ? Ou bien l'Amour de ton géant,
t'a-t-il à ce point coupé les pattes ?
Peut-être as-tu péché (enfin !) le gros poisson, c'est cela la grande
nouvelle ?
Le vrai dauphin ou le vrai requin? Truite tu es, vraiment, truite tu
resteras !
Les tiens et moi-même désirons tant que tu trouves enfin ce que tu cherches…
Ainsi, es tu. A la première carte, tu t'emballes, tu marches un temps,
tu te fatigues et la carte suivante annonce le déclin et la débâcle.
Aussi, nous ne cherchons plus à découvrir, carte après carte, année
après année, le sens de tes découvertes si extraordinaires. Nous attendons.
Nous t'attendons. Et comme un torrent fatigué, tu nous reviens d'ordinaire
par le premier avion. Le pied ankylosé, en feu, boitillant, la babouche
en berne pour retrouver, enfin, le chemin de ta tribu.
Sans vouloir gâcher l'illumination qui, une fois encore, semble être
la tienne, et au regard de ta carte postale très explicite, je te propose,
à mon tour, un tour d'horloge, inverse, à contre temps, histoire de
t'en faire gagner un peu !
Ainsi, aux Baisers, j'opposerais les Bouderies.
Aux Caresses, le Rebrousse poils.
aux Transports d'Amour, le Silence. A la Joie, la Déprime. A la Tendresse,
l'Eloignement. Aux Frissons, la Froideur.
Au Désir, la Répulsion.
A l'Amour, le Désenchantement.
A la Passion et l'Extase ? la Fuite et le Galop ! Le Galop !
Rapplique, pied fragile, avant que ton Barbe Bleue d'Irlande ne t'ai
boulottée.
Et si je me trompe, ce que je souhaite, (oh ! Combien !) Les tiens et
moi même seront là pour te ramasser. Car le miracle tant attendu, quand
il se présente, n'en est plus vraiment un.
Tu y crois encore ? Alors, seul le temps dira qui a fait tourner les
aiguilles dans le bon sens.
Tiens nous au courant, tête de linotte,
Signée : Ta rabat-joie qui pense à toi (quand même !).
"Pourquoi
pas..." d'Angeline LAUNAY
photo de la carte reçue (illustration choisie par l'auteur)...
alors que le texte à l'envers de la carte a été
écrit par Régis MOULU (hasard) :
Tu verrais ce qu'il se passe ici, Angeline ! Au début,
j'ai cru que j'avais des mouches dans les yeux et c'est après que j'ai
réalisé que " les formes géométriques semblables s'attirent toujours,
toujours ! "
Je te laisse, trop envieux de trouver l'avion ou l'étoile de mer géante
sur lesquels m'allonger. Poussières de bisous.
Crater le fantôme
Réaction produite
Pourquoi pas
Je verrais ce qu'il se passe ici
Je chasserais les mouches de mes yeux
Réalisant que les formes géométriques semblables
Toujours s'attirent toujours
Embarquement immédiat dans l'avion de toutes les envies
Je vole à la recherche de l'étoile de mer géante
Pour l'heure, je m'allonge sur les banquettes de ce vaisseau
Poussières d'étoiles
Bons baisers des étoiles
Nous survolons le cratère enfumé de l'Etna
Le fantôme me propulse au-delà des mers
Et, de près en près, je vais plus loin
Plus loin que ce théâtre en ruines
Plus loin que cette montagne effusive
Plus près du centre de la terre et de la mer
A la recherche de l'étoile de mer géante
Sur laquelle s'allonger
Je finis par m'endormir sous l'effet des cachets de Nautamine
Sans même songer à songer
Passagère étonnée de ce voyage insolite
J'ai rempli mes papiers
J'ai ôté mes souliers
Et je m'en suis allée
Fouillé dans mes idées
Jeté le jeu de dés
Et pris quelques cahiers
J'ai souri sous la pluie
C'était presque midi
Suis arrivée ici
J'ai arrosé mes buis
J'ai planté mes radis
Dit " adieu " aux ennuis
Je me réveille sur l'océan du soir
A l'instant où chavire la chaloupe du rêve
Mon esprit embrumé s'aventure sur les versants du volcan
Il en revient crissant mais étrangement libéré
Et pourquoi pas
Je verrai ce qu'il se passe ici
J'ai chassé les mouches de mes yeux
La carte postale m'a parlé
Il faut que je lui réponde
Que je la mette au courant de mes intentions
D'aller chercher l'étoile de mer géante
Peut-être vais-je la trouver en Sicile
Ile en forme de triangle
Triangle de terre dans la mer
Les formes géométriques semblables s'attirent
Toujours s'attirent
Le triangle avec le triangle
Dessinant l'étoile
Aborder à l'étoile
Cette nuit, m'allonger sur le sable de l'étoile
Les yeux dans les étoiles
Plus besoin de louvoyer
J'échoue sur l'île de mes années à venir
Balayée par les vents qui chantent
Je ne connais ni les toits, ni les rues
Mais il n'est pas besoin de se repérer pour se sentir là où il faut
Là où il faut, cela suffit
Cela se passe d'explication
Je devine où cela se trouve à la tiédeur d'un souffle qui fraîchit
On se sent comme lorsqu'on ne comprend plus rien
Parce qu'il n'y a plus rien à comprendre
Parce que l'on a compris quand même et que cela suffit
Et je reste du côté écrit de la carte postée
Je réponds à Crater, au fantôme
Mais comment communiquer d'un monde à l'autre
De quel monde à quel autre monde
J'écris cependant ces mots " en riposte à la carte postée "
En réponse à la carte pistée
Je vois très bien ce qu'il se passe ici
Pas de mouches dans mes yeux
Il ne se passe rien
Et pourtant, ce vol mène où il se doit de mener
Sur l'étoile de mer géante
Délimitée par les doigts du hasard
Qui dessinent des anses et des caps
Des lignes courbes et des lignes droites
Des formes géométriques semblables qui toujours s'attirent
Et puisque je suis arrivée jusqu'ici
J'en profite pour retourner la carte postée
Sur un animal étrange
Il se tient devant un escalier de pierre
Il renifle quelque chose par terre
C'est un loup tacheté qui suit le fil de sa vie sauvage
Autour de lui, un décor
Où mènent les rampes
Où montent les marches
Vers quelle porte, quelle demeure
Le loup ne s'en préoccupe pas
Je connais ce loup
Il sait que je suis là
Il n'a pas besoin de me le faire savoir
Il sait que je sais
Cela se passe de regard
De grognement d'aise
De tapotement amical sur le dos
Le loup voit ce qu'il se passe
Il n'a pas de mouches dans les yeux
Sait-il que les formes géométriques semblables s'attirent toujours,
toujours
Un loup n'a pas besoin d'emprunter l'avion
Ni de chercher l'étoile de mer géante sur laquelle s'allonger
Il est l'avion et l'étoile
Il est le loup tacheté qui suit le fil de sa vie sauvage
J'attends le soir
J'attends qu'il s'allonge près de moi
Sur une île délimitée par les doigts du hasard
Je devine que le loup est mon semblable
Que toujours il m'attire, toujours
Je vois ce qu'il se passe ici
Tout près du centre de la terre et de la mer
Et je vais aller m'allonger à côté du loup tacheté de la carte postée
Dans l'île d'à côté
En forme d'étoile de mer géante
"Message
in a bottle" de Céline CORNAYRE
photo de la carte reçue (illustration choisie par l'auteur)...
alors que le texte à l'envers de la carte a été
écrit par Janine NOWAK (hasard) :
(adresse : 3, rue du château de sable 33000 CARCANS)
Temps médiocre. Baignade impossible.
Je me suis réchauffé au …. Calvados !
Que faire de cette bouteille vide ?
Idée la remplir de sable et te la rapporter en souvenir à toi, oh mon
amie la collectionneuse de tous les sables du monde.
Tu n'auras plus qu'à apposer une étiquette avec la date (6 juin 2008)
et le lieu (Plage de Houlgate, Calvados évidemment !).
Et toujours content de moi, ce n'est pas une vulgaire carte postale
que je t'envoie , mais ma photo occupé à cette tâche (vive le numérique).
Gros bisous. Jaja
Réaction produite
Cher Jaja,
Je ne pensais pas voir la Normandie débarquée un jour sur mes côtes
girondines…
Et tu t'en es souvenu aussi, de cette collection entamée dès ma prime
enfance, bravo ! Je l'avais moi-même légèrement laissée aux oublis depuis
ma retraite iodée ici, à Carcans…
Et tu t'es mis au numérique, toi, l'inconditionnel de l'argentique !
Mais où as-tu donc mis ton implacable anti-conformisme ? Cela étant
dit, le résultat est magnifique, les années semblent glisser sur toi
comme mon chat sur ma savonnette… Tu te souviens de Bruce Lee ; et bien
il est immuable, fidèle à ses croquettes et à ton divan que tu aimais
tant ; tu t'en souviens ?
Toute passion abolie, que se cache t-il dans cette photo, cette bouteille
et ce sable…
Et puis cette date sur le message, ce 6 juin … comment ne pas … je ne
suis pas encore tout à fait Alzheimer tu sais !
Mais j'ai un emploi du temps digne de mon fils (toujours cadre dynamique
chez Tartatin.com), tu n'imagines pas ! Alors perdre mon temps à essayer
de percer ce pseudo mystère d'ensablement de bouteille normande, non,
vraiment, non !
Tu veux que je développe ? J'y vais (mais ça va vite te barber, je te
connais)…
Le lundi matin, j'ai stretching au club des Bigoudis, le midi, je déjeune
chez Lilly, tu te souviens de Lilly, celle qui sent la naphtaline ….
Et l'après midi, j'ai football avec mes amies du ballon rond (et oui,
je suis restée sportive, mince et élancée …).
Le mardi matin, je fais mon petit marché, place de l'Ermitage, cette
même place où nous patinions tous les deux quand nous étions gamins,
tient !!
Le midi, je déjeune Chez Michou avec le bon Loïc, toujours aussi beau,
et toujours aussi homo…
L'après-midi, je joue au Bridge avec des copines du club des Dents cariées.
Le mercredi, je pars généralement avec Gérard, pour une journée de pêche
en mer… Je rajeunis de 20 ans quand je suis là-bas ! Adieu arthrose,
polyrhumatismes et autres rides incongrues… Et je suis devenue une as
du maquereau, tu sais, à la pêche comme en cuisine du reste…
Le jeudi matin, je tricote pour la maison de retraite Les derniers jours,
le midi, AH, je suis libre, et l'après-midi, je donne des cours d'anglais
au New York Institute de Pouilly les Flots.
Le vendredi (je t'entends ronfler d'ici), je vais à Arcachon faire le
plein d'huîtres et je passe l'après-midi avec mes trois petits enfants,
Lucas, Laura, et le petit dernier, Charlie… Et le soir, je me dandine
comme je peux au club de salsa d'Arcachon.
Sinon, le week-end, je suis libre…
Tient, je vais en profiter pour remettre ma collection de sables au
goût du jour…
Gros bisous,
Céline
"SOS...
SOS... SOS... " de Marie-Odile GUIGNON
photo de la carte reçue (illustration choisie par l'auteur)...
alors que le texte à l'envers de la carte a été
écrit par Rémi DANO (hasard) :
" Les mains et les pieds pris dans les filets ne m'empêchent
pas de bondir sur l'occasion de t'écrire... ".
Réaction produite
Que fais-tu
Dans cet endroit perdu
Qui semble de nulle part ?...
Ta silhouette noire
Dessine dans le ciel
Ton ombre comme des ailes
D'un bref élan
Au dessus du temps
Tu t'évades des mailles
Étalées vaille que vaille...
J'ai bien saisi
Que ton nouveau logis
C'est un bateau
Qui vogue sur l'eau.
.. Pêche hasardeuse,
Pêche miraculeuse !
Avec ton allure féline
Je t'imagine
Au fond de la cale
Pour une douce cavale...
Depuis ton départ, j'ai erré partout dans la maison et le jardin ! J'ai
publié un avis de recherche dans le journal, collé des affiches sur
les murs des carrefours avec ta description : Yeux vert-doré en amandes,
un regard pénétrant... Une fine dentition nacrée... une petite langue
rose délicieuse... Douce à caresser...
Je n'ai pas osé joindre ta photo par crainte de représailles à ton égard.
J'ai donné mon numéro de portable mais je le regrette !... Il sonne
presque 24h sur 24 ! D'un coté cela me distrait donc m'évite de déprimer...
Mais les gens veulent trop de détails et ça m'agace... Je me demande
s'ils ne sont pas volontaires pour te kidnapper ? Ils se renseignent
sur ci ou ça... J'essaie d'être à la fois précise et évasive, mais ce
n'est pas aisé !
J'ai envie que tu reviennes par ici...
Je m'ennuie sans ta présence même furtive.
Ce court message de signe de vie me ravigote un brin. Cependant, l'énigme
reste entière pour moi ?...
Notre lieu de vacances me semblait des plus satisfaisants :
Nous pouvions garder notre indépendance, aller où bon nous semble, à
notre rythme... Soleil le jour ou lune la nuit... Végétation abondante
ou relief rocheux... Animation des rues ou calme des sables blonds...
Et cela, tout en sauvegardant les quelques instants de retrouvailles
indispensables à notre équilibre.
Heureusement que ta carte m'est parvenue parce que j'ai cru mourir de
détresse... Mes mains ne savait plus où glisser tendrement pour me rassure
et me détendre...
Malheureusement, je ne sais pas quand ta croisière va prendre fin ?
Quelle idée saugrenue t'a propulsé sur cette embarcation ? Une filature
? Tu souhaitais jouer les détectives privés ?... Ou bien un parfum,
une odeur curieuse qui t'as mené par le bout du nez ?...
Le résultat c'est que le cargo à bien levé l'ancre pendant que tu poursuivais
ton enquête... Et depuis, moi, je suis restée sur la terre ferme, pour
rentrer seule à la maison !
Alors, j'essaie bien de m'évader à mon tour en imaginant ton aventure...
Mais en même temps... J'ai conscience que je peux te perdre à tout jamais....
J'espère désespérément ton retour.
Et en attendant je t'écris tendrement, bêtement : c'est clair ! Parce
que tu navigues sans doute incognito, c'est donc impossible de te joindre
aux escales, et si tu fais le tour du monde... Mes chances s'amenuisent
encore plus...
Mon chaton sombre que je chéris tendrement, mon trésor de souplesse,
ma liberté ambulante, reviens à notre domicile, je peaufine une pluie
de câlins et les dispose harmonieusement sur le canapé.
J'essuie mes regrets et confie aux courants d'air cette missive, à l'adresse
des vents du large... Ça va me permettre de sortir prendre l'air...
"La
couleur du passé" de Janine NOWAK
photo de la carte reçue (illustration choisie par l'auteur)...
alors que le texte à l'envers de la carte a été
écrit par Rémi DANO (hasard) :
"Comment vous dire comme je vous tiens à moi ?
Je me rappelle nos ballades sur les bords de Marne, têtes à têtes silencieux
et roucoulades sans bu *.
Et dire, pourtant, que je ne suis ni homme, ni femme, ni caniche, ni
sauterelle !
Répondez-moi, je ne tiens plus… "
* : en réalité, le mot était " bec ". Une mauvaise interprétation
a fait comprendre " but ".
Réaction produite
" Oh what a surprise ! " comme disent nos amis de l'autre côté de la
Manche. Une carte postale ! Pour moi !
Curieux, elle n'est pas signée… Elle représente une vue de Champigny
(autant dire à côté). Un timbre rouge (à l'effigie d'une Marianne quelconque,
insituable dans le temps), mais pas de tampon… donc pas de date… Et
ce cliché, couleur sépia, qui semble si ancien…
Me voici plongée dans un abîme de réflexions…
Qui m'écrit ? Qui se soucie de moi ?
Quant au texte ! " Je me rappelle nos ballades sur les bords de Marne,
têtes à têtes silencieux, et roucoulades sans but ".
But est écrit " bu ". Ballades - avec deux L - ne devrait pas évoquer
des promenades, mais des chansons ; et puis ce " têteS à têteS, au pluriel
(comme si nous étions bicéphales !).
Qui est ce mystérieux correspondant qui fait des fautes d'orthographe
?
Serait-ce une plaisanterie de mes " chers voisins " ? Possible, après
tout. Envisageable, même.
Qu'il est donc difficile de se soustraire à la curiosité du voisinage
!
Dans mon immeuble (et même ailleurs), je passe pour quelqu'un de très
sympathique. Un peu " décalée ", certes, mais c'est ce qui rend ma compagnie
réjouissante. Toujours prête à rendre service, à dépanner les autres.
Poussée par le louable désir d'être aimable, je vais même jusqu'à câliner
le " foutu " chien de la dame du dessous, qui aboie furieusement dans
l'appartement, dès que sa maîtresse à tourné les talons !
Hé oui, tous ces efforts, sans aucun résultat tangible. Pourtant ils
m'aiment bien, tous. Je le sais ; je le sens. Seulement voilà : j'agis
autrement qu'eux ! Et ça, ça ne pardonne pas. D'où ce léger mépris.
Mais attention : uniquement en Juillet, lorsque me croisant dans l'escalier,
ils me souhaitent " Bonnes Vacances ! " avec un petit sourire acide,
voire écrasant de suffisance. A leurs yeux, je suis une marginale ;
je suis " celle qui ne PART JAMAIS " ! Une tarée, ni plus, ni moins
! Et puis, début septembre, quand la folie des congés payés est terminée,
miraculeusement, tout rentre dans l'ordre.
Or moi, je ne veux pas avoir à me demander s'il est normal ou non de
ne pas voyager. Il faut toujours se justifier, dans la vie. Quelle plaie
!
Sans être "une déshéritée du pavé ", j'ai connu une enfance difficile.
Difficile financièrement. Car mes parents étaient de bons parents, aimants
et attentifs. Dernière née d'une famille de cinq enfants, nous étions
sept, entassés dans un minuscule trois pièces, au fond d'une cour, à
Paris.
Il n'y a pas si longtemps encore, l'idée d'habiter dans un tel endroit
(assimilé un peu vite à un " cul- de- basse-fosse "), aurait fait "
friser le nez " de personnes plus fortunées. A présent, des tas de "
Bobos " sont prêts à lâcher des fortunes pour ces " habitaaaats telllllemeeent
chaaarmaaaants ! ". Ils ont été remaniés, modernisés, c'est vrai ; et
les conditions de vie (un " effectif " raisonnable pour un trois pièces)
en font de très agréables lieux de séjour, il faut bien le reconnaître.
Dans ma jeunesse donc, nos seules " vacances " étaient une " virée "
sur les bords de Marne. En ce temps là, pas de R.E.R. Nous prenions
le train à la Bastille (le fameux train des roses, cher à Raymond Radiguet),
et nous descendions à Joinville-le-Pont pour une journée de plaisirs.
Nous abusions des baignades - autorisées, à cette époque, car non polluées
- (ce qui reste à prouver ; jadis, les microbes passionnaient moins
l'opinion publique. Cependant, il m'est arrivé, bon nombre de fois,
de me gratter plusieurs jours de suite après un dimanche de plongeons
dans la rivière !).
Mon père pêchait ; ma mère, les pieds nus dans l'herbe, tricotait des
pulls pour l'hiver prochain, tout en gardant un œil vigilant sur sa
turbulente progéniture.
Nous apportions le pique-nique du midi, et en fin de journée - oh, régal
! - nous nous attablions dans une guinguette bon marché (encore quelque
chose qui a bien changé !) pour boire vin blanc ou grenadine (suivant
l'âge) et faire une " ventrée " de frites.
Et nous étions heureux !
Précision nécessaire : nous n'étions pas des " imbéciles heureux ".
Nous avions la sagesse de nous satisfaire de ce qui était à notre portée.
Nuance…
L'argent est une obsession de pauvre… et de riche. Mais oui, c'est ainsi.
Cette obsession les rapproche, finalement. Et lorsqu'un pauvre parvient
à s'enrichir vraiment, ce " nouveau riche " verra sa haine DE la société,
se transformer en mépris POUR une certaine société qu'il jugera inférieure
à la sienne. Problème insoluble.
Je n'ai jamais, ni affiché, ni caché mes origines plébéiennes. Je sais
rester à ma place. Mes revenus sont modestes, mais ils suffisent à mes
goûts et à mes ambitions qui sont simples.
Ce n'est pas par choix ni par rejet, mais la vie en a décidé ainsi :
je suis restée célibataire, sans enfant. Ce qui n'empêche pas les gens
de dire, en parlant de moi : " la mère machin " ou " la grand-mère truc
". Je trouve vulgaire et discourtoise cette familiarité, qui n'est pas
méchante bien sûr, mais qui n'a pas lieu d'être. Donc, n'ayant pas connu
une vie de famille " normale ", me voici encore en dehors du moule,
en dehors du monde, en dehors de… LEUR monde.
Pourquoi faut-il absolument se marier, avoir de la descendance et partir
en vacances à tout prix, quoiqu'il arrive, quels que soient les moyens,
quelques soient les catastrophes qui peuvent en découler ?
Le conformisme est pour moi un grand mystère auquel je n'ai jamais pu
faire face. J'essaie de vivre simplement, discrètement, sans provocation
- même s'il m'arrive parfois d'avoir des idées saugrenues ! - Je le
dis sans forfanterie.
Hyppolite !!!
Devant cette révélation, une poignée de secondes, le vertige m'a saisie,
si brutal, que j'ai dû m'adosser au mur, yeux clos, pour ne pas tomber.
Cette écriture " pattes de mouches ", cet humour " à trois sous ", ces
fautes d'orthographe et de français : " comment vous dire comme je vous
tiens à moi ? " (quelle tournure, quelle manière de s'exprimer ! Ancienne
institutrice, je ne peux manquer de réagir, fatalement !).
Hyppolite !!!
Ah non, aucun rapport avec Phèdre ! Hi, hi ! C'est tout juste si ses
parents savaient qui était Racine. Alors Phèdre…
Non. Hyppolite, était tout bonnement le prénom d'un grand-père de ce
jeune-homme, qui devait lui-même le tenir d'un lointain aïeul. Tradition
familiale, coutumière autrefois pour le " non choix " d'un prénom.
Hyppolite a été quelques temps un " petit béguin ", comme on disait
alors (le terme est bien désuet, aujourd'hui). Il était ébéniste. C'était,
selon lui, le plus beau des métiers. Il déclarait volontiers : " Penser
à un meuble (et ce ne sera jamais le même ; ils sont d'une infinie variété),
y rêver presque, le faire naître, lui donner forme peu à peu, est pour
moi un grand plaisir et une grande fierté. Et, enfin terminé, accepter
de le voir partir, sans regret, puisqu'il va faire le bonheur de quelqu'un
".
Ce cher Hyppolite ! Je buvais ses paroles que je trouvais d'une infinie
maturité, étant donné son jeune âge. J'avais 16 ans et lui 20. Nous
habitions dans la même rue. Nos deux familles faisaient parfois route
ensemble pour nos " sorties bord de Marne ". Puis nous avons déménagé.
C'était il y a 50 ans. Je ne l'ai jamais revu.
Tiens, le téléphone ?
Allo ! Oui, monsieur, c'est moi.
Si j'ai regardé dans ma boîte aux lettres ?
Oui… La carte…
Hyppolite !?! C'est bien vous !!!!!!