SAMEDI 7 juin 2008
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
" D'espérance en expériences"

Animation : Régis MOULU.

Auteur invité :
(en cours de recherche)

Thème : Riposte à la carte postée
Se fait en deux temps :
1. Chacun rédige une carte postale sur laquelle est écrite par exemple une énigme, un propos mystérieux, etc. (les cartes postales sont fournies par le facétieux animateur). Puis on se les "envoie", c'est-à-dire que l'animateur les redistribue aussitôt pour que chaque écrivant en ait une.
2. Chacun écrit un texte à partir de la carte reçue (forme épistolaire préférable mais non obligatoire du moment que la carte reçue soit un point de départ pour son imagination - jaillissement d'un conte, intrigue, scène dialoguée, récit, ou poésie possible).


Remarque : possibilité d'amener aussi, si vous le souhaitez, votre carte postale (vacances, sites touristiques, etc.), ça pourra ajouter du rigolo à l'affaire !

Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support évoquant la rédaction d'une carte postale et les caractériqtiques d'une correspondance épistolaire a été distribué... ainsi que des cartes postales recosntituées (20 au choix) !

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Ci-après quelques textes produits durant la
séance, notamment (dans l'ordre):

- "L'horloge de l'amour" de Janine BERNARD

- "Pourquoi pas..." d'Angeline LAUNAY

- "Message in a bottle" de Céline CORNAYRE

- "SOS... SOS... SOS... " de Marie-Odile GUIGNON

- "La couleur du passé" de Janine NOWAK

 

"L'horloge de l'amour" de Janine BERNARD

photo de la carte reçue (illustration choisie par l'auteur)... alors que le texte à l'envers de la carte a été écrit par Angeline LAUNAY (hasard) :

Chaussée des Géants, le 7 juin 2008-06-08
" A Jan, qui m'a toujours percée à jour. Devineras-tu ce qui m'arrive… C'est fou, c'est stupide, c'est incroyable… Est-ce vrai… Le temps m'est tombé sur un coin de tête et il en sort un torrent de truites… Comme elles, je rame pour remonter le courant ! Bon baisers d'Irlande. Ange. "

Réaction produite

Mon Ange, Incorrigible tu es, incorrigible tu resteras. Et je vois, une fois encore, que la folie des grandeurs ne te quitte pas. Faut-il être fantasque pour habiter la Chaussée des Géants ! Que tu aies suivi ton irlandais passe encore. Sa tignasse et son caractère d'âne buté t'ont subjuguée. Admettons. Mais toi qui ne supporte que le sabot suédois Scholl, vivre à la Chaussée des Géants, je redoute le pire.
Aurais-tu trouvé chaussure à ton pied ?
Dans ta tête, où le temps, dis-tu, s'est arrêté et où les truites irlandaises remplacent les quelques neurones libres qui y restaient, que s'est-il donc passé ? Car, enfin, je compte et recompte lettres et cartes reçues depuis tant d'années, toujours plus folles, frivoles et endiablées.
Combien en as-tu pisté de ces enjôleurs trop souvent aléatoires, censés te procurer, avenir, sécurité, stabilité ? Et quoi ? Quelques cartes plus tard, tu nous reviens le pied meurtri, l'oreille basse, l'œil torve, déçue, dépitée, désappointée. L'horloge du temps ne te calme donc pas ?
Les tiens me le disaient encore récemment : " Notre Ange rebat des ailes, elle va encore s'envoler Dieu sait où ! ".
Moi qui te connais bien et qui sait combien durillons, oeils de perdrix et corillons te font souffrir, ton adresse annoncée m'a glacé le sang.
Et il va falloir t'en ingurgiter du bon whisky de Saint Patrick pour arpenter la chaussée irlandaise ! Des géants de surcroît !
Toi qui as tant de mal à avancer, dans la vie j'entends, à mettre ne serait-ce qu'un pied devant l'autre, as-tu trouvé un nouveau petit fauteuil roulant ? Un nouveau podologue irlandais ? Ou bien l'Amour de ton géant, t'a-t-il à ce point coupé les pattes ?
Peut-être as-tu péché (enfin !) le gros poisson, c'est cela la grande nouvelle ?
Le vrai dauphin ou le vrai requin? Truite tu es, vraiment, truite tu resteras !
Les tiens et moi-même désirons tant que tu trouves enfin ce que tu cherches…
Ainsi, es tu. A la première carte, tu t'emballes, tu marches un temps, tu te fatigues et la carte suivante annonce le déclin et la débâcle. Aussi, nous ne cherchons plus à découvrir, carte après carte, année après année, le sens de tes découvertes si extraordinaires. Nous attendons. Nous t'attendons. Et comme un torrent fatigué, tu nous reviens d'ordinaire par le premier avion. Le pied ankylosé, en feu, boitillant, la babouche en berne pour retrouver, enfin, le chemin de ta tribu.
Sans vouloir gâcher l'illumination qui, une fois encore, semble être la tienne, et au regard de ta carte postale très explicite, je te propose, à mon tour, un tour d'horloge, inverse, à contre temps, histoire de t'en faire gagner un peu !
Ainsi, aux Baisers, j'opposerais les Bouderies.
Aux Caresses, le Rebrousse poils.
aux Transports d'Amour, le Silence. A la Joie, la Déprime. A la Tendresse, l'Eloignement. Aux Frissons, la Froideur.
Au Désir, la Répulsion.
A l'Amour, le Désenchantement.
A la Passion et l'Extase ? la Fuite et le Galop ! Le Galop !
Rapplique, pied fragile, avant que ton Barbe Bleue d'Irlande ne t'ai boulottée.
Et si je me trompe, ce que je souhaite, (oh ! Combien !) Les tiens et moi même seront là pour te ramasser. Car le miracle tant attendu, quand il se présente, n'en est plus vraiment un.
Tu y crois encore ? Alors, seul le temps dira qui a fait tourner les aiguilles dans le bon sens.
Tiens nous au courant, tête de linotte,

Signée : Ta rabat-joie qui pense à toi (quand même !).

 

"Pourquoi pas..." d'Angeline LAUNAY

photo de la carte reçue (illustration choisie par l'auteur)... alors que le texte à l'envers de la carte a été écrit par Régis MOULU (hasard) :

Tu verrais ce qu'il se passe ici, Angeline ! Au début, j'ai cru que j'avais des mouches dans les yeux et c'est après que j'ai réalisé que " les formes géométriques semblables s'attirent toujours, toujours ! "
Je te laisse, trop envieux de trouver l'avion ou l'étoile de mer géante sur lesquels m'allonger. Poussières de bisous.
Crater le fantôme

Réaction produite

Pourquoi pas
Je verrais ce qu'il se passe ici
Je chasserais les mouches de mes yeux
Réalisant que les formes géométriques semblables
Toujours s'attirent toujours
Embarquement immédiat dans l'avion de toutes les envies
Je vole à la recherche de l'étoile de mer géante
Pour l'heure, je m'allonge sur les banquettes de ce vaisseau
Poussières d'étoiles
Bons baisers des étoiles
Nous survolons le cratère enfumé de l'Etna
Le fantôme me propulse au-delà des mers
Et, de près en près, je vais plus loin
Plus loin que ce théâtre en ruines
Plus loin que cette montagne effusive
Plus près du centre de la terre et de la mer
A la recherche de l'étoile de mer géante
Sur laquelle s'allonger
Je finis par m'endormir sous l'effet des cachets de Nautamine
Sans même songer à songer
Passagère étonnée de ce voyage insolite
J'ai rempli mes papiers
J'ai ôté mes souliers
Et je m'en suis allée
Fouillé dans mes idées
Jeté le jeu de dés
Et pris quelques cahiers
J'ai souri sous la pluie
C'était presque midi
Suis arrivée ici
J'ai arrosé mes buis
J'ai planté mes radis
Dit " adieu " aux ennuis
Je me réveille sur l'océan du soir
A l'instant où chavire la chaloupe du rêve
Mon esprit embrumé s'aventure sur les versants du volcan
Il en revient crissant mais étrangement libéré
Et pourquoi pas
Je verrai ce qu'il se passe ici
J'ai chassé les mouches de mes yeux
La carte postale m'a parlé
Il faut que je lui réponde
Que je la mette au courant de mes intentions
D'aller chercher l'étoile de mer géante
Peut-être vais-je la trouver en Sicile
Ile en forme de triangle
Triangle de terre dans la mer
Les formes géométriques semblables s'attirent
Toujours s'attirent
Le triangle avec le triangle
Dessinant l'étoile
Aborder à l'étoile
Cette nuit, m'allonger sur le sable de l'étoile
Les yeux dans les étoiles
Plus besoin de louvoyer
J'échoue sur l'île de mes années à venir
Balayée par les vents qui chantent
Je ne connais ni les toits, ni les rues
Mais il n'est pas besoin de se repérer pour se sentir là où il faut
Là où il faut, cela suffit
Cela se passe d'explication
Je devine où cela se trouve à la tiédeur d'un souffle qui fraîchit
On se sent comme lorsqu'on ne comprend plus rien
Parce qu'il n'y a plus rien à comprendre
Parce que l'on a compris quand même et que cela suffit
Et je reste du côté écrit de la carte postée
Je réponds à Crater, au fantôme
Mais comment communiquer d'un monde à l'autre
De quel monde à quel autre monde
J'écris cependant ces mots " en riposte à la carte postée "
En réponse à la carte pistée
Je vois très bien ce qu'il se passe ici
Pas de mouches dans mes yeux
Il ne se passe rien
Et pourtant, ce vol mène où il se doit de mener
Sur l'étoile de mer géante
Délimitée par les doigts du hasard
Qui dessinent des anses et des caps
Des lignes courbes et des lignes droites
Des formes géométriques semblables qui toujours s'attirent
Et puisque je suis arrivée jusqu'ici
J'en profite pour retourner la carte postée
Sur un animal étrange
Il se tient devant un escalier de pierre
Il renifle quelque chose par terre
C'est un loup tacheté qui suit le fil de sa vie sauvage
Autour de lui, un décor
Où mènent les rampes
Où montent les marches
Vers quelle porte, quelle demeure
Le loup ne s'en préoccupe pas
Je connais ce loup
Il sait que je suis là
Il n'a pas besoin de me le faire savoir
Il sait que je sais
Cela se passe de regard
De grognement d'aise
De tapotement amical sur le dos
Le loup voit ce qu'il se passe
Il n'a pas de mouches dans les yeux
Sait-il que les formes géométriques semblables s'attirent toujours, toujours
Un loup n'a pas besoin d'emprunter l'avion
Ni de chercher l'étoile de mer géante sur laquelle s'allonger
Il est l'avion et l'étoile
Il est le loup tacheté qui suit le fil de sa vie sauvage
J'attends le soir
J'attends qu'il s'allonge près de moi
Sur une île délimitée par les doigts du hasard
Je devine que le loup est mon semblable
Que toujours il m'attire, toujours
Je vois ce qu'il se passe ici
Tout près du centre de la terre et de la mer
Et je vais aller m'allonger à côté du loup tacheté de la carte postée
Dans l'île d'à côté
En forme d'étoile de mer géante



"Message in a bottle" de Céline CORNAYRE

photo de la carte reçue (illustration choisie par l'auteur)... alors que le texte à l'envers de la carte a été écrit par Janine NOWAK (hasard) :

(adresse : 3, rue du château de sable 33000 CARCANS)
Temps médiocre. Baignade impossible.
Je me suis réchauffé au …. Calvados !
Que faire de cette bouteille vide ?
Idée la remplir de sable et te la rapporter en souvenir à toi, oh mon amie la collectionneuse de tous les sables du monde.
Tu n'auras plus qu'à apposer une étiquette avec la date (6 juin 2008) et le lieu (Plage de Houlgate, Calvados évidemment !).
Et toujours content de moi, ce n'est pas une vulgaire carte postale que je t'envoie , mais ma photo occupé à cette tâche (vive le numérique).
Gros bisous. Jaja

Réaction produite

Cher Jaja,

Je ne pensais pas voir la Normandie débarquée un jour sur mes côtes girondines…

Et tu t'en es souvenu aussi, de cette collection entamée dès ma prime enfance, bravo ! Je l'avais moi-même légèrement laissée aux oublis depuis ma retraite iodée ici, à Carcans…

Et tu t'es mis au numérique, toi, l'inconditionnel de l'argentique !
Mais où as-tu donc mis ton implacable anti-conformisme ? Cela étant dit, le résultat est magnifique, les années semblent glisser sur toi comme mon chat sur ma savonnette… Tu te souviens de Bruce Lee ; et bien il est immuable, fidèle à ses croquettes et à ton divan que tu aimais tant ; tu t'en souviens ?

Toute passion abolie, que se cache t-il dans cette photo, cette bouteille et ce sable…
Et puis cette date sur le message, ce 6 juin … comment ne pas … je ne suis pas encore tout à fait Alzheimer tu sais !

Mais j'ai un emploi du temps digne de mon fils (toujours cadre dynamique chez Tartatin.com), tu n'imagines pas ! Alors perdre mon temps à essayer de percer ce pseudo mystère d'ensablement de bouteille normande, non, vraiment, non !
Tu veux que je développe ? J'y vais (mais ça va vite te barber, je te connais)…

Le lundi matin, j'ai stretching au club des Bigoudis, le midi, je déjeune chez Lilly, tu te souviens de Lilly, celle qui sent la naphtaline …. Et l'après midi, j'ai football avec mes amies du ballon rond (et oui, je suis restée sportive, mince et élancée …).

Le mardi matin, je fais mon petit marché, place de l'Ermitage, cette même place où nous patinions tous les deux quand nous étions gamins, tient !!
Le midi, je déjeune Chez Michou avec le bon Loïc, toujours aussi beau, et toujours aussi homo…
L'après-midi, je joue au Bridge avec des copines du club des Dents cariées.

Le mercredi, je pars généralement avec Gérard, pour une journée de pêche en mer… Je rajeunis de 20 ans quand je suis là-bas ! Adieu arthrose, polyrhumatismes et autres rides incongrues… Et je suis devenue une as du maquereau, tu sais, à la pêche comme en cuisine du reste…

Le jeudi matin, je tricote pour la maison de retraite Les derniers jours, le midi, AH, je suis libre, et l'après-midi, je donne des cours d'anglais au New York Institute de Pouilly les Flots.
Le vendredi (je t'entends ronfler d'ici), je vais à Arcachon faire le plein d'huîtres et je passe l'après-midi avec mes trois petits enfants, Lucas, Laura, et le petit dernier, Charlie… Et le soir, je me dandine comme je peux au club de salsa d'Arcachon.

Sinon, le week-end, je suis libre…
Tient, je vais en profiter pour remettre ma collection de sables au goût du jour…

Gros bisous,
Céline

 

"SOS... SOS... SOS... " de Marie-Odile GUIGNON

photo de la carte reçue (illustration choisie par l'auteur)... alors que le texte à l'envers de la carte a été écrit par Rémi DANO (hasard) :

" Les mains et les pieds pris dans les filets ne m'empêchent pas de bondir sur l'occasion de t'écrire... ".

Réaction produite

Que fais-tu
Dans cet endroit perdu
Qui semble de nulle part ?...
Ta silhouette noire
Dessine dans le ciel
Ton ombre comme des ailes
D'un bref élan
Au dessus du temps
Tu t'évades des mailles
Étalées vaille que vaille...
J'ai bien saisi
Que ton nouveau logis
C'est un bateau
Qui vogue sur l'eau.
.. Pêche hasardeuse,
Pêche miraculeuse !
Avec ton allure féline
Je t'imagine
Au fond de la cale
Pour une douce cavale...

Depuis ton départ, j'ai erré partout dans la maison et le jardin ! J'ai publié un avis de recherche dans le journal, collé des affiches sur les murs des carrefours avec ta description : Yeux vert-doré en amandes, un regard pénétrant... Une fine dentition nacrée... une petite langue rose délicieuse... Douce à caresser...
Je n'ai pas osé joindre ta photo par crainte de représailles à ton égard.
J'ai donné mon numéro de portable mais je le regrette !... Il sonne presque 24h sur 24 ! D'un coté cela me distrait donc m'évite de déprimer... Mais les gens veulent trop de détails et ça m'agace... Je me demande s'ils ne sont pas volontaires pour te kidnapper ? Ils se renseignent sur ci ou ça... J'essaie d'être à la fois précise et évasive, mais ce n'est pas aisé !
J'ai envie que tu reviennes par ici...
Je m'ennuie sans ta présence même furtive.
Ce court message de signe de vie me ravigote un brin. Cependant, l'énigme reste entière pour moi ?...
Notre lieu de vacances me semblait des plus satisfaisants :
Nous pouvions garder notre indépendance, aller où bon nous semble, à notre rythme... Soleil le jour ou lune la nuit... Végétation abondante ou relief rocheux... Animation des rues ou calme des sables blonds...
Et cela, tout en sauvegardant les quelques instants de retrouvailles indispensables à notre équilibre.

Heureusement que ta carte m'est parvenue parce que j'ai cru mourir de détresse... Mes mains ne savait plus où glisser tendrement pour me rassure et me détendre...
Malheureusement, je ne sais pas quand ta croisière va prendre fin ?
Quelle idée saugrenue t'a propulsé sur cette embarcation ? Une filature ? Tu souhaitais jouer les détectives privés ?... Ou bien un parfum, une odeur curieuse qui t'as mené par le bout du nez ?...
Le résultat c'est que le cargo à bien levé l'ancre pendant que tu poursuivais ton enquête... Et depuis, moi, je suis restée sur la terre ferme, pour rentrer seule à la maison !
Alors, j'essaie bien de m'évader à mon tour en imaginant ton aventure...
Mais en même temps... J'ai conscience que je peux te perdre à tout jamais....
J'espère désespérément ton retour.
Et en attendant je t'écris tendrement, bêtement : c'est clair ! Parce que tu navigues sans doute incognito, c'est donc impossible de te joindre aux escales, et si tu fais le tour du monde... Mes chances s'amenuisent encore plus...
Mon chaton sombre que je chéris tendrement, mon trésor de souplesse, ma liberté ambulante, reviens à notre domicile, je peaufine une pluie de câlins et les dispose harmonieusement sur le canapé.
J'essuie mes regrets et confie aux courants d'air cette missive, à l'adresse des vents du large... Ça va me permettre de sortir prendre l'air...

 

"La couleur du passé" de Janine NOWAK

photo de la carte reçue (illustration choisie par l'auteur)... alors que le texte à l'envers de la carte a été écrit par Rémi DANO (hasard) :

"Comment vous dire comme je vous tiens à moi ?
Je me rappelle nos ballades sur les bords de Marne, têtes à têtes silencieux et roucoulades sans bu *.
Et dire, pourtant, que je ne suis ni homme, ni femme, ni caniche, ni sauterelle !
Répondez-moi, je ne tiens plus… "
* : en réalité, le mot était " bec ". Une mauvaise interprétation a fait comprendre " but ".

Réaction produite


" Oh what a surprise ! " comme disent nos amis de l'autre côté de la Manche. Une carte postale ! Pour moi !
Curieux, elle n'est pas signée… Elle représente une vue de Champigny (autant dire à côté). Un timbre rouge (à l'effigie d'une Marianne quelconque, insituable dans le temps), mais pas de tampon… donc pas de date… Et ce cliché, couleur sépia, qui semble si ancien…
Me voici plongée dans un abîme de réflexions…
Qui m'écrit ? Qui se soucie de moi ?
Quant au texte ! " Je me rappelle nos ballades sur les bords de Marne, têtes à têtes silencieux, et roucoulades sans but ".
But est écrit " bu ". Ballades - avec deux L - ne devrait pas évoquer des promenades, mais des chansons ; et puis ce " têteS à têteS, au pluriel (comme si nous étions bicéphales !).
Qui est ce mystérieux correspondant qui fait des fautes d'orthographe ?
Serait-ce une plaisanterie de mes " chers voisins " ? Possible, après tout. Envisageable, même.
Qu'il est donc difficile de se soustraire à la curiosité du voisinage !
Dans mon immeuble (et même ailleurs), je passe pour quelqu'un de très sympathique. Un peu " décalée ", certes, mais c'est ce qui rend ma compagnie réjouissante. Toujours prête à rendre service, à dépanner les autres. Poussée par le louable désir d'être aimable, je vais même jusqu'à câliner le " foutu " chien de la dame du dessous, qui aboie furieusement dans l'appartement, dès que sa maîtresse à tourné les talons !
Hé oui, tous ces efforts, sans aucun résultat tangible. Pourtant ils m'aiment bien, tous. Je le sais ; je le sens. Seulement voilà : j'agis autrement qu'eux ! Et ça, ça ne pardonne pas. D'où ce léger mépris. Mais attention : uniquement en Juillet, lorsque me croisant dans l'escalier, ils me souhaitent " Bonnes Vacances ! " avec un petit sourire acide, voire écrasant de suffisance. A leurs yeux, je suis une marginale ; je suis " celle qui ne PART JAMAIS " ! Une tarée, ni plus, ni moins ! Et puis, début septembre, quand la folie des congés payés est terminée, miraculeusement, tout rentre dans l'ordre.
Or moi, je ne veux pas avoir à me demander s'il est normal ou non de ne pas voyager. Il faut toujours se justifier, dans la vie. Quelle plaie !
Sans être "une déshéritée du pavé ", j'ai connu une enfance difficile. Difficile financièrement. Car mes parents étaient de bons parents, aimants et attentifs. Dernière née d'une famille de cinq enfants, nous étions sept, entassés dans un minuscule trois pièces, au fond d'une cour, à Paris.
Il n'y a pas si longtemps encore, l'idée d'habiter dans un tel endroit (assimilé un peu vite à un " cul- de- basse-fosse "), aurait fait " friser le nez " de personnes plus fortunées. A présent, des tas de " Bobos " sont prêts à lâcher des fortunes pour ces " habitaaaats telllllemeeent chaaarmaaaants ! ". Ils ont été remaniés, modernisés, c'est vrai ; et les conditions de vie (un " effectif " raisonnable pour un trois pièces) en font de très agréables lieux de séjour, il faut bien le reconnaître.
Dans ma jeunesse donc, nos seules " vacances " étaient une " virée " sur les bords de Marne. En ce temps là, pas de R.E.R. Nous prenions le train à la Bastille (le fameux train des roses, cher à Raymond Radiguet), et nous descendions à Joinville-le-Pont pour une journée de plaisirs. Nous abusions des baignades - autorisées, à cette époque, car non polluées - (ce qui reste à prouver ; jadis, les microbes passionnaient moins l'opinion publique. Cependant, il m'est arrivé, bon nombre de fois, de me gratter plusieurs jours de suite après un dimanche de plongeons dans la rivière !).
Mon père pêchait ; ma mère, les pieds nus dans l'herbe, tricotait des pulls pour l'hiver prochain, tout en gardant un œil vigilant sur sa turbulente progéniture.
Nous apportions le pique-nique du midi, et en fin de journée - oh, régal ! - nous nous attablions dans une guinguette bon marché (encore quelque chose qui a bien changé !) pour boire vin blanc ou grenadine (suivant l'âge) et faire une " ventrée " de frites.
Et nous étions heureux !
Précision nécessaire : nous n'étions pas des " imbéciles heureux ". Nous avions la sagesse de nous satisfaire de ce qui était à notre portée. Nuance…
L'argent est une obsession de pauvre… et de riche. Mais oui, c'est ainsi. Cette obsession les rapproche, finalement. Et lorsqu'un pauvre parvient à s'enrichir vraiment, ce " nouveau riche " verra sa haine DE la société, se transformer en mépris POUR une certaine société qu'il jugera inférieure à la sienne. Problème insoluble.
Je n'ai jamais, ni affiché, ni caché mes origines plébéiennes. Je sais rester à ma place. Mes revenus sont modestes, mais ils suffisent à mes goûts et à mes ambitions qui sont simples.
Ce n'est pas par choix ni par rejet, mais la vie en a décidé ainsi : je suis restée célibataire, sans enfant. Ce qui n'empêche pas les gens de dire, en parlant de moi : " la mère machin " ou " la grand-mère truc ". Je trouve vulgaire et discourtoise cette familiarité, qui n'est pas méchante bien sûr, mais qui n'a pas lieu d'être. Donc, n'ayant pas connu une vie de famille " normale ", me voici encore en dehors du moule, en dehors du monde, en dehors de… LEUR monde.
Pourquoi faut-il absolument se marier, avoir de la descendance et partir en vacances à tout prix, quoiqu'il arrive, quels que soient les moyens, quelques soient les catastrophes qui peuvent en découler ?
Le conformisme est pour moi un grand mystère auquel je n'ai jamais pu faire face. J'essaie de vivre simplement, discrètement, sans provocation - même s'il m'arrive parfois d'avoir des idées saugrenues ! - Je le dis sans forfanterie.

Hyppolite !!!
Devant cette révélation, une poignée de secondes, le vertige m'a saisie, si brutal, que j'ai dû m'adosser au mur, yeux clos, pour ne pas tomber.
Cette écriture " pattes de mouches ", cet humour " à trois sous ", ces fautes d'orthographe et de français : " comment vous dire comme je vous tiens à moi ? " (quelle tournure, quelle manière de s'exprimer ! Ancienne institutrice, je ne peux manquer de réagir, fatalement !).
Hyppolite !!!
Ah non, aucun rapport avec Phèdre ! Hi, hi ! C'est tout juste si ses parents savaient qui était Racine. Alors Phèdre…
Non. Hyppolite, était tout bonnement le prénom d'un grand-père de ce jeune-homme, qui devait lui-même le tenir d'un lointain aïeul. Tradition familiale, coutumière autrefois pour le " non choix " d'un prénom.
Hyppolite a été quelques temps un " petit béguin ", comme on disait alors (le terme est bien désuet, aujourd'hui). Il était ébéniste. C'était, selon lui, le plus beau des métiers. Il déclarait volontiers : " Penser à un meuble (et ce ne sera jamais le même ; ils sont d'une infinie variété), y rêver presque, le faire naître, lui donner forme peu à peu, est pour moi un grand plaisir et une grande fierté. Et, enfin terminé, accepter de le voir partir, sans regret, puisqu'il va faire le bonheur de quelqu'un ".
Ce cher Hyppolite ! Je buvais ses paroles que je trouvais d'une infinie maturité, étant donné son jeune âge. J'avais 16 ans et lui 20. Nous habitions dans la même rue. Nos deux familles faisaient parfois route ensemble pour nos " sorties bord de Marne ". Puis nous avons déménagé. C'était il y a 50 ans. Je ne l'ai jamais revu.

Tiens, le téléphone ?
Allo ! Oui, monsieur, c'est moi.
Si j'ai regardé dans ma boîte aux lettres ?
Oui… La carte…
Hyppolite !?! C'est bien vous !!!!!!

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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