SAMEDI 15 mars 2008
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
" D'espérance en expériences"

Animation : Régis MOULU.

Thème : Stylo-maniaco-excessif
Il s'agit, au cours de cette nouvelle séance, d'écrire un texte mettant en scène une petite maniaquerie personnelle (inventée). Mais là où commence cette expérience, c'est que non seulement cette obsession a une influence sur le comportement (la façon de penser) mais elle se traduit aussi par un tic formel qui est ressorti dans le style d'écriture emprunté.
Toute la saveur a été de trouver un état/un problème (inventé) que le tic formel a rendu manifeste !
Ex : si j'ai la mémoire qui flanche (problème sur mon comportement), je peux écrire des phrases dans lesquelles manque le mot le plus important (tic formel), etc.

Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support a été distribué, il contenait notamment la typologie des accidents formels (confusion, métathèse, substitution homonymique...) !

 

 

 

 

 

 

 

 


Ci-après quelques textes produits durant la
séance, notamment (dans l'ordre):

- "Espoirs déçus..." de Janine NOWAK

- "A Marie-Rose" de Janine BERNARD

- "Maniaco-excessive, moi ?" d'Angeline LAUNAY

- "Meh un ! des bananes" d'Anne-Marie PETTRé

"Il est interdit d'interdire" de Céline CORNAYRE

- "C'est quand ce : et d'aujourd'hui portrait d'après..." de Marie-Odile GUIGNON



"Espoirs déçus..." de Janine NOWAK



Un salon cossu. C'est le soir. Lumières tamisées. Feu de bois dans la cheminée. Ambiance chaleureuse.
Un homme est plongé dans sa lecture. C'est Pierre. Il vient tout récemment de franchir le cap de la cinquantaine.
Son livre est terminé. Pierre se lève et va soigneusement le remettre à sa place, dans la bibliothèque. Un instant, son regard caresse les belles éditions brochées. Il passe une main de connaisseur sur un ouvrage relié plein cuir, rêvasse quelques instants.
Puis il se dirige résolument vers son secrétaire, un splendide meuble en acajou avec des tiroirs à secrets. Il s'assoit devant l'abattant ouvert, tire à lui quelques feuilles de papier, et se met à écrire :


" Ma décision est prise : j'ai décidé de mettre fin à mes jours. Ces quelques lignes expliqueront mon geste. La seul-itude me pèse trop. J'imagine l'effet de surprise que causera cette mort choisie. Aux yeux des autres, je représente la joie de vivre et passe pour un gai luron. Mais mon moi profond est tout autre : je suis grave, triste, sombre.
J'ai toujours joué mon rôle à la perfection, déclarant être un seul-ibataire endurci.
Et pourtant … comme j'ai pu tourner en rond, sans compagnie dans cette grande maison !
Alors pourquoi ce seul-ibat volontaire ? Il n'est pas volontaire. Il ne l'a jamais été.
Je me suis toujours montré discret en ce qui concernait mes amours. Malgré plusieurs tentatives, je n'ai jamais pu - ou su ? - retenir aucune femme.
La première de mes fiancées, Seul-imène, une ravissante créole, était adorable. Mais, seul, l'hymen, l'intéressait. J'étais trop jeune, en ce temps là, pour songer au mariage. J'ai pris peur et j'ai rompu.
Puis, il y eut, Seul-ine. Ah, Seul-ine … c'était une artiste, une seul-timbanque, un oiseau sur la branche. Son métier nous a séparés.
Seul-ange a beaucoup compté pour moi. Elle est même l'unique femme avec qui je sois allé loin, très loin, jusqu'à lui offrir une bague de fiançailles, un magnifique seul-itaire, avec un énorme diamant. C'est elle qui a brisé mes projets, un mois avant notre union, par une chaude nuit de seul-stice d'été.
J'ai été très touché, secoué, même. Pendant longtemps, je n'ai plus cherché l'âme sœur. Puis un jour, le joli sourire de Seul-vie et son appétissante seul-houette, ont su me sortir de ma torpeur. C'était une archéologue, spécialisée dans l'art Seul-tique. Mais cette belle relation, fut de courte durée : un jour, elle s'en alla retrouver un certain Seul-vestre, rencontré lors d'une fouille en forêt de Bro-seul-iande.
Enfin, Seul-veg, baptisée ainsi par des parents mélomanes, fut mon dernier coup de cœur. Sa présence lumineuse éclaira pendant quelques courtes semaines, ce triste manoir. Elle disparut à son tour.
Et de nouveau, mon i-seul-ement.
Je me suis jeté à corps perdu dans le travail. Les années ont passé. Le charmant jeune homme que j'étais, s'est transformé en un fringant quinquagénaire. Mes affaires ont prospéré. Mon entreprise est seul-ide, mon compte en banque confortable. Mais personne avec qui partager ma réussite, mes succès : pas de compagne, pas d'enfants.
Ainsi donc, mon geste est réfléchi ; voilà longtemps que j'y pense. Le moment est venu pour moi de disparaître.

Voici mes toutes dernières volontés :

Je lègue à mon grand ami Seul-vain, qui s'est installé lui aussi en Seul-ogne, et avec qui j'ai fait tant de folles chevauchées, ma seul-le Mexicaine, au pommeau argenté.
Mes partitions de musique et mes livres de seul-fège, seront offerts à l'Ecole de Musique de la ville.
Ma seul-ière en argent massif, ainsi que le poivrier assorti, reviendront à Ur-seul-ine, ma fidèle gouvernante. Elle les a fait briller avec application toute sa vie ; il est légitime qu'elle récupère ces beaux souvenirs.
Ma cuisinière Gertrude, qui préparait si bien les seul-sifis dont je raffolais tant, prendra possession de la batterie de cuisine en cuivre.
Victor, mon jardinier, imbattable pour aligner avec rigueur les plants de seul-ades, pourra conserver tous les outils et la tondeuse à gazon achetée récemment.
Ma cousine I-seul-ine, unique femme de la famille, recevra la totalité des bijoux, comme il se doit.
Mon cousin Mar-seul-in, avec qui je suis plutôt en froid, aura l'agréable surprise de se voir attribuer, mes toiles de maîtres. C'est un grand amateur d'art, et il en fera, j'en suis persuadé, bon usage.
Mon autre cousin, An-seul-me, antiquaire chevronné, saura disperser avec discernement, les meubles et objets de valeur qui décoraient les pièces de cette demeure.
Seul-vère, mon copain d'enfance, qui porte un prénom fréquemment utilisé par Molière pour ses personnages, pourra enrichir sa bibliothèque de mes belles collections reliées. Je sais qu'il appréciera.
En ce qui concerne le reste de mes biens, voir avec Maître Seul-omon Bergenstein, mon notaire, chez qui a été déposé mon testament.

Faisant parti des nantis, je semblais tout avoir pour être heureux : physique avantageux, culture, intelligence, réussite sociale, matérielle … et pourtant … Je suis un handicapé du sentiment, un accidenté de la vie.
Qui a tiré les fi-seul-les du pauvre pantin que je suis ? Je me suis beaucoup agité … en vain. J'ai eu quelques petits quarts d'heure de gloire … qui ont fugitivement ensoleillé ma vie … et puis rien. Je n'ai trouvé qu'un apaisement précaire.
Aujourd'hui, tout m'indiffère, tout me semble stérile, dérisoire. La petite étin-seul-e qui me portait, s'est éteinte. Je me sens cassé. Mon cœur n'est plus qu'un bloc de silex.
Ne soyez pas tristes, mes amis. Croyez- moi, c'est mieux ainsi. Et faites-moi le plaisir de jeter (si vous en avez !), tous les disques de Gilbert Bécaud, ce dément qui beuglait jadis que " la seul-itude, ça n'existe paaaaaaaaaaas !!! ".
Mon dernier souhait, enfin : je tiens à ce que mon corps, enveloppé d'un lin-seul, repose dans le caveau de mes ancêtres. J'aurai ainsi … enfin ! ... et à tout jamais … de la compagnie.

Fait à SEUL-LY - sur - LOIRE
Le Samedi 15 Mars 2008



"A Marie-Rose" de Janine BERNARD

- Vous dormez en chien de fusil ?
qu'il me demande le docteur. Pour sûr que je dors en chien de fusil, sinon je ne dors pas.
Je n'étais pas allée le voir pour rien, le docteur. J'avais des croûtes derrières les deux huîtres tristes qui me servent d'oreilles depuis des lunes, des lunes ou des lustres ? Peu importe.
Des démangeaisons à vous rogner les griffes. Faut dire que les écoles sont pleines de gosses et aussi pleines de poux. Aujourd'hui l'un ne va pas sans l'autre.
Alors forcément à la cantine où je m'occupe des uns, j'attrape les autres.
" Vous vous grattez aussi, Madame Léione ? " me dit l'autre jour, le petit monstre que je servais avec les honneurs du plateau dus aux enfants d'aujourd'hui.
Petit chameau. Lui aussi se grattait furieusement, comme tous les autres. Il a cru que mes huîtres étaient ensablées, mais j'ai bien entendu ce qu'il a dit à son petit copain d'à côté.
" La vieille quebi elle se gratte aussi ".
La vieille quebi, autrement dit moi, je suis le bouc éphémère de la cantine des Bocages à Chanteloup sur Chavernis.
Bougonne, ronchonne, j'ai le verbe haut et la patte encore agile. Peut-être parce que je suis née à Lyon et en bonne lyonnaise qui s'appelle Léone, avec ma bonne ville de Lyon, je suis à l'aise.
J'ai la crinière rousse et la griffe acérée. J'ai l'œil du fauve qu'est revenu d'un peu tout, sauf des poux.
Une lionne lyonnaise sans poux, voilà ce que j'étais au temps jadis dans ma bonne ville de Lyon que je détestais par ailleurs.
Un caractère agressif, lapidaire, une crinière de boucles rousses qui chutait jusqu'en bas des reins et des ongles peints de yogi indien de Bolywood. J'avais la classe et je ne me grattais pas.

Je me soignais dans mon jeune temps, sûrement plus qu'aujourd'hui où je dois passer les assiettes de purée aux pouilleux des Bocages.

On avait peut-être le poil ras à l'époque, mais pas de poux.
Marie Rose était passée par là. Car si la guerre en avait bombardés quelques uns, de poux, elle en avait aussi laissés se multiplier beaucoup... Le monde était bien sale en ce temps là. Mais nous, les petits d'après guerre, une fois cette dernière éteinte, on avait eu Marie Rose pour s'en débarrasser.
Je devais m'appeler Marie Rose Chardonneret, d'après ma défunte mère. Les poux m'ont sauvée de ce désastre. Léonne Chardonneret c'est quand même plus classe.
" Chardonneret, comme l'oiseau ? ", comme l'oiseau, Madame la Directrice de l'école, comme l'oiseau.
Ma crinière de feu a bien blanchi plusieurs fois sous la poudre blanche qui trucidait les poux.. Mais grâce à la Marie Rose, ma pauvre mère n'a pas eu à sacrifier ma crinière d'apparat naturelle.

" Ma petite lionne, Marie Rose veille mieux que moi ", qu'elle disait en me caressant la tête. J'en profitais pour tirer la langue à mes deux frères rasés jusqu'au cerveau, entretenus à la Marie Rose aussi et plus malheureux que les pauvres hères de la fin de guerre qu'on croisait après les bombardements.

Mémé Ardoise qu'on allait voir tous les Noëls à côté de Caen disait souvent en regardant mes deux frères : " Avec les bombes, ils ont rasé nos villes, ils auraient pu raser les poux aussi ! "
Mes frères et moi on l'appelait Mémé Ardoise parce qu'à chaque Noël, plus courbée qu'un coup de cygne, d'année en année, elle se penchait vers nous avec un menton de hérisson et demandait :
" Est-ce que le Père Noël vous a apporté une ardoise cette année ? "
Une seule ardoise vous fait une vie d'école. Et les ardoises de la vie, Dieu sait comme elles sont longues. Mais mes frères et moi, on se poussait du coude parce qu'avant d'aller la voir, on pariait. Elle le dira encore ou pas ? Et elle le disait, à chaque fois. C'était l'extase. Aucun des grands n'a jamais su pour on l'a enterrée sous le nom de Mémé Ardoise.
Ca ne nous rajeunit pas tout ça. " Vous avez encore de beaux cheveux, Madame Léonne qu'il me dit souvent Manu, mon coiffeur attitré. Ils sont durs, forts, comme vous ! "

Je m'imagine déjà le séisme quand je vais lui avouer la vérité.
" Faut raser, mon petit Manu ".Les poux ont eu raison de ma crinière rousse au Loréal 125 chataigne avec un demi bouchon de géranium 115 et une touche de miel 224. Couleur garantie Manu, garantie dix ans de moins pour la vieille que je suis.
La lionne, la vieille kebi, la peau de vache scalpée par les poux des merdeux. C'est même pas une honte, c'est la bérésina.
Gosses sales de sales gens, sales gosses de gens sales !
Dans le bus hier matin, je me suis surprise à fixer une chevelure terne assise devant moi. Et des yeux seulement, à lui chercher des poux sur le col bac. Le col du manteau n'a rien révélé à ma vue perçante de chardonneret. Mais ça m'a inquiété quand même. Si je cherche des poux sur les cols du pauvre monde à tout bout de champ, je leur chercherai un jour, des poux dans la tête. Ca tourne à l'obsession ma vieille, que je me suis dis.
Et si j'en vois un, qu'est-ce que je fais ? Une nuque mal entretenue, un col pas net, on en rencontre tous les jours dans le bus. Et me voilà fondant toutes griffes dehors pour exploser le pou sur l'épaule de l'individu…
Devant ce désert de pou, je ne savais plus s'il fallait penser ouf ! ou dommage ! t'aurais vu si t'étais capable…Et le pire, le fin du fin, d'après le médecin comme de Manu, Marie Rose reste introuvable. Le médecin en a seulement entendu parler à la préhistoire, et Manu a cru que c'était Chantal Goya.
Cette vieille dame, cette Marie Rose qui faisait prendre la poudre d'escampette aux poux, a disparu aux oubliettes capillaires avec son acolyte le pétrole, reconverti lui, en hydrocarbure mieux rémunéré. Les poils, parait il, ne les supportaient plus, ni l'un ni l'autre. Alors au nom du confort et de l'amélioration chimique ou bien de l'écologie très à la mode, c'est Para poux qui remplace. Le produit qui permet aux poux de faire du parapente sur les tifs, tout en douceur et d'atterrir raides morts avant toute copulation.
J'en pleurerai moi. A la pharmacie, la lionne fière, rousse au Loréal 125, à réclamer d'une voix sourde digne de Mémé Ardoise :
" Vous auriez un peigne à poux ? " et de rajouter au cas où la pharmacienne née aussi visiblement après guerre, ne saisisse pas : " C'est pour ma petite fille ".
Je ne sais pas si Jésus a ressuscité mais je donnerai bien quelques boucles d'antan pour ressusciter Ma Marie Rose.
Décidément tout pou - rit chez les ri -poux, et ma chute (de cheveux) est pou - ssive, mais pou-rra rapporter gros à qui pondra la solution anti-poux miracle des siècles à venir…

Signé : Marie Rose Chardonneret. Lionne de Lyon (qui ne saque pas les poux d'hier et d'aujourd'hui, les poux et les gosses aussi !).

 

"Maniaco-excessive, moi ?" d'Angeline LAUNAY


Six jours par semaine, je me lève très très tôt - Oh, oh, oh, oh - ! C'est ce que je me répète chaque matin. Si je n'ai pas dit " oh, oh, oh, oh ", je sais que ma journée sera fichue ou que je ferai tout de travers. A chaque fois que j'ai essayé de m'abstenir, ça s'est passé comme ça. Bien sûr, personne ne le sait… et si personne ne le sait, tout paraît normal… et c'est ça qui compte… que tout ait l'air normal…
Trois heures du matin. J'enfile mes pantoufles fétiches emperlousées, un cadeau d'un voisin pas si mal intentionné qu'il en a l'air mais qui, quand ça le prend, me lance des remarques que je fais semblant de ne pas entendre. Mais bon, il profite un peu de la situation - et patati, et pataton - quoique je ne lui en veuille pas vraiment - ouh la, pas vraiment - vu que je fais des ménages chez lui depuis des années. Nous entretenons pour ainsi dire une relation de voisinage.
C'est pas tout ça, il faut que je me dépêche un peu sinon je vais être en retard, ce que je ne supporte pas - Ouah, ouah -. Ca me met dans une rage folle et je suis capa ble de tout renverser sur mon passage : le café, l'armoire à balais, la petite vieille du premier et tous les obstacles qui se mettent sur mon chemin -Ouin, ouin - !
Dans la cuisine, je me fais griller des sardines : p'tit déj. salé, dynamo remontée ! - Ouais, ouais - ! Il me reste une demi-heure avant de dévaler sans bruit l'escalier avec mon sac rempli de trousseaux de clés. Dehors, c'est la noire nuit - Eh oui -… L'air emplit mes poumons - Vron, vron - d'autant que j'habite rue du Poumon à Strasbourg. Comme j'aime les petits matins dans les lumières des réverbères ! Mes pas font : " tip pata tip et top pata top " dans les rues désertes.
Mon premier client est une Société Secrète. Je tourne la clé dans la serrure comme si j'allais pénétrer dans un château… D'abord le paillasson, puis les couloirs - Oir, oir -, le vestiaire, la pièce de service - Oh hisse -. Je vois tout. Je sens tout. Je traque tout… tout ce qui traîne ou qui s'entasse. Je rangeasse. Je nettoyasse. Et je ne me retourne passe. Deux heures après, la grosse clé se contorsionne à nouveau dans sa serrure avant de regagner sagement mon sac - Couac - !
Je me rends ensuite chez madame Séréna. C'est l'heure de son petit déjeuner. Elle sait que je n'aime pas qu'elle écoute la radio. Alors elle m'attend en silence. Quand j'arrive, je lui chante une petite chanson… C'est quand même mieux que la logorrhée déversée de bon matin par un poste de télévision ! - Ion, Ion - !
J'ai réussi à persuader ma cliente que les journées devaient débuter dans un calme absolu - Hue, hue -. Moi-même, je ne supporterais pas de travailler dans des nuisances sonores. C'est pour ça que j'aime ce métier - Hé, hé -. Tranquillité, Liberté, Intimité. D'ailleurs, madame Séréna, je l'ai choisie pour son nom et je n'ai pas eu trop de mal à la convaincre qu'elle se devait d'y faire honneur.
Le rituel de ce premier repas de la journée ne change jamais. J'ai tout organisé. Je préconise un jus de fruit exotique (goyave, corossol, fruit de la passion…). Pendant ce temps, je prépare un " Sherlock-aime-l'œuf " : c'est tout simplement un œuf à la coque coiffé d'un petit chapeau de détective que j'ai chiné aux Puces. Sur un plat de service, je dispose une tomate, un morceau de fromage, de la saucisse de volaille aux pistaches et quelques olives pour le fun, le tout, accompagné de pain de seigle et de thé fumé. Ainsi, madame Séréna ne force pas sur les sucreries. Mais lorsqu'elle me réclame de la confiture, j'ai un pot en réserve … quand il est encore mangeable bien sûr.
Le problème, chez madame Séréna, c'est que tous les meubles sont blancs. On ne voit pas la poussière - la la lère -. Je dois reconnaître que cela m'angoisse de ne pouvoir identifier l'ennemi. Il m'arrive de me mettre en colère contre un chiffon ou une éponge que j'ai l'impression d'avoir passé inutilement car j'ai horreur de faire des choses inutiles. Sans arrêt, je pense à ce qu'il faut déplacer ou remettre à sa place et je suis toujours en train de me dire : " il faut que ça passe et pas que ça casse ! ". Je dois prendre soin de chaque chose et aussi de madame Séréna. Vers midi, je la laisse à ses occupations et vais dévorer un sandwich sur un banc, dans un jardin public. J'aime mordre dans un sandwich. Ca renforce les mâchoires. J'ai la sensation de travailler mon énergie - Oui, oui - !
A 14 heures, j'arrive chez Hermann, l'écrivain. Il vit au fond d'une cour, au 4ème étage. Evidemment, il fait très sombre dans cet appartement et il y a des livres partout. Ca tombe bien, j'adore les livres. Je me réserve toujours une heure de plus pour en éplucher quelques uns.
Je commence par récupérer ses vêtements éparpillés dans tous les coins. Il a bien sûr laissé la vaisselle de la veille dans l'évier, le lit défait, les mégots dans les cendriers. Cliché ! Mais, curieusement, son bazar n'est pas pour me déplaire. J'éprouve même beaucoup de tendresse pour ses écharpes froissées, ses pulls un peu élimés, ses crayons perchés sur les meubles, ses carnets ouverts sur des dessins griffonnés et même ses mocassins veau-velours égarés sous une chaise. C'est drôle, ici, je ne m'énerve jamais. Je me sens plutôt bien dans cette tanière encombrée. D'accord… j'en pince un peu pour mon client… Ca fait d'ailleurs plusieurs fois qu'il m'a invitée au restaurant - Han, han -. Mais, la dernière fois, on a eu un différent - encore Han, han -. Nous dînions avec quelques uns de ses amis - Hi, hi -, et ils m'ont demandé ce que je faisais… J'ai répondu : " des ménages ". Ca a jeté un froid… et Hermann a changé de conversation.
Quand on s'est retrouvés tous les deux, il m'a dit que je n'avais pas besoin de parler de mon travail à ses amis. Je lui ai demandé si je lui faisais honte… Il a paru très embarrassé. Depuis, nous ne nous sommes pas revus et je suis là à épousseter ses étagères… Quand même, sans moi, son appartement ne ressemblerait à rien, et il ne pourrait pas partir, l'esprit tranquille, à ses rendez-vous d'éditeurs ! Car, non seulement je lui rends de multiples services, mais il arrive en plus que je lui tienne compagnie lorsque la solitude lui pèse un peu trop - Ho, ho -.
Je me dis que tout est peut-être de ma faute… à moins qu'il ne s'agisse de la sienne… que je ne devrais pas être femme de ménage, ou lui écrivain… Il aime les mots. Moi aussi. Je déteste la saleté. Lui aussi, je présume… Tout semble nous rassembler… ou presque… Au fond, qu'est-ce qui nous sépare ? - Nos métiers ? - Nos conceptions de l'existence ? Le fait qu'il se couche tard et que je me lève tôt ?... - Ho, ho, ho, ho - !

 

"Meh un ! des bananes" d'Anne-Marie PETTRé

C'est l'histoire d'une petite fille qui adorait les bananes, meh un !
elle aimait l'éplucher la banane, meh un !
elle aimait la croquer la banane, meh un !
meuh ! quel bon goût, la banane, meh un !

Ses parents, les Jumins habitaient Mehun-sur-Loire, fabricants de porcelaine depuis plusieurs générations, ils s'étaient spécialisés dans la fabrication de céladon.

C'était dur à l'époque, meh un !
Ils n'avaient pas beaucoup de sous, meh un !
Il n'y avait pas grand chose à manger, meh un!

Leur fille Odile, tout le monde l'appelait Olive, ne mangeait que des bananes.
Meh un ! des bananes cuites, meh un ! des bananes pressées, meh un ! des bananes frites, meh un ! des bananes à la chantilly, meh un !

- Que veux-tu faire quand tu seras grande ?
- Faire pousser des rabanes, répondait-elle.

Un jour en allant à l'école, elle passe devant une affiche et lit "sans respect, rire ne se fait".
Meh un ! c'est drôle ça se dit-elle, qu'est-ce-que ça veut dire ? Elle réfléchit et se dit : meh un, rire, elle aime rire et elle respecte ses camarades ! Mais quand ses camarades lui disent : "Eh ! Olivebanane, qu'est-ce-que tu veux manger et qu'elle répond une rabane verte, tout le monde se met à rire. c'est pas gentil, meh un ! Ils ne respectent pas le fait qu'elle adore les bananes, meh un !

Le soir, en rentrant de l'école, elle repasse devant le panneau et lit "sans respect, rien ne se fait".
Meh un ! sans respect rien ne se fait, sans respect rien ne se fait.
Meh un ! qu'est-ce-que ça veut dire ?
Meh un ! que les grands sont compliqués.
Meh un ! et bien moi, quand je serai grande, je serai une belle badame, fine, élancée, je marcherai légèrement courbée comme une banane....et j'emmènerai mes parents aux banamâsse pour cultiver des rabanes...et puis j'exporterai les bananes dans l'usine de mon papa à Mehun-sur-Loire et l'usine s'appellera "les bananes aux jus mains" et partout dans le monde, les petits et les grands dégusteront les jus de bananes de Mehun-sur-Loire. MEH UN !


"Il est interdit d'interdire" de Céline CORNAYRE

Permis de conduire : Cléa réussit le code sans souci mais la conduite est beaucoup plus problématique. Il faut dire que cela ne fait que la douzième fois qu'elle le passe, et qu'elle trépasse.
La faute à qui ? aux sens inter/praticables naturellement. Et à Saint Maur city, ils sont partout, à chaque coin de rue, même pas dissimulés.
N'empêche, elle ne les voit pas, ne veut pas les voir, ne supporte pas l'inter/nationale.
Si elle l'avait passé dans les Cyclades, elle l'aurait depuis longue date, c'est sûr ! La splendeur du coucher de soleil falaisien de Santorin justifie l'inter/médiaire d'aller tout droit, c'est-à-dire dans la mer, bien plus qu'un vulgaire panneau rouge et rond sans autre vue derrière que des crottinettes, non ?

Afrique du Sud : Nelson (Mandela, pas Monfort) a bravé l'inter/mède avec bravoure et altruisme. Chaque action entraîne une réaction, vous le savez bien. Et vous savez encore mieux combien son audace lui a coûté.
N'empêche, il a tenu, n'a pas cédé, il a osé. Oser quoi ? dire non. Non à quoi ? à l'inter/sidérale formelle. De quoi ? d'exister, juste d'exister, seulement cela, c'est tout.
L'histoire n'a pas démenti son histoire, ça fait réfléchir non ?

ENA : Ecole Nationale des Anes. Où il est strictement inter/pensable d'entrer si l'on n'est/naît pas casté. Jacques-Henri de la Feuille de Tournesol a bien essayé, mais il a vite compris que cette inter-lude là n'était pas négociable.
Un peu comme en discothèque en fait : toi tu rentres, toi tu rentres pas, toi tu rentres si, toi tu sors.
N'empêche, il est rentré quand même, à force de persévérance et de courage.
Il en est cependant vite ressorti, s'inter/loquant toute appartenance à cette si singulière tribu. Non, la cité inter/cuite n'était décidément pas pour lui.
Il est aujourd'hui humoriste de renom, ça ne vous rappelle pas quelqu'un ?

La minijupe, la pilule, la chienlit, les barricades, les grèves en rafale, tout cela sur fond de Vietnam et de guerre froide, représente bien plus que des évocations historiques pour Mattéo.
L'inter/férance d'inter/agir, il connaît, il l'a vécue. Le sigle CRS est gravé à jamais dans sa mémoire et surtout dans sa boîte crânienne où une matraque s'est malencontreusement logée.
N'empêche, il a participé, et en est fier.
Depuis, il se prend à hérisser sa barricade à chaque fois que le mot " inter/jection " retentit à ses oreilles, ça vous fait rire ?

" Passe ton bac d'abord ! " : que celui ou celle qui n'a jamais oui cette sentence parle ou se taise définitivement …
Samantha Selapête n'en a eu cure car depuis son premier jour de vie ou presque, jusqu'à aujourd'hui, rien ne lui a jamais été inter/calé, encore moins expliqué. Elle est maintenant toxicomane, alternant gaiement cocaïne, ectasie et alcool. Normal, elle connaît toutes les ficelles du contournement légal.
Résultat, elle devrait être en train de plancher sur ses cours et se retrouve à faire la planche dans une ambulance.
L'absence totale de cadrage lui a coûté la vie.

Il est interdit d'interdire, vraiment ?



Attention : dans le texte qui suit, tout est intentionnel : mots avec syllabes ou lettres mélangées, etc. car priorité est donnée au problème de comportement du personnage de l'histoire, ce qui induit une expression brute de décoffrage ! REMARQUE : une traduction du même texte (en italique) sans les perturbations figure à la suite du premier.

"C'est quand ce : et d'aujourd'hui portrait d'après..." de Marie-Odile GUIGNON


C'est l'histoire d'un grand scientifique. Il a un grand lab oratoire où il sort cueille sur dais formes hurlaient re en mare tonamt longuement...

Lorsqu'il était petit, à l'aube naissante de ses palents, ses rapants, dans l'incompréhension de ses curieuses cités, navets pas cécité à consulter de grands médecins... Les diagnostiques identiques révélaient la particule arrêtée d'un enfant " pro " dit " jeu ", promu à un na venin certair. A près une croix sans ceux se dix fixe six, il poursuivit de longues études en Mathématique, et en Anatomie.
C'est haut la main qu'il obtint ses dix ploums.
Ses recherches actuelles se concentrent sur les cas aléculoirtes de l'infini ment grand à l'infini ment petit appliqué au porc sainmuch.
Ses découvertes le docnuisent à explorer la longue heure des segments corpusculaires constituant la tubsansce de la math, hier, qui, aujourd'hui mute inexorablement à l'intérieur du stèle quête appliqué à la transformation du tibia et du péroné, du murfé et du ssinba ayant pour conséquence la transe du pied et de la forme a si on marche.
Pour deux mains, l'impact de ses manies pollution représente l'espoir moteur d'une société à vide de déplacements écologiques, économiques, éco-systémiques, éco-graphiques, éco-holographiques, éco-flegmatiques, éco-statellistiques, éco-synthétiques, éco-chorégraphiques, é-colériques, éco-scolastiques, éco-endémiques, éco-éthyliques, éco-élastiques, éco-électroniques, éco-typiques...
Actuellement il laccule, elccul, aléccul.. Et de son veaurec la création n'a de cesse de surgir ! Il vroute, il tone, il griffonne, il s'agite et cogite, pianotte avec l'index hérité d'un artiste renommé et à lignes les plus et les moins : Dix visés, fractionner, égaliser, additionner, multiplier, complétiser, simplifier, manipuler, ratatiner, coordonner, complémentariser, indifférencier, transformer, infinitésimer, macrotiser... Des sous sa ta bleu de travail, sortant de son imprimante, une partie si on jonche le sol et sert papille en râle spi, le serre nant d'un banc ru blanc taché d'un noir grisonnant comme la matière cérébrale du savant ...

Ainsi, l'homme Sage dit-c'est-que et dé-velop peu des dendrites aux synapses fulgurantes qui s'enfuient saisies par l'enfer nale machine, cloaque insatiable d'informes actions.
Lettre à les sens recracite s'évapore lentement dans les fusions de sa passion et il livre à ses prédateurs les fruits de son génie.

Ainsi se poursuit son existence...
Et bien plus tard...

Nous ne connaîtrons même plus son âge et nous regarderons, au crépuscule de la démesure de son espace vital, un vieillard radicalement fécond s'évader de sa prison deux bouts qu'un lourds et pesants...dés livres vrais de sa vie de chair soeur. Une longue barbe blanche descendra de son menton et glissera derrière lui. Son crâne lisse brillera dans la brise légère du temps un serte un, d'un pas lent son ombre s'éloignera, laissant sur la poussière légère des arts, chives scientifiques, comme une trace brillante de gars étéro pode, pot de à grès... Et il dix pas raie tra dans la nuti des ptems...

( Traduction )
Séquence : portrait d'aujourd'hui et d'après...
C'est l'histoire d'un grand scientifique. Il a un grand laboratoire où il se recueille sur des formulaires en marmonnant.

Lorsqu'il était petit, à l'aube naissante de ses talents, ses parents, dans l'incompréhension de ses curiosités n'avaient pas hésité à consulter de grands médecins... Les diagnostiques identiques révélaient la particularité d'un enfant prodige à l'avenir certain.
Après une croissance difficile, il poursuivit de longues études en mathématiques et en anatomie.
C'est haut la main qu'il obtint ses diplômes.
Ses recherches actuelles se concentrent sur les calculs aléatoires de l'infiniment petit à l'infiniment grand appliqué au corps humain. Ses découvertes le conduisent à explorer la longueur des segments corpusculaires constituant la substance de la matière qui, aujourd'hui mute inexorablement à l'intérieur des os du squelette, appliqué à la transformation du tibia et du péroné, du fémur et du bassin, ayant pour conséquence la transformation du pied et de la marche.
Pour demain, l'impact de ses manipulations représente l'espoir moteur d'une société avide de déplacements économiques.
Actuellement il calcule et de son cerveau la création n'a de cesse de surgir ! Il trouve, note, il griffonne, il s'agite et cogite pianote avec la dextérité d'un artiste renommé et aligne les plus et les moins.
Diviser, fractionner... etc.
Sortant de son imprimante, une partition jonche le sol et s'éparpille en spirale le cernant d'un ruban blanc taché d'un noir grisonnant comme la matière cérébrale du savant…
Ainsi l'homme sage dissèque et développe des dendrites aux synapses fulgurantes qui s'enfuient saisies par l'infernal ordinateur, cloaque insatiable d'informations.
L'être à l'essence créatrice s'évapore lentement dans l'effusion de sa passion. Et il livre à ses prédateurs les fruits de son génie.

Ainsi se poursuit son existence...
Et bien plus tard...

Nous ne connaîtrons même plus son âge et nous regarderons au crépuscule de la démesure de son espace vital un vieillard radicalement fécond s'évader de sa prison de bouquins lourds et pesants, délivré de sa vie de chercheur. Une longue barbe blanche descendra de son menton et glissera derrière lui. Son crâne lisse brillera dans la brise légère du temps incertain d'un pas lent son ombre s'éloignera laissant sur la poussière légère des archives scientifiques comme une trace brillante de gastéropode podagre... Et il disparaîtra dans la nuit des temps...

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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