SAMEDI 9 janvier 2010
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
" JEux d'écriTUre "

Animation : Régis MOULU

Auteure invitée :
Karine LEROY,
conteuse
Thème :
La syllabe obsédante

Un bagnard banal (balafré et basané) balayait le bar de la Bastille en baragouinant dans sa barbe des balivernes. De cette réinsertion, tous les badauds en étaient babas !… De la même manière, le texte qui a été produit par chacun comportait un maximum de syllabes semblables !

Pour notre écrit, ce renfort formel et très ludique est de nature à maintenir l'attention des auditeurs et crée, en plus, de l'étonnement !

Pour y mettre plus de piment, l'animateur est venu avec sa roue des syllabes ! ... ce qui a généré des combinaisons inédites
Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support a été distribué : il portait notamment sur ce que peut véhiculer une syllabe : une énergie, une dramatisation, une inviation au rythme... Cool !

 

 

 

 

 

 



Ci-après quelques textes produits durant la
séance, notamment (dans l'ordre):

- "Dédé, Blandine et Momo" de CHRIS

- "La chasse au Dahu" de Karine LEROY

- "Un repas diabolique" de Marie-Odile GUIGNON

- "Journal de Maud Ploncru née Leaublan" de Janine NOWAK


Remarque :
TOUT LE GROUPE A TRAVAILLE AVEC LES MEMES SYLLABES. CAR, AU COURS DE LA SEANCE, A INTERVALLE REGULIER, CHACUN A TOURNE LA ROUE DES SYLLABES POUR CHANGER LA PRECEDENTE QUI AVAIT ETE TIREE. IL Y EUT AINSI :

Dé / Dè / Dê (pendant 25 minutes)
Blan (pendant 20 minutes)
Plon / Plom (pendant 20 minutes)
Meau / Mo (pendant 20 minutes)
... comme sur la photo !
Cru (pendant 20 minutes)
Leau / Lo (pendant 20 minutes)
Ne (pendant 40 minutes)


"Dédé, Blandine et Momo" de CHRIS

Dédé, un déménageur déjanté, aux deltoïdes débridés et décorés de décalcomanies dignes de bandes dessinées, s'était délecté à détrousser une dénommée Blandine, déesse désemparée, aux hanches délétères, qu'il avait découverte derrière la décharge départementale. Ils s'étaient défiés. Elle et ses décolletés plongeants sur des seins blancs comme l'albâtre, lui et ses deltoïdes troublants et accablants de prétention avaient fait trembler les sommiers de la décharge. Sans faux-semblant, ils s'étaient aimés - débuts détonants pour une idylle qui avait été le plongeon de leur vie.

Des travaux chez Plonq avaient offert à un plombier en pleine déprime une vue plongeante sur des ébats dont Blandine était ressortie moins blanche que le blanc d'un oeuf, Dédé moins détaché que d'ordinaire, et le plombier plus plombé qu'un ciel de plomb. Le comble du plombier étant de perdre son aplomb, le notre avait bientôt plongé sur l'occas' pour descendre plomber le camion de Dédé et la caisse de la déesse. Son nom au plombier, c'était Maurice. " Momo le Moldave " ou " Momo la Mauviette ", l'avaient ils surnommé depuis.

- Moquez-vous, moquez-vous... , maugréait-il mauve d'une rage mortifère, gare au mauvais oeil de Momo... vous ne m'aurez pas, c'est moi qui plomberai votre cercueil ! "

Entre Dédé et Blandine l'émotion n'avait pas molli, les mots d'amour moins encore ! Momo les maudissait. Eux s'en moquaient.

Bientôt, Momo, qui avait mobilisé tant de mauvais sentiments, commença à s'en mordre les doigts .Il se crut maudit et se morfondit. Le remord s'accrut. A défaut de crucifixion, il sacrifia crudités et viande crue. Cruauté vaine ! Le pardon lui manquait toujours cruellement.

Parfois, l'aube l'autorisait au repos, et dans le modeste logement où cuisait à petit feu l'os à moelle de la rédemption, il augurait de meilleurs jours sur l'autel de l'auto-flagellation, ne cessant de répéter :

Ne plus jouer les voyeurs
Ne plus mésestimer un déménageur
Ne plus lever les yeux sur une déesse
Ne plus céder à la détresse
Ne plus nuire aux amoureux
Ne plus songer à être heureux...
Blandine et Dédé avaient déserté la décharge pour une dune près d'une lagune et avaient refermé leurs persiennes pour se protéger de la haine. Ils ne les ouvraient plus qu'aux rayons de la lune.



"La chasse au Dahu" de Karine LEROY, conteuse

C'était un grand dadais, ce Dédé, pourtant il était le fils du fier Comte du grand Condé. Du matin jusqu'au soir, il chevauchait en se dandinant à dada sur son baudet et parfois excédé, il hurlait à tous ceux qui le dépassait de décamper.
Ce grand ballot chassait le dahu, de découvertes en déceptions, il croyait le débusquer à chaque bosquet :
" Ce démon se défile dès qu'il me voit ", se disait-il d'un air débonnaire. Dédé portait un débardeur blanc tricoté par sa mère-grand. Il se dépêchait de rentrer dès que sonnaient les sept coups du clocher, en redoublant de coups de pied sur son bourricot accablé. Tout ça pour aller manger la blanquette de sa mémé adorée, quel blanc-bec ce Dédé !
Sans cesse, il était troublé par cette quête, mais à quoi pouvait donc ressembler cette bête ? Etait-ce une beuglante blanche biche ? Un bouc à plume de plomb ? Un plongeon à queue de dragon ?
Ce plouc de Dédé défiait les railleries avec aplomb. Il en était sûr, une fois son trophée empaillé, il sera le champion, le chevalier au courage de plomb. Sa notoriété ira par delà tous les hameaux…
Un jour, Momo le marmot, sans lui dire un mot, lui joua un tour avec un plumeau. Le môme attacha le plumeau à la queue d'un molosse morveux et musclé et lui colla de la moquette à motifs moches entre les deux oreilles. Il appela ensuite Dédé, en lui disant qu'il avait trouvé le monstre tant recherché derrière la cabane aux moutons.
Morbleu ! s'écria Dédé qui s'élança sans s'équiper. Il fut mordu aux deux mollets par ce morfal de chien qui était tranquillement assis en train de se débarbouiller. Dédé rentra bredouille, morne et morose. Quel sale morpion que ce Momo ! se disait-il en mangeant de la morue aux morilles pour se remonter le moral. Qui l'eu cru ? Le père Lustucru, lui croyait en son Dahu. Il lui disait : " Le Dahu est une quête cruelle, un sacrifice, mon fils " et lui offrit pour pendentif un crucifix. Le courage de Dédé s'accru et il se dit qu'il n'était loin d'être une cruche. Illico presto, il mit du sparadrap sur ses mollets écorchés et remonta aussi vite sur son baudet.
Le Dahu était peut-être un crustacé crudivore ? Il se décida à voyager jusqu'à l'Océan, l'horizon sera plus grand… Il troqua son âne contre un loriot et un peu palot, il sauta dans son nouveau bateau qui coula aussitôt ! Il hurla :
" A l'eau ! A l'eau ! Un homme se noie mais sauvez-moi nom d'une coquille de noix ! ". Des badauds écolos l'observèrent en riant, amusés de ce nouveau solo mégalo. Le pauvre Dédé s'échoua en loque sur un lopin de terre. C'était le domaine d'une belle châtelaine. Elle était un peu magicienne et sereine, elle nettoya Dédé de ses peines. Quand Dédé vit ses grands yeux d'ébènes et son nez de sirène, il ne voulu plus du tout parcourir les plaines et c'est sans-gêne qu'il s'installa dans son living-room à l'ancienne. Je ne vous parlerai pas de la suite car c'est obscène ! Maintenant Dédé crâne au bras de sa belle femme. Qui l'eu cru ? C'est le père Lustucru qui a célébré leur mariage. Mais le Dahu, personne ne l'a encore chassu !

 

"Un repas diabolique" de Marie-Odile GUIGNON


Dès le début du déjeuner, le démon déambule dépourvu de décence dans ce monde de débiles désopilants et déjantés qui débat en désordre. La démarche délictueuse, il délivre ses dédicaces avec délicatesse et désinvolture dans un délire démagogique déplacé...

Ciblant ses clients en ressemblant à un blanc-bec tremblant il signe noir sur blanc d'un trait troublant. Ce faisant, il fait semblant d'être rassemblant...

Son aplomb plombe les "plons-plons" qui plongent en surplombant les plombages des pales-ombres, peu-l'ont senti, peu-l'ont saisi...

Tel un monarque mobilisateur de son monogramme de mots en morceaux immoraux il monnaie sa motion de morpion morbide en morse sans moratoire de mortel...

Crucial, cruel, crûment, il crucifia sans décrue les recrues recrutées qui le crurent : le cru burent au cruchon. Les crudités et les crustacés cruciformes décrurent de la table des cruciverbistes repus.

La colonie colonisée en lots palots se pelote dans les lauriers de l'au-delà, le lauréat colossal lové dans la loge du logis logique se colore lorsque la logogriphe du colloque loquace fait surface en logos sur l'eau...

Un télépho*ne* son*ne*, l'appel réson*ne,* u*ne *person*ne *la mi*ne* coqui*ne*, la nari*ne *fi*ne* sans nicoti*ne*, sous la mousseli*ne* d'u*ne* capeli*ne* qui sent la naphtali*ne*, opi*ne* de la tête... Sa voisi*ne* mari*ne,* d'origi*ne* opali*ne,* don*ne* sa sarbaca*ne*, telle une dia*ne* diapha*ne*... Alors la patron*ne* ordon*ne*, l'expulsio*nne* nécessaire du démo*nne* néfaste :
*"Ne* *démolo plon blancru !"

 

"Journal de Maud Ploncru née Leaublan" de Janine NOWAK


Quelle désillusion ! Je suis désenchantée, désemparée, déboussolée, désespérée, dévastée. Et de plus, je me sens tellement dévalorisée ! Quelle déveine ! Quelle déchéance ! Je défaille. J'étais pourtant sa " si désirable Déesse " - qu'il disait ! -.
Et voilà que cet amour débouche sur un désastre. Quelle dégringolade. Comme on dévale vite la pente !
Je me sens comme dépossédée ; dévalisée, en quelque sorte. Car cette blonde décolorée, m'a délibérément dérobé mon Dédé.
Ah je l'aimais, mon déloyal Dédé ! Il était ma drogue et je vais devoir me désintoxiquer de lui. Etais-je débile ? Je n'ai pas vu le danger débarquer. Et voilà qu'il vient de déserter définitivement le foyer. Il me préfère cette débauchée, cette débraillée, cette dévergondée qui se déhanche en dansant avec démesure des jerks déchaînés.
Après deux décennies d'amour, me voilà déchue. Et lui, sombre crétin, il ne comprend pas que c'est le démon de midi qui le fait ainsi déraper !
Je ne suis pourtant pas encore décatie, décrépite. Aussi je dois me ressaisir, ne plus être en plein désarroi. Je désire redémarrer ; je veux redécouvrir le bonheur, car je n'ai ni l'intention de me défénestrer, ni de tomber dans la débine. Mais il me faudrait un déclic qui me fournirait l'énergie nécessaire pour un nouveau départ dans la vie.

Blandine, qu'elle se prénomme, cette blondasse. Blanchisseuse de profession ; demeurant Quai Auguste Blanqui au Blanc-Mesnil. Elle jouait les oies blanches, les vierges effarouchées. Et mon Dédé, tel un blanc-bec, est tombé dans les bras de cette troublante créature. " Blanche-Neige ", qu'il la surnomme (car elle a le teint blanchâtre d'une endive ! Hé, hé, hé !). Je trouve tout cela si navrant, si accablant ! L'aime-t-il ? Fait-il semblant ?

Dédé, il est plombier. C'est un Auvergnat, né au Plomb-du-Cantal. Moi, je suis Vosgienne, de Plombières-les-Bains. Mon Dédé, il faut bien l'admettre, n'a jamais eu beaucoup de plomb dans la tête. Cependant, jadis, il en a eu aux pied - du plomb -, car dans sa jeunesse, il a fait de la plongée (sous-marine, hein, pas la plonge dans un restaurant !), avec un scaphandre plombé. Oh, ça me fait penser que j'ai perdu le plombage de ma molaire. Prendre rendez-vous avec monsieur Replondan, mon dentiste. Voilà, c'est noté. Et pour apporter un peu de gaité, je vais mettre la radio… " Beau Danube bleu, plon-plon, plon-plon… ".

Ah, pendant que j'y pense, ajouter sur mon aide-mémoire : acheter de la moutarde de Meaux. C'est mon maudit Dédé qui m'a initiée, car il en raffolait, de la moutarde de Meaux, celle avec les graines. Oh, oh, je constate que demain c'est le Dimanche des Rameaux. J'irai à la messe et je rapporterai une petite branche de rameau béni. Peut-être aura-t-il le pouvoir de faire revenir mon chameau de mari ? Allez, à présent, je vais me mettre un disque. Voilà longtemps que je n'ai pas écouté le " Tambourin " de Rameau. J'aime bien la musique classique. Elle apaise mes maux. La lecture de Maupassant est aussi un bon remède. Et si, pour me changer les idées, je refaisais l'appartement ? Ce serait un bon dérivatif ! D'abord, retirer ce trumeau que je déteste du dessus de la cheminée. Je veux désormais du moderne. Mes revenus sont certes modestes, mais je peux m'offrir quelques nouveautés.

Cruel ! C'est le mot qui me vient à l'esprit quand je pense à Dédé. Oui, il est devenu d'une grande cruauté envers la pauvre cruche que j'étais, ; oui, une pauvre cruche qui a toujours cru en lui ! Et voilà qu'il me crucifie ! Non seulement il m'a abandonnée, mais encore, il me nargue crûment. Quelle brutale et soudaine recrudescence de méchanceté vis-à-vis de moi ! Tout cela m'épuise ; je suis recrue de fatigue. Je n'ai même plus la force ce soir d'ouvrir des huitres, moi qui aime tant les crustacés. Je suis décidemment trop lasse; aussi, je vais vite terminer mon crumble aux pommes, et me servir un cruchon de cidre. Puis pour me distraire un peu, après quelques mots croisés - je suis une cruciverbiste chevronnée - je vais commencer la lecture de la vie de Robinson Crusoé. Ou plutôt, me mettre un film de De Funès. Oui, tiens, le " Gendarme de Saint-Tropez ". Je l'aime bien De Funès dans le rôle de Cruchot.
Voilà, mon moral est meilleur. J'ai sommeil, c'est l'heure d'aller dormir dans mes beaux draps de toile écrue, achetés à Veracruz.

Allo ! Allo… Allo… Allo ? Je suis sûre que c'est lui, le salaud ! Ou alors sa Blandine, son " Joli petit lot " comme il dit ! Trois heures du matin, et il me réveille exprès. Et moi, comme une gourde, je me précipite pour hurler des " Allo, allo, allo " dans le combiné. L'autre nuit, déjà, j'ai entendu des sons bizarres dans le téléphone, comme venant de l'au-delà. Veut-il me rendre folle ? Espère-t-il que je vais aller me jeter à l'eau ? A présent, je suis trop énervée pour me rendormir. Autant m'occuper : je vais me lover dans ce fauteuil et feuilleter ce livre ayant trait aux affiches de Toulouse-Lautrec. Et puis je vais préparer mon futur séjour à Lausanne. Et après Lausanne, j'irai voir ma cousine Laure, dans les Cévennes. Elle loge dans une ravissante maison au toit de lauzes. C'est superbe. Et je terminerai mon périple en rentrant par le Lot, charmante région où mon vieux copain Charlot m'hébergera le temps d'un week-end. Avec lui, on ne boit pas que de l'eau, mais entre-autres, une eau de vie qu'il fabrique lui-même et qui est remarquable !

Ne pars pas ! Me suis-je abaissée à lui crier. Ne me laisse pas ! Ne m'abandonne pas. Ne va pas vivre chez cette femme. Ne vois-tu pas comme je t'aime ?
Rien, pas un mot, pas un geste. Il est parti et depuis je traîne ma neurasthénie. Et pourtant avec lui, j'étais si bonne. Il faut bien l'admettre : j'étais surtout trop conne, oui ! Et puis, comment ai-je pu ne rien voir ? Ne rien deviner ? Ah, je n'étais pas fine ! Mais je vais me ressaisir. Désormais, il faut que je raisonne intelligemment, et pour commencer, je vais dresser la liste de mes dix commandements à moi :
1 - ne plus pleurer
2 - ne plus gémir
3 - ne plus me faire plaindre par mes parents ou amis
4 - ne plus rien espérer de ce foutu Dédé
5 - ne plus réagir à ses vacheries
6 - ne plus attendre son retour
7 - ne pas accepter qu'il revienne (si toutefois il en avait l'intention…)
8 - ne plus m'enliser dans mon marasme
9 - ne plus vivre comme une nonne et refuser ainsi bêtement le contact avec ceux de l'extérieur qui me sont restés fidèles, qui me tendent la main et qui essaient de me distraire
10 - enfin, ne plus m'obstiner bêtement, à refuser le dîner que me propose Eugène Neuwirth depuis un mois. C'est un Suisse, de Neuchâtel. Et, il est très charmant, Eugène Neuwirth…

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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