SAMEDI 5 Décembre 2020
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
"Vives incitations - année 3"

Animation : Régis MOULU

Thème : Convoquer des forces symboliques

À écrire des idées profondes et à générer des images fortes, voilà qu'on décroche une expression riche en symboles. On atteint ainsi une dimension mythique. Ou quand le singulier prend une portée universelle et atemporelle. C'est ce formidable et vieux champ exploratoire que nous avons labouré ensemble au cours de cette séance forcément mémorable, car puissante.

Remarque : au-delà de la contrainte formelle (thème), le sujet suivant a été énoncé en début de séance : votre héros devra investir un lieu concret (dans le sens de « bien réel ») qui, contre toute attente, prendra une dimension abstraite et magique à ses yeux.

Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support investissant notamment la genèse d'un symbole et la technique des portraits chinois a été distribué en ouverture de session.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):


- "Un coeur dans la nuit" de Nadine CHEVALLIER

- "Notre âme déménage" de Solange NOYé

- "Mon nom est Para" de Christiane FAURIE

- "Truffières et truffiers de tous les pays" de Régis MOULU



"Un coeur dans la nuit" de Nadine CHEVALLIER


Bien avant l’heure où blanchit la campagne, les idées noires de l’insomnie avaient vaincu sa patience, Pierre-Louis avait quitté sa maison. Après le carrefour où s’élève la croix de pierre, il avait pris à gauche. Il marchait à présent sur ce chemin forestier qu’il avait découvert quelques jours auparavant.
La nuit rendait la forêt inquiétante. Pierre-Louis ne reconnaissait rien. Sa lampe de poche allumait de brefs éclats dans la végétation. Vers luisants ? Gouttes de rosée ? Étoiles tombées des nues ? Larmes de fées ?
Pierre-Louis marchait lentement cherchant ce rocher qu’il avait repéré, énorme crâne chauve tapi dans les mousses. Il lui sembla soudain qu’il devait absolument le retrouver. L’avait-il dépassé ? Etait-il encore plus loin ? Il doutait maintenant, était-ce bien sur la droite du chemin ?
La lumière de sa torche semblait faiblir, n’éclairait plus que deux pas devant lui. Au-delà tout était sombre. Il décida de l’éteindre. L’obscurité subite le fit stopper net. Pourrait-il avancer ainsi en aveugle ? Des images de serpents menaçants, d’araignées velues, de mille-pattes grouillants l’assaillirent. Il se tint immobile, debout, ferma ses yeux au noir environnant, ferma son esprit à ses peurs enfantines. Respirant doucement, il percevait sous ses pieds la terre ferme et souple, l’air autour de lui était frais, sentait l’humus et le sucré, les sons se firent plus sensibles, menus froissements, trottinements furtifs, craquements légers, grincements, le silence habité de la forêt l’apaisa. Et comme dans un concerto, l’instrument soliste s’empara de la scène. Les battements de son cœur jouaient leur partition. Pierre-Louis savoura un moment cette harmonie qu’il ressentait au plus profond de lui.
Puis une explosion de chants d’oiseaux retentit, saluant l’aube naissante. Les bruits de son cœur se fondirent dans la symphonie de la vie.
Pierre-Louis ouvrit les yeux.
Devant lui, les arbres semblaient plus noirs, grands squelettes dressés sur le ciel pâli.
Dans cette faible lueur, Pierre-Louis reprit sa marche, tranquille mais insatisfait. La forêt lui semblait maintenant banale et sans saveur. Le chœur des oiseaux se taisait à son passage puis reprenait derrière lui, il se sentait exclu.
Il avisa bientôt, mais sur sa gauche, le rocher qu’il cherchait. Était-ce bien lui pourtant ? Il le trouvait changé. Droite, gauche, sa mémoire lui jouait-elle un tour ?
Mais la forme aussi différait. Du crâne rond et lisse au front bombé avec une ligne de lichens au dessus des orbites creuses, on était passé à une sorte de poisson, un peu rond certes, ou plutôt ovale. Des fourmis s’affairaient déjà à l’assaut de ce qui pouvait être la nageoire dorsale. Un petit creux plein d’eau décorait la queue aplatie.
Non, ce n’était pas le même rocher mais il plaisait à Pierre-Louis.
Pendant qu’il observait ainsi, la terre avait continué de tourner, le soleil lançait ses premiers rayons comme des lames de lumière à travers le bois.
Pierre-Louis s’assit dans la mousse devant le poisson roc. Des vapeurs fugitives s’élevaient du sol humide. Les oiseaux s’étaient tus. Un silence attentif régnait.
La lumière gagnait du terrain. Chaque arbre, chaque buisson, chaque fougère, chaque feuille renaissait dans le regard de Pierre-Louis. Il refaisait le monde.
Une coccinelle vint se poser sur sa main ? Attendri, il l’admira un instant puis elle s’envola.
Il se sentait bien, heureux de revivre ce sentiment de plénitude qu’il avait goûté au cœur de la nuit.
Solide, le rocher poisson soutenait son dos.
Douce, la mousse caressait ses pieds.
Fidèle, son sœur battait dans sa poitrine.
Pierre-Louis s’endormit.

 

 

"Notre âme déménage" de Solange NOYé


Notre écrin dans une boîte dans un carton parmi d’autres cartons, parmi d’autres biens terrestres bien futiles à nos yeux et si peu résistants au temps, nous voici brinquebalés, transbahutés, une énième fois. Ne nous plaignons cependant pas trop : il fut un temps où ce genre de voyage pouvait nous coûter quelques éraflures et, par conséquent, des heures de frottage plus ou moins délicat selon le degré d’agacement des mains à l’ouvrage. Mais, soyons juste, une fois dans la place, nous n’en étions pas délogée si facilement. Les jeunesses voyageaient léger et revenaient au logis sitôt l’argent tout mangé.
Ah ! dire que nous avons connu le lustre confortable de châteaux à étiquette aristocratique… C’était le temps des petits soins, de la juste valeur des choses. On ne consommait pas. On savourait, on dégustait, on humait, on goûtait, on se délectait. On économisait. Tant de souvenirs inscrits dans nos mémoires argentiques ! Des célébrités, des sommités nous ont usé. Les verres emplis, leurs ventres goulus gargouillaient de plaisir quand il était l’heure pour nous de regagner les offices et les coups de chiffon cendrés fatigués, irritants. Il est des traces qui ne s’effacent.
Nous nous rappellerons toujours cette Cosette au grand cœur qui vécut mille misères tandis que la grande maison vacillait. Elle mourut peu après sa chute. Elle nous avait sauvée du grand ravage en nous portant en cette étrange maison, de velours rouge tendue, ouvrant la nuit à des impolis souvent, payant ces dames pour sauver l’apparence de bonnes mœurs. Il était institué qu’ils délaisseraient leurs femmes, consignées à la vie au foyer, royaume à régenter. Une vie de parfaite ménagère.
Nous préférions la nôtre. Nous avions perdu certains de nos éléments les plus fidèles. Un siècle de vie tout de même à notre actif quand nous fûmes évacués de force. On nous vola. La luxure fut frappée par la loi. Amusant, les bourgeois traqués par eux-mêmes pour des apparences peu reluisantes. Nous, nous perdions peu de lustre, ne gagnions aucunement en vulgarité. La saleté des bandits ne nous atteignait jamais. Propres comme des sous neufs ! On nous vendit. Détachées pour des pièces d’argent.
Nous tenions bon encore. A commencé ensuite une glissade du temps. Les maisons, même riches, n’avaient pas le prestige connu auparavant. Les traitements de faveur perdaient en sensualité. Les méthodes devenaient industrielles : eau bouillante, aluminium, bicarbonate de soude. Finie l’huile de coude ! Nos reflets perdaient leur douce patine. Nous sentions le neuf après chaque sortie. Nous nous reconnaissions à grand-peine. Nous y avons laissé un peu de notre âme.
Les fées du logis se sont succédé. Nous sommes devenues lot d’héritage. Un peu encombrant. Le même écrin, des pièces rapportées. C’est souvent comme ça dans les familles. Ils établiraient notre généalogie, sûr qu’ils se comprendraient mieux ! Dans leur temps, tout s’est accéléré au nom du progrès, du confort. Monsieur a offert à Madame des appareils électriques pour qu’elle fasse plus, mieux et plus vite. La dinde a-t-elle vu la farce se jouer ? Monsieur a-t-il dit qu’il allait aider Madame ? Pourtant, c’est facile, il n’y a qu’à brancher ! Monsieur ne sait toujours pas qu’il peut prendre sa part ?
Madame a pu, a dû aussi, travailler. Argent et prise d’air loin du foyer. Et elle a oublié. Elle nous a oubliée. Elle ne nous a plus montrée à ses filles. Comble de malchance pour eux aussi, les garçons n’étaient pas jugés capables de s’occuper de nous. Remisée, nous fumes. Et aujourd’hui, nous quittons l’armoire qui nous a abritée des années durant. Elle aura une place d’honneur car a repris de la valeur. Aléatoire du goût et des couleurs. Triste sort. Nous aurons été vendue, recherchée, chinée au gré des caprices des ménages.
Des mains pressées nous ont trimballée sans ménagements de ce fourgon grotesque de déménagements vers un lieu noir. Nous avons senti un mouvement descendant, quelques trébuchements. Une cave sans doute.
La froideur humide nous a saisi à cœur. Le temps, combien nous ne le savons pas encore, officiera sans peur. Près de trois siècles de vie et l’œuvre de l’oubli se poursuit ici, dans cet écrin, lui-même dans un carton qui résistera peu à cet environnement.
Nous, parfaite ménagère, disparate certes, avons une histoire. Nous voici désormais objets encombrants, pas encore classés au rebut, en mémoire de récents ancêtres. Nous jeter serait les jeter eux aussi. Soyons heureuse qu’ils demeurent un tant soit peu sentimentaux.
Notre argent noircit. Notre identité s’oxyde. Cuillère à olives en argent massif à poinçon en tête de vieillard et manche en bois retourné, cuillères à café en vermeil émaillé de Russie, saupoudrier en forme balustre, pince à sucre en argent du Directoire, pelle à servir ajourée en argent massif et nacre, service à mignardises Art Nouveau, couteaux à terrine, cuilleron et fourchon à salade en argent massif, tous bien poinçonnés, baptisés en quelque sorte, nous nous chuchotons nos noms. Pour ne pas nous oublier.

Dans cet écrin, lui-même encartonné, enclose, encavée, arrivée du dix-huitième, du dix-neuvième et du vingtième siècle, nous ne vous oublions pas. Notre vie de ménagère fut parfaite.

 


"Mon nom est Para" de Christiane FAURIE


Du plus loin que je me souvienne, je porte ce nom «  Para ». Il m’accompagne comme une couverture, un pseudo, un nom de code pour agent secret, une clé dont il faut trouver la serrure pour ouvrir au sens.
Para-llèle oui ; j’ai longtemps cru vivre dans ce monde en marge, éloigné de ma famille que j’ai du quitter très tôt sans parachute mais par-chemin aller aux sources du mal.
Je me suis dessiné un univers où mon existence paraissait avoir un sens.
J’ai armé ma feuille de paraboles éclatantes tantôt para-tonnerres permettant à chacun d’expurger sa conscience du bien et du mal, tantôt para-chutes freinant le moment ultime où la vérité éclaterait et briserait le filtre.
Mais comment parcourir ce gouffre incommensurable entre eux et moi ?
Devrais-je attendre le paradis fantasmé pour accéder à la partition de ma vie réécrite ? Est-ce seulement en mon pouvoir ?
C’est à ce moment précis que j’ai créé la par-à-lysie. Plus besoin d’attributs, de déguisements, d’explications nébuleuses, de mensonges installés depuis la nuit des temps.
Il suffisait de rester là, attendre que le brouillard disparaisse, que la boue se solidifie et parer au plus pressé, sans paresse, sans parenté.
« Pierre qui roule n’amasse pas mousse » dit le proverbe. A l’opposé de cette parémie «  pierre qui mousse ne roule pas et amasse »
Attendre, attendre mon heure. Attendre que le bandit qui a brandi son arme pour me clouer au sol de la mal-à-dit m’armure d’un pare-choc étincelant  en héritage, pare-feu contre les parasites, les parvenus, les parentalités de bas étage.
Faire confiance, sans négliger la vigilance.
Ne pas dormir, observer, se consumer.  Mais défier le sort, le mal à dire, et se remettre debout, trouver les mots, refuser l’héritage sous bénéfice d’inventaire.
Exprimer son désir de vie, paraphraser, parcheminer les lettres pour en révéler l’har-mo-nie.
De ses grandes échasses, l’araignée tisse sa toile et emprisonne  les insectes comme des notes  sur la partition.
Il suffit d’une musique pour redonner  vie à ces insectes prisonniers et les voir courir entre la clé de sol et les croches abusives.
Je ferai de même. Parcourir, parvenir à soulever l’armure asphyxiante et la laisser résonner come un cristal.
Se réapproprier sa part et la déguster note par note. Refaire corps, bouger ses longues pattes si fragiles et avancer d’abord pas à pas en frissonnant puis imprimer un pas résolu soutenu par cette soif de vie puisée au fonds de soi.
Marcher et crier au monde son nom comme un emblème.
Mon nom est PARA : P comme pardonner, A comme accueillir, R comme résoudre et A comme Ambitionner.

Je suis fier de mon patronyme. Je le porte comme un drapeau. Je l’ai gagné .Je peux aujourd’hui m’affilier à ma parenté et vivre le bonheur retrouvé.

 

 

"Truffières et truffiers de tous les pays" de Régis MOULU, animateur de l'atelier



Le cyclone s'intensifie.
Le vent force tout,
ses tousseries intempestives
cassent et arrachent
ce qui fut  des repères
pour tous les habitants du village.
Table rase.
Dieu, ou selon, est bel et bien en colère.
Et ça persiste.
L'humain se doit de réactualiser sa culpabilité.
Et les pensées en meurtrissures planent,
s'arrêtant parfois dans des têtes
présentement ébouriffées.
Lions hagards.

Sauve qui peut, sauve qui peut,
c'est le grand dégroupement familial,
impitoyable bonnetaud d'hommes.
Ce chaos devient un déni d'esthétisme
et de beautés.
L'instinct de survie  généré s'appelle, en définitive,
l'instinct animal.

Une civilisation s'est écroulée,
momentanément.
Le ruban de l'Histoire n'a toujours été
qu'un papier à musique perforé,
le poinçonneur prenant soin, néanmoins,
de répartir les trous, on espère.
Qui, un chat sauvage,
qui, un taureau en furie,
qui, encore, un mouton esseulé,
qui, finalement, une fourmi défaite.

Réfugié sur un toit,
Archambaud pâtit de l'instabilité des tuiles.
Petit point blanc au milieu
d'un joli carré rouge.
Comme un œuf sur une pierrade
inclinée.
C'est la peur qui lui permet
de savoir qu'il existe quand même
et qu'il entend encore
et surtout
exister.
Un teint d'olive verte
rehausse à présent son visage,
le décapite pour ainsi dire
de sa toge jaune,
un drap qu'il a arraché
à sa chambre endormie comme une image profane,
lorsque lui-même fut arraché à son sommeil.

Il rêvait
qu'il avalait des couleuvres,
et même qu'il en avait trop englouties !
À bord de sa Lincoln noire,
il s'affaissait dans son siège arrière
comme s'il eût été une truffe
disparaissant dans son ballotin.
La limousine était comme clouée
devant une usine,
en fait un interminable complexe
de briques rouges
dont le peu de fenêtres
créait l'impression qu'elles furent
quelques Velux
bourgeonnant sur des toits verticaux.

D'avoir autant sérié le Monde
était devenu indigeste, un cauchemar,
le grand patron, sous ses faix airs de président,
y ajoutant son immobilité d'homme repu.
Des traces de contrariété
chiffonnaient encore son visage.
Pauvre origami défraîchi
que le vent excessif
élevait maintenant au rang
de mobile de Calder.

Et comme tout drame jouit aussi de la magie,
voilà que le toit se décrocha,
chut dans le rapide
jouxtant la partie encore fixe de la maison.

Un radeau dériva,
perdant ici et là
son automne de tuiles.

Archie, la fouine, s'ingéniait
à faire de ses pieds et de ses mains
quatre aimants stabilisés sur leurs planches.
Et quand une vague le guéait,
on eût dit un patineur d'eau
en quête d'exploit.

Avec l'ensemble des autres objets
dévalant à la même vitesse,
une constellation se forma
et laissa à penser
que la Terre eût grandement accéléré
sa rotation.
À quelques mètres en aval,
un chien vivait le même surréalisme
à bord de sa niche nautique,
presque spatiale,
par chance retournée,
à chaque soubresaut.

Finalement, pour Archambaud,
ce meilleur ami de l'homme
donnait à voir
ce qu'il vivrait quelques secondes après.
Aussi l'humain singea le bâtard
du mieux qu'il put.
Un brochet qui assistait
à ce rocambolesque manège
estima qu'il n'avait jamais vu
pareil exploit
dans la mer d'air.
Il est vrai que surfer en toge
prenait une dimension biblique,
sauf que ce Moïse d'un âge trop avancé
ne se ferait pas repêcher
par une fille de pharaon.

Passerait-il sous le pont
que la rivière grossie
avait déclassé en route-sur-les-eaux ?
Le chien mourut, fracassé.
Par son agitation,
le fleuve n'était que tourbillons
semblables à des moulinets de bras
éructant d'un golem en colère.
Archie réfléchissait désormais
à toute vitesse.
Cela eut un effet asséchant sur ses cheveux,
hirsutes à la manière d'une couronne,
voire même un nimbe.
Il était à la pêche
d'idées miraculeuses.
Il se sentit comme aidé.
Il y avait comme des génies
qui circulaient dans son corps.
Des pensées constructives, aidantes, aimantes.
La vérité était qu'il était anesthésié de douleur
suite à son éclatement contre le pont.

Il se réveilla enfant.

Mais il crut malheureusement
que ce fut un rêve.
Or, peut-on vivre sérieusement
dans un monde tout en sucre ?

Une femme s'approcha de lui,
le sourire en proue.
Il pensa que ce fut sa mère
alors même que c'était son épouse.
Et lui d'y voir une beauté
et une pureté
qui nous rapprochent
des plus splendides sommets de le Terre,
là où la neige éternelle
se trempe les pieds
dans toutes les couleurs de l'arc-en-ciel,
aujourd'hui l'indigo.

Un linge humide fut posé sur son front,
frais comme une main qui s'éveille,
doux telle une attention élective.

Le naufragé ne savait encore
que son radeau était devenu
un lit.
Au loin, un chien hurlait.

Une figue s'approcha de lui,
météore grossissant.
« Il faut reprendre des forces ! »
crut-il entendre
sous la forme d'un chant enrobant :
le voilà alors transformé
en chouchou.

Cela se passa il y a dix ans.

Depuis, de grands changements,
de bouleversantes émotions,
quelques drames
et de purs bonheurs
s'intercalèrent.

Archambaud transportait
comme toutes ces vies en lui,
sédimentées à l'instar d'un mille-feuille.
Aussi il se sentait lourd.
Sa motricité s'était réduite,
il ne sortait plus sans sa canne,
un cadeau de sa belle-sœur.
Son pommeau était extraordinaire.
Il dardait la sculpture
d'une tête de brochet dorée.
Et, à chaque appui opéré,
il se sentait encore et toujours plus
un modeste acupuncteur de le Terre.
Derrière lui, une myriade d'enfants le suivait,
agités comme des rats.

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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