SAMEDI 5 FEVRIER 2011
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
"Le monologue du plaisantin"

Animation : Régis MOULU

Comédien présent :
Philippe CHAUVIN

Auteur invité :
Henri GRUVMAN

Thème :

Troncations et omissions


Les sous-entendus, les demi-mots, les phrases incomplètes ont toujours coloré le théâtre de Molière, pour ne citer que lui. Dans notre séance, nous avons essayé d'avoir la virtuosité de faire comprendre sans dire.

Ici s'est donc créé un jeu de révélations subtil avec parfois de fausses pistes de nature à générer humour et surprises !

Remarque : au-delà de la contrainte formelle (thème), le sujet "comme l'eau pour le sirop" a été énoncé en début de séance.

Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support a été distribué : il évoquait et donnait des exemples de troncations, omissions et sous-entendus... N'est-ce pas extra ?!

 

 

 



 


 


 

Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):

- "La photo de famille" de Christiane FAURIE

- "Lettre ouverte à Monsieur le Maire" de Nadine CHEVALLIER

- "Devoir de français" de Janine NOWAK


Philippe CHAUVIN incarnant un texte encore rouge
de sous-entendus... (coll. Janine NOWAK)


"La photo de famille" de Christiane FAURIE


C'est fou ce que le temps passe !
Regarde, oncle Jacques, " nuit grave " et " alcool tue " réunis ! Certes, il a le cigare bien rouge mais n'empêche, il a mis de l'eau dans son vin. il discute littérature avec la sauterelle. Enfin, tu vois de qui je parle !
Elle a sombré démago malgré son passif prolo. C'est la reine margot façon virago dorénavant.
L'autre jour, dans le métro, elle a abordé un genre tube d'homéopathie Boiron bourré de granules à l'extérieur. Elle lui a trouvé " un charme fou ". J'pense plutôt que sa carte de visite lui a plu !
Et la tante Marthe ? Concessionnaire Michelin à elle toute seule. C'est stupéfiant ce que la promo canapé vous propulse du canada dry à la bière pression.
Du talent, elle en a….., enfin sûrement…demande à Jean-René, le patron de la société Heineken.
Par contre, le cousin Henri, il s'est tout chiffonné. Il lui manque le lait dans la pâte à crêpes. Il est trop accro au vélo. Il finit par pédaler dans la semoule !
Il ne lève jamais la tête du guidon, ça lui nuit.
Enfin, heureusement que sa sœur Rosy elle a…,enfin, elle est…mmm… C'est une gentille fille. De l'eau fraîche dans le désert !
Et là ta grand-mère… Je l'ai connu bouquet de violettes et aujourd'hui…c'est un pot de chrysanthèmes. Moins rafraîchissante mais très recherché pour l'inauguration de la tombe du soldat inconnu.
Ah, avant elle était…, quand je l'apercevais, j'en étais tout…
Enfin bref, c'est fou comme le temps passe !
Ton arrière grand-mère, feu ma belle-mère, comment dire…
Tu ne l'as pas connue mais elle savait galvaniser les foules à vous donner la chair de poule.
Sèche comme un coup de trique, les pavillons longs comme la route de Compostelle et ses yeux… comment dire…un disciple des khmers rouges.
Notre relation ?
Plutôt frigo mais sans glaçon on the rock's.
Mon beau-père, là au 3ème rang derrière le chapeau cloche.
Elle c'était Suzanne. On lui disait : dans Suzanne, il y a âne. Mets ton chapeau et cache tes oreilles !
Dans la famille, c'est hissez pavillon, toutes voiles dehors !
Bref, mon beau-père, c'était disons que…j'eusse pu déplorer sa disparition prématurée…dire qu'il a laissé un grand vide.
C'est sûr, sa vie était un désert. Alors quand il est parti, tout ce sable, il a fallu s'en débarrasser. C'était pas commode, si loin de la mer !
Ma mère, c'était tout le contraire, d'un désert, elle te faisait le jardin Majorelle !
Elle m'a fait pousser le gazon partout où il faut !
Pas de radio, ni télé, mais elle mettait le volume.
Le tube de lait concentré Nestlé tété goulûment jusqu'à vomir tripes et boyaux !
La cure de désintox fut longue !
Bon assez de déballage pour aujourd'hui !
Prochain ciné club le mois prochain. Je laisse ta cervelle en germe.
Mais attention aux racines, ça colle aux semelles !
Profite du temps qui passe !

 

"Lettre ouverte à Monsieur le Maire" de Nadine CHEVALLIER


Monsieur le Maire,

Vous avez mené l'année dernière une grande campagne de sensibilisation de nos concitoyens. Vous avez pris le problème à bras le corps comme on dit.
D'abord, et ce n'était pas facile, des articles dans le journal municipal. Mais la gent canine sait-elle lire... ?
Alors courageusement, vous avez parlé aux MAÎTRES avec des IMAGES : une série d'affiches dans toutes la ville... percutantes les affiches... je ne me souviens plus très bien de ce qu'on y voyait... sans doute des chiens... mais si vraiment, ça donnait envie d'arrêter !
Mais héla, ça n'a pas suffit, le problème a persisté, on marchait toujours dedans.
Alors, vous avez mis en place des poubelles spécifiques avec fourniture gratuite de sacs appropriés : les sac'a'm !
Et là ! Monsieur le Maire, ça vaut le coup de vivre ce moment une fois dans sa vie, moment magique s'il en est, une fois, j'ai vu un homme utiliser le sac'a'm puis le déposer solennellement dans la poubelle prévue à cet effet. Ce jour là, Monsieur le Maire, j'ai pensé : "Chapeau ! Vous aviez raison de croire en nos concitoychiens... euh... concitoyens"
Et en effet, pendant quelques temps, nos crottoirs ont été trottoirs... , nos trottoirs ont été... décrottés... Mais tout passe, tout lasse...
Et aujourd'hui, Monsieur le Maire, un an après, j'ai pu constaté que tout était rentré dans l'ordre... Je vous souhaite donc en sortant de chez vous de mettre le pied dans... le problème, ça vous portera peut-être bonheur pour les prochaines élections !...

 

"Devoir de français" de Janine NOWAK


Bigre ! Mais quelle tête d'enterrement tu fais !!! Hum… Je crois comprendre… J'ai ma petite idée…C'est samedi aujourd'hui, n'est-ce pas ? Oui, oui, oui. C'est le jour de ta rédac ? Voilà ! C'est donc bien ce que je pensais. Allons, secoue-toi ! Tu es chaque fois effondré. Tu dis que c'est de plus en plus difficile, que les sujets sont impossibles ! Et au final, tu t'en sors toujours correctement ! Ce n'est pas vrai, peut-être ? La dernière fois, avec les mots inventés, tu as fait un travail fort honorable.
Veux-tu que je t'aide un peu ? Bon. Je vais essayer de te donner un petit coup de main. Allez zou, sans plus tarder on s'attèle à la tâche. C'est quoi aujourd'hui ? " Troncations et omissions ".
Nous disons donc : " troncations ". Ca existe ce mot ? On regardera plus tard dans le dico.
Hé ben tiens, justement : je viens de dire " rédac " et " dico ". Voici deux troncations. Tu saisis ?
Passons à " omissions ". A mon avis, il faut que des mots ou même des morceaux de phrases disparaissent. Voyons voir… Laisse-moi le temps de réfléchir… Comment te faire comprendre… Ça y est ! Ce n'est peut-être pas la trouvaille du siècle, mais elle a le mérite d'être originale. On va essayer. Ce sera comme un petit jeu qui t'orientera vers ce que le prof. (encore une troncation !) attend de toi.
Je vais te réciter un bout de texte, en remplaçant certains mots, par des sifflements. Ensuite, tu me diras comment tu as traduit ce court extrait. Ecoute attentivement :
" J'ai ta (pfllouit)
Dans ma (pfllouit)
Qui joue avec tes (pfllouit)
J'ai mes (pfllouit)
Dans tes (pfllouit)
Et partout l'on ne (pfllouit) ".
Alors… qu'en penses-tu ? Tu dis que c'est un texte à caractère pornographique ? Ha ! J'en étais sûr ! Je l'aurais parié ! Comme tu as l'esprit mal tourné ! Hé non, pas du tout figure toi. C'est le début d'une tendre et sentimentale chanson écrite voici quelques décennies par Charles Trenet, qui se fredonnait ainsi :
" J'ai ta main
Dans ma main
Qui joue avec tes doigts.
J'ai mes yeux
Dans tes yeux
Et partout l'on ne voit ". etc., etc., etc. As-tu remarqué comme tout peut sembler différent suivant la présentation ? Quelques mots supprimés de-ci de-là offrent des sous-entendus inimaginables. Un autre exemple ? On pourrait également avoir le cas de phrases qui, malgré l'absence de verbe, créeraient une véritable histoire.
La ponctuation aussi, arrive parfois à modifier un sens, une idée.
Mais assez parlé. A toi de jouer. Dans une heure, tu me donneras ton texte à lire. Au boulot !
Je te souhaite bon courage.

Une heure plus tard

Fini ? C'est le mom. ( mom. pour moment = troncation ! ) de la lecture ? Voyons ce que tu nous as pondu.
Ça s'intitule ? " Urgences ". O.K. Je t'écoute.

- Pouls faible.
- Pou ? Poux ? Qui a des poux ? Pas moi. Non, ça gratte pas ma tête !
- Tension basse.
- Attention ? Attention à quoi ? Attention aux poux ?
- Epongez.
- Eponge ? J'ai ? J'ai des éponges ? Sais pas, moi ! Pourquoi ?
- Bistouri.
- Bis ? Encore ? Touri ? Touriste ?
- Scalpel.
- Une pelle ? Une sale pelle ? Une pelle à quoi, d'abord ? A tarte ? A charbon ? A neige ? Du 18 Juin ? Pas de pelle. Pas d'éponge. M'énervent ces gens là !
- Perd son sang.
- Son san ? Son san… Son san !
(sur l'air de la sirène d'ambulance) Son san ! Son san ! Son san ! Son san ! Son san ! Son san ! Son san ! Son san ! Son san ! Son san ! Son san ! Son san !
Oh oui ! La sirène de la Police ? Celle des pompiers ? Les sirènes ? Les sirènes ! Ondine ? La Lorelei ? La petite sirène de Copenhague ? Ulysse ? Six reines ? Reine d'un jour ? La Reine d'Angleterre ? Rennes, la ville ? Nez Rouge, le Renne du Père Noël ?
- Accident.
- A que six dents ? Non, 32 dents, moins une molaire. Et puis quoi, mes dents ?
- Cœur a des ratés.
- Dératé ? Dératisation ? Rat ? Rat d'égout ? Râteau ? Ratte du Touquet ? Ratafia ? Ratatouille ? " C'est pas d'la soupe, c'est du rata ! " Ratiboisé ? Ratatiné ? Râtelier ? Ratisbonne ?
- C'est la fin.
- Fin ? Faim ? Manger ? Non, pas faim. Moi pas faim !
- Encéphalo. plat
- Plat ? Plat à barbe ? Don Quichotte ? Plateforme ? Plat de résistance ? Plat de côte ? Non ! Toujours pas faim !
Céphalo. ? Céphalopode marin ? Cellophane ? Phallocrate ? Falot ? Terne, effacé ?
- Dissection.
- Section. Section. Section. Section. Section. Section. Section. Section. Section. Section.
Voilà. J'ai dit dix fois section. Et après ?
- Morgue.
- Morve ? Suis pas enrhumé. Non : pas morve
- Morne ? Waterloo, morne plaine.
Orgue ? Musique d'église ? Jean-Sébastien Bach ? Toccata et fugue en Ré mineur ?
Orque ? Grosse baleine ?
Comprends pas, moi.
Comprends plus rien.
Tout flou.
J'ai pas mal.
Suis bien.
Tranquille.
Ca roule.
C'est froid
Plus de bruit
Quel silence !
Quel repos !
Repos éternel…

Bon ; c'est spécial. Je n'aimerais pas avoir à corriger et à juger un devoir pareil. On verra bien ce que ton prof. en pensera ! Bonne chance !

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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