SAMEDI 11 mars
2023
dans le cadre du cycle Animation : Régis MOULU Thème : Le vague à l'âme, ce feu d'artifice sentimental ! On pense souvent qu'à laisser son intériorité chanter, voire vociférer, on risque la torture métaphysique si sa production est négative, ou des complications mentales si elle est positive. Or, sur le plan littéraire, c'est tout autre puisque les tréfonds de l'âme exposent comme jamais un personnage dans sa naturelle complexité, ce qui permet d'ailleurs de considérer tout homme comme l'être singulier et unique qu'il est. Ainsi on apprend à le connaître, ce qui, pour les lecteurs, est nourrissant, passionnant, émouvant tant cela stimule leur sens de la consolation, leur empathie, bref, nombre de qualités humaines. Aussi nous allons investir cet habile et troublant ressort qui nous replace au cœur de notre vitalité originelle. Remarque
: au-delà de la contrainte formelle
(thème), le sujet suivant a été énoncé en début de séance : Qu'elle/il ait une destinée ou pas, la/le protagoniste de votre histoire choisira de suivre le chemin de son cœur et tracera sa ligne de vie en privilégiant terriblement l’amour. |
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Ci-après
quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):
- "Au choix : La hotte du diable ou La belle dame" de Régis MOULU
"Déclic" de Blandine DELGADO
Aimée pourrait continuer encore longtemps à appuyer sur le petit interrupteur de sa lampe de chevet. Couchée, le bras ballant tombant le long du lit, elle tient dans sa main la petite boule en céramique fraîche et douce et avec le pouce, allume, éteint, allume, éteint, allume éteint… Son regard sonde la lumière puis la nuit dans l'intervalle d’une seconde. Ses yeux mouillés et tristes, ouverts sur le vide, cherchent comme un nouveau-né la réponse aux mille questions qu’il ne peut pas encore formuler. Depuis quelque temps, son quotidien est tapissé de moments semblables à celui qu’elle vient de matérialiser par cette intermittence de lumière et d’ombre. Elle se sent imperceptiblement tirée par une force intérieure qui la fait glisser vers une zone jusqu'alors inconnue de son être, ou peut-être oubliée ? Ce qu’il y a d’étrange dans cette sensation, c’est qu’Aimée n’arrive pas à déterminer si elle est attirée de la lumière vers l'ombre ou inversement. Comme dans le paradoxe de l'œuf et la poule, elle cherche en vain à savoir ce qui a précédé quoi. Mais à l’instar des autres jours, elle sait qu’elle n’aura pas de réponse en laissant son cerveau s'échauffer à la vitesse du “clic clic” de l’interrupteur. Alors la nuit portant conseil, autant en profiter et dans un sursaut de lucidité, elle éteint définitivement. En tout cas pour ce soir. Le lendemain matin, la lumière est crue dans la petite cuisine fraîche. Il fait beau et le café bien noir, brûlant, qu’Aimée vient de se servir lui remonte le moral et renforce la promesse d’une belle journée. Sa fille doit passer la voir aujourd’hui et elle hésite entre la joie que lui procure cette visite sur le moment et la peur du sentiment de nostalgie et de vide qu’elle lui laisse à chaque fois. Elles se ressemblent tellement toutes les deux. Quand sa fille est née, Aimée aurait voulu la manger. Elle se faisait peur à elle-même et n’aurait jamais pu imaginer que l’on puisse ressentir cela pour un autre humain, qu’il fût sorti ou non de votre ventre. Mais à bien y réfléchir, d’aussi loin que remontaient les sentiments d’amour qu’elle avait pu expérimenter dans sa vie, elle avait toujours voulu dévorer les êtres qui les lui avaient inspirés. Elle était comme ça avant, elle goûtait les plaisirs de la vie avec avidité. Mais aujourd’hui, elle n'a plus faim de rien. La simple idée d’ingérer quelque chose l'écoeure, lui procure une nausée puissante et la ramène à ce vague à l’âme qui la tenaille ? Pourquoi est-elle poursuivie par ce cafard intermittent ? 18 h. Sa fille est repartie. Aimée s’oublie avec du ménage qui lui occupe le corps et de la musique à fond les ballons qui muselle son cerveau et les idées qui l’envahissent. Elle doit tenir jusqu’à 20h. Elle brûle, elle, Aimée… Depuis quand cela ne lui était pas arrivé ? La nuit des temps sûrement. Elle n’en a pas parlé à sa fille, elle n’aurait pas compris. Aimée la sage, la bien-rangée Aimée, mère, grand-mère, peut-être arrière grand-mère bientôt, dévouée à sa famille, ses amis, reine de la quiche au saumon ! Alors elle doute, d’un doute profond qui prend la forme de cette ombre qui l’enserre, qui la ramène à son âge - Peut-on encore désirer à 85 ans ? - qui la renvoie à l’enfance, l’adolescence, les premiers émois, ceux qu’elle avait dû refouler… toujours l'ombre. Parce qu’elle avait compris très tôt qu’elle serait bridée, brisée, brimée ; une chandelle si lumineuse pourtant, mais à la flamme chancelante et finalement éteinte. Jusqu’à il y a quelques semaines à cette soirée. Aimée a toujours adoré danser. Sa pulsion vitale passe par le mouvement, quand les sens s’éveillent. Elle s’est toujours sentie plus libre, puissante et primitive en dansant. Alors elle s’est reconnue dans ce corps qui l’a approchée, frôlée, caressée du regard, tellement naïvement aux yeux de tous, mais si sensuellement pour elles seules. Une jumelle… car finalement au grand âge, tous les corps se ressemblent, un savant mélange de blancheur, de petits plis, de candeur et d’intensité. Ce soir, dans l’euphorie de sa danse ménagère, l’alchimie du corps agit à nouveau. Tout en aspirant la poussière sur un disco endiablé, Aimée réalise que c’est sans conteste depuis cette rencontre qu’elle navigue entre doute et évidence, entre ombre et lumière. Cette certitude remonte des confins de son être, de la zone inconnue où elle glissait inéluctablement ces derniers temps et vient la frapper comme une flagrance, un éclair tranchant la noirceur des nuages. 19 h. Aimée se sent forte. Elle redresse son corps devant la glace, plus belle qu’elle ne l’a jamais été. Elle approche son visage du miroir grossissant et aperçoit, tout près, dans son regard humide et serein, la chandelle vacillante mais éclatante, qu’elle espère allumée pour encore quelques belles années, car elle s'est choisie, elle, enfin, Aimée, pour tout le temps qui lui reste. Elle est prête.
"Au choix : La hotte du diable
Nour est assise sur une borne d'incendie, « Je te quitte Reblochon (fromage affectif). Et elle embrocha Reblochon De toute façon, l'âme de l'enfant Une radiographie opportune nous permettrait alors L'enfant cheminait comme un avion La gamine les traversa D'énormes rosés des prés, en flaques généreuses, Surtout qu'en chacun de nous La môme n'était plus que Herbes hautes avec insectes des plus variés Gros bazar, Gigognes vagues à l'âme Fleurs sauvages, pétales qui chatouillent. La mythologie était bien représentée Notre avenir, est-il déjà dans notre présent Les gros mammifères ont des yeux gros. « Barrière de feu » que forma son pelage luisant. Mais mue par son esprit de découverte, La prairie devint un vaste manège. Une histoire s'écrivait, À tant s'exciter, Nour fut prise d'un désir irrésistible Aussitôt le dolmen se transforma |
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Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet ! |