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C'est l'histoire d'une femme extravertie, Nina, qui assume totalement ses irresponsabilités.

 

 

Editions L'Harmattan,
collection L'Instant théâtral
, juin 2005

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A partir d'un avortement se réveille en elle une formidable envie de créer. Elle se déclare donc sculpteur et imagine un projet qu'elle portera à l'échelon national.

 

 

 

Mais peut-on sauver une République quant on ne réussit pas sa vie de couple, la plus petite des démocraties ?

 

 

 

 

 

 

 

 

" Le principal n'est pas d'être mais de sentir qu'on est afin de pouvoir faire "

Que nous est-il donné de vivre ? A quoi rêvons-nous ? Vers quoi irons-nous ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette vocation qui se construit sous nos yeux prend les accents tyranniques de l'orgueil, ce qui ne fait que l'éloigner toujours plus de ses proches.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Avec recul, nul n'a jamais vu drame plus dérisoire.

Extraits de...

Garder son élan, jeter son couteau.

 

 

ACTE I - Scène 1 - Un avenir sans enfant.

 

Il était une fois nulle part, comme l'est cette chambre d'hôpital dans laquelle se trouve Nina. Elle est ce qu'on se plait à appeler une "patiente". Nina est alitée sur du matériel de second choix. Autour d'elle, une femme en blouse marron clair (Sally) a commencé à nettoyer ce lieu transitoire ; cette dernière sent la lavande.

 

Nina. - Je suis contente, je suis fertile !

Sally. - Vous ne dormez plus ?

Nina. - Oui, je suis consciente, je crois que j'ai de nouveau toutes mes forces ! en plus d'être fertile ! … jusqu'à aujourd'hui ! Un tel instant ne s'oubliera pas (elle prend en main des ciseaux ; elle les affectionne). Oh, comme je suis contente ! Je vais pouvoir partir, tout est bien !

Sally. - J'espère pour vous. Mais vous n'avez pas de peine ? Vous avez tout digéré ?

Nina. - Oui, ça va, j'ai assez dormi, je vous dis ! Ai-je l'air d'être marquée ?

Sally. - Je ne sais pas, je trouve ça monstrueux : comment pouvez-vous vous réjouir, j'ai vu votre dossier sans le faire exprès ! (pleurs) En plus, vous ne venez pas pour la première fois, à votre âge ! Et pourquoi avoir autant attendu ? Je ne vous félicite pas ! …

Sally devient très troublée. Après un temps.

Sally. - … Excusez-moi, je vois des mouches. C'est à vous ces ciseaux ?

Nina. - Oui.

Sally. - Vous devriez les ranger, on a les mêmes ici. Et d'abord, où est l'homme qui vous a fait ça, personne n'est venu vous voir !

Nina. - Inutile. (Elle se lève, range les ciseaux).

Sally. - Mais comment faîtes-vous ?

Nina. - Je suis moi, de plus en plus. (Elle met des collants). De toute façon, ce que j'ai vécu se vit toujours seule, c'est trop intime! Et puis c'est mieux comme ça, on avance plus vite, vous pouvez me croire.

Sally. - C'est une façon de voir les choses, c'est que je suis surprise par vos prises de position ! Après vos paroles, c'est bien simple, je me sens desséchée, c'est comme si vous absorbiez tout le décor, moi y compris (rire social). Excusez-moi d'insister, mais personne n'aura dit au revoir au petit ! Quel monde dégueulasse où tout se consomme et tout se jette ! Lui aviez-vous au moins donné un prénom !

Nina. - Inutile aussi, pourquoi s'encombrer d'une donnée qui ne durera pas, surtout quand son existence ne se pose même pas ! Simplifions nos vies, Madame, revenons aux évidences, je veux dire à tout ce qui se décide au plus profond de nous. Mon futur à moi, c'est moi. Et puis avoir un enfant aujourd'hui, c'est tellement aberrant, notre société a bien d'autres besoins, croyez-moi !

Sally. - Et c'est avec des idées comme ça que moi, je nettoie, je nettoie, je nettoie pour faire disparaître toutes les saloperies des autres, les soulager de leurs culpabilités. Oh, c'est vraiment dégueulasse, DEGUEULASSE ! SOUVENT JE PREFERERAIS ETRE AVEUGLE !

Nina. - N'exagérez pas : toute infirmière fait beaucoup plus que du nettoyage. Ne jouez donc pas aux réductrices de têtes ! Courage, même si toute femme se sent plus fragile lorsqu'elle fait des tâches ingrates. Moi je vais vous dire, je vous envie : vous faîtes un métier valeureux puisque vous travaillez au service de la vie… et près de la mort ! Là, il n'y a pas plus fort ! Et puis consciencieuse comme vous êtes, je suis sûre que vous devez vous en sortir très bien ! La preuve : vous arrivez même à prendre du temps pour me parler ! Avec des gens comme vous, n'est pas encore venu le temps où il faudra suivre une formation de psychologie pour découvrir comment l'on devient humain ! (rires). En plus vous avez du mérite : qu'est-ce que c'est médiocre ici ! Il n'y a même pas de distributeur de noix de cajou, c'est à mourir de désespoir !

Sally. - Non, il n'y en a pas.

Nina. - Le seul vrai problème pour votre métier, j'ai pensé à ça hier soir, c'est que vous êtes exposée à un risque terrible : celui de ramener chez vous la maladie de la conscience qui s'interroge ! Ha-ha, pas évident, hein ? Je tiens donc particulièrement à vous féliciter, très chère infirmière, pour…

Sally. - Stop, je voulais voir jusqu'où vous vouliez aller. Excusez-moi, petite Mademoiselle, vous êtes blessante, vous monologuez. En me regardant, vous auriez vu que ma blouse est marron clair : je ne suis que femme de ménage ! une femme de ménage qui a fait l'erreur de vous croire profondément endormie lorsqu'elle a commencé cette pièce. Pourtant je sais que c'est interdit de nettoyer les chambres quand les malades sont dedans, mais je n'ai pas pu m'empêcher de le faire... Quelle horreur, d'habitude je fais toujours gaffe !

Nina. - Je sors à peine d'une intervention, comment voulez-vous que je fasse attention à une blouse ?! Et puis c'est peut-être bien le bonheur qui m'embue, oui, qui m'embue ! Que vivre de mieux après cette réussite, oui, quoi faire après ça ? Il faut que j'y réfléchisse vraiment !

Sally. - Je tiens à vous expliquer quelque chose : si j'ai pris pour habitude de travailler pendant que les autres sommeillent, c'est pour m'avancer, pour ne pas quitter tard, pour en somme moi aussi avoir une vie avant la nuit. Je sais, j'ai de toutes petites motivations, des motivations de mauvaise fortune mais je ne me plains pas, ou peu… Un jour, tout ça changera car je vous prie de croire que mon désir d'être heureuse est grand, même si c'est banal chez tous les gens et que nulle part on en voit le résultat. Pourtant je vous assure que j'aimerais que chacun soit heureux. Si je fais ce travail à mon âge, Mademoiselle, c'est parce que j'ai des factures à payer, surtout celle du magnétoscope sur lequel j'ai un peu craqué, parce que c'est chouette de convoquer les films qu'on veut ! Et j'y arriverai. Alors s'il vous plaît Mademoiselle, ne me dénoncez pas… (avec un sourire) n'ayez pas ce genre de défaut !

Nina. - Mais pour qui me prenez-vous ? Si je vous accorde du temps, c'est que je vous trouve bien !

Sally. - Ne le prenez pas mal, mais toutes les femmes qui avortent ont envie de dialoguer. Je l'ai constaté. Vous n'y avez pas échappé. Ne m'en voulez pas mais je ne supporte pas les petites convenances personnelles. Le jour où on les laissera s'amplifier, notre société en crèvera. Quand une démocratie commence à dire " chacun pour sa gueule ", il y a à son cœur toute ma misère. Vous avouerez que pour une boniche, j'ai quand même de nobles réflexions, non ?!

Nina. - C'est vrai que vous êtes assez étonnante, ça ne me déplait pas !

 

[...]

 

ACTE III - Scène 2 - L'origine du monde selon Nina.

 

Sally revient habillée en rouge, elle sent la rose.

Sally. - Alors Nina, que sais-tu sur les hommes ? Révèle-moi ta faculté à les séduire et n'y mets pas de prénoms, ou des faux, je veux que ça me serve !

Nina. - J'en ai connu des tas mais chacun était un cas. (Elle prend ses ciseaux en main) Mais avant tout, le principal est d'admettre que nous autres les femmes avons des besoins physiques. Il ne faut jamais laisser dire le contraire. Revendiquons-le car toucher au plaisir, c'est créer ! Moi, par exemple, c'est en faisant jouir les hommes que j'ai pensé à être sculpteur ! Eh oui, l'art, c'est au minimum beaucoup de sexe, crois-moi !

Sally. - Tu es décapante, Nina !

Nina. - OUI, ET FERTILE COMME UN VENTRE VACANT ! L'amour nous va bien, n'ayons pas d'enfants !

Sally. - Ça te réjouit de le dire, j'en suis contente ! Vu ma profession, toujours la même, à quel homme puis-je plaire ?

Nina. - A tous ! Mais après ça dépend de celui que tu préfères ! Et puis ça commence toujours par un prénom… Jean, Arnaud, Tibo, Ugo, Mouloud, Jérémy, Pascal, Johnny, Marcel, Isabelle, Romuald, Dominic, Marc, Toma : plus je faisais des rencontres et plus je savais que l'homme idéal n'existait pas. Ma mère n'a jamais parlé de ses relations et mon père vit toujours, c'est à le regretter ! Je suis une artiste, moi, Sally, et si je le veux, mon père j'en fais un concept ! A JAMAIS, JE LUI TENDS MA SEXUALITE COMME DES CISEAUX ! … Eh oui, créative comme je suis, c'est normal qu'on m'aime !

Sally. - Oui, pas mieux.

Pendant que Nina parlera, Sally cherchera dans la pièce quelque chose qui fasse miroir, le nettoiera et l'installera pour pouvoir s'y regarder. Elle tentera alors tout ce qu'elle peut pour s'arranger et s'embellir, stimulée par les paroles et les thèmes qu'égrènera Nina.

Nina. - Ceci dit, je l'ai toujours été, car avant d'être sculpteuse, je pensais déjà l'être, donc c'est comme si je l'étais déjà, bref je suis née comme ça, quoi ! Sans conteste, ce qui excite un homme, c'est qu'on soit sublime ou à défaut mystérieuse…

Sally. - C'est-à-dire qu'on nous croie capable de l'être !

Nina. - … et c'est ce dernier aspect qui a séduit Toma.

Sally. - Au fait, ce n'est pas un faux prénom, ça !

Nina. - Ho, ne me coupe plus la parole, Sally, déjà que je te rends service ! … Donc, il m'achetait des fleurs pour éviter de parler, du coup on faisait mieux l'amour. Car rien de mieux que les silences pour parler d'amour avec amour, même si à ce jeu-là, je perds vite patience. Ça me rappelle Jérémy, un militaire étranger qui me faisait mille et une fois plus d'effets qu'un sportif survitaminé. Si proche et si loin, il chronométrait tous nos ébats et reportait nos chiffres sur le calendrier PTT, ce qui lui permettait également d'observer la fréquence de nos rapports. Méfie-toi, il y a des hommes qui aiment les chiffres au lieu de penser aux femmes qui les aiment. Et quand je me retrouvais invariablement seule devant la vaisselle, je la faisais de bon cœur, en essayant d'éprouver toute la liberté qu'offrait mon corps. Je tenais à ma souplesse, car seules les possibilités qu'ouvre l'amour m'obsédaient. J'étais une grosse baroudeuse. Et comme j'étais de cette génération des valises toutes faites et vite pliées, un jour de coupure d'eau, il ne m'a fallu que quelques secondes pour partir avec toute ma vie au bout d'une seule poignée. Je m'étais promis que c'était la dernière fois que je remettrais toutes les clefs de mon existence. J'ai trouvé un boulot de vendeuse, j'ai eu une voiture, mon premier fer à friser et un studio, bref tout ce qu'il fallait pour avoir la possibilité d'imposer mes règles du jeu. Et c'est à partir de ce moment que je n'ai pas arrêté de faire des doubles de clefs, car il suffisait qu'un homme me parle pour que j'en commande un. J'ingéniais à chaque fois pour qu'il l'ait, comme ça il pouvait venir dès que je lui disais. Rien que le fait d'attendre sa venue m'excitait. Et avec le seul bruit de sa clef dans ma serrure, c'était l'orgasme. Je vais te faire rire : c'était comme ça avec tous ! Bon, c'est sûr que certains ne le méritaient pas, surtout Pascal. Moi, qui de toute ma vie aie pensé à Tarzan, je n'avais trouvé que ce plongeur de restaurant. Passé 22h00, je lui demande alors d'être un peu cow-boy, mais il avait déjà des chaussons aux pieds, prétextant qu'il était épuisé de ne pas avoir marché toute la journée. Eh bien ça, ça ne marchait pas non plus pour moi, je l'ai renvoyé, très déçue. Devenue fataliste, j'ai cherché un délinquant et, tiens-toi bien, l'ai trouvé, mais là c'est lui qui ne me quitte plus ! Il faut dire qu'ensemble on adore se planquer. Je l'aime pour sa faculté à faire des projets et sa tendance à tout vouloir braquer, y compris moi ! Mais rien n'était vraiment stable, y compris ses pompes qu'il jetait à l'intérieur de la télé, et comme je ne pouvais être ni sa mère pour finir son éducation ni sa putain parce que l'argent ne m'intéressait pas, je lui ai fait le coup de la jeune fille enceinte qui garde tout ce qu'elle trouve, là c'était un enfant, le notre. Son portrait-robot s'en étant pris un coup, le lendemain j'étais seule avec un petit magot, le prix de sa liberté non discutée. Ma fécondation n'était pas bidon bien que située dans le bidon : j'ai dû avorter pour la deuxième fois. C'était bien dommage car il était le seul à me faire rire jusqu'à l'urine : il me faisait peur et j'aimais ça ! Etre aussi sensible ne devrait pas être humain ! J'ai rapidement bouffé tout le magot. Il faut dire que quand j'étais jeune, j'avais beaucoup de caractère, j'étais très conne. Du coup à chaque fois que je tombais sur des hommes qui veulent toujours avoir raison, on se frittait, ils boudaient et moi je pleurais. Je me suis donc mise à désirer celui qui me foutrait la paix : Marcel, une erreur qui avait soixante-dix huit ans ! Il arriva que je ne sache même plus si je l'avais déjà quitté, et lui non plus, avec son Alzheimer ! C'est pourquoi aujourd'hui je m'y prends mieux, j'ai compris qu'il ne faut pas respecter leurs désirs sinon il ne se passe rien pour moi ou presque toujours la même chose. Ce qu'il faut, c'est les prendre de vitesse en les étonnant. " Viens, je te ferai redécouvrir l'origine du monde " il m'est arrivé de dire, par exemple. Avec ça, ils me suivent, conscients que mes élans leur feront violemment du bien… (Maussade) Mais ne fus-je pas une fois de plus l'espoir des sans espoir me suis-je dit après Toma ?

Sally. - Putain, quel palmarès ! … Et quel savoir en évolution, c'est vachement bien ! A t'écouter j'ai l'impression d'avoir rien fait pour avoir un mari dans mon lit ou d'avoir tout fait pour ne pas l'avoir ! Quel cadeau, merci vraiment beaucoup Nina, ton expérience est riche !

[...]

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